Méthode comportementaliste, le PECS (Picture Exchange Communication System) aide l’enfant à communiquer grâce aux images.

Trouver une prise une prise en charge, lorsqu’on a un enfant autiste, ressemble à un parcours du combattant. Et comme si cela n’était pas assez compliqué, il faut choisir un type d’accompagnement sur lequel, de toute façon, les avis divergent. Faute de solution satisfaisante, les parents se rabattent sur des pis-aller.

Par Marie CHEVILLARD, Pauline MAREIX et Jules XÉNARD
Photos : CRA Tours

« Ne vous faites pas d’illusion, votre fils ne pourra jamais parler. » Les premiers psychiatres qui ont suivi Nicolas n’étaient pas très encourageants. Et pourtant, il parle ce gaillard de maintenant 23 ans. Cela, il le doit sans doute à sa mère, Josiane Sicard. Très vite, celle-ci a compris que « quelque chose n’allait pas » chez son fils. A force d’insistance, elle a obtenu qu’un diagnostic soit posé assez tôt. Pour elle, la galère a commencé lorsqu’elle a dû choisir et trouver une prise en charge. Mais pour la majorité des parents, le parcours du combattant débute beaucoup plus tôt. Comme Josiane, ils prennent conscience assez rapidement que leur enfant est différent. Mais de consultation en consultation, de médecin en psychiatre, d’inquiétude en angoisse, le mot « autisme » tarde à être prononcé. Or, le diagnostic devrait intervenir dès 18 mois. Lassaâd Djerbi raconte que son fils Raphaël « ne captait pas le regard. Il avait son propre langage. À 3 ans, son pédopsychiatre pensait que le problème allait se débloquer à l’école ». Mais l’école n’y a rien fait. Et Raphaël a fini par être déclaré autiste, à 6 ans. Un peu tard.

On estime qu’une personne sur 150 est atteinte d’autisme ou d’autres troubles envahissants du développement (TED) : Asperger, infantile, atypique… Au total, cela représenterait entre 440 000 et 600 000 Français. D’après le Plan autisme 2013-2017, présenté en mai 2013 par Marie-Arlette Carlotti, alors ministre déléguée en charge des Personnes handicapées, seuls 75 000 d’entre eux sont pris en charge dans le secteur médico-social, en 2010. « La situation est catastrophique malgré les avancées des dernières années », déplore le collectif de parents EgaliTED. Et pas question de les faire scolariser dans les écoles de la République. La plupart refusent, faute d’encadrement adéquat. Début février, le Conseil de l’Europe a d’ailleurs reproché à la France de ne pas respecter le droit de ces enfants à être scolarisés dans des établissement ordinaires.

Les frères ennemis de l’accompagnement

Après le diagnostic, la question se pose de la prise en charge et du suivi des enfants. Deux grands courants s’empoignent. Le premier, basé sur la psychanalyse, analyse tout par ce prisme et mise sur l’écoute des enfants. Le problème, c’est que certains praticiens vont  jusqu’à incriminer une défaillance de la mère pendant et après la grossesse. À l’opposé, les méthodes comportementales s’intéressent peu aux causes pour se consacrer essentiellement à l’apprentissage et à l’éducation. Auparavant dominante en France, l’approche « psy » est aujourd’hui remise en cause par la plupart des parents. Et le dernier Plan autisme la désavoue pour promouvoir, sans ambiguïté, le comportementalisme.

Psychanalyste à Paris, Hélène Deltombe défend son approche : « Il y a effectivement eu une théorie universelle et fausse selon laquelle tout était dû à la mère. Mais c’était une dérive. Résumer l’approche psychanalytique à cela est un gros cliché. » Un point de vue qu’entend Catherine Barthélémy, professeure et chercheuse au CHRU de Tours, qui travaille pourtant à l’aide de méthodes comportementales : « Certaines pratiques psychanalytiques peuvent être très compréhensives. »

Au CRA de Tours (Indre-et-Loire), c’est la méthode PECS qui est privilégiée auprès des enfants.

Alors que choisir ? Les parents désorientés devraient pouvoir se tourner vers les centres ressources autisme (CRA) qui ont pour mission de diagnostiquer, d’informer et d’accompagner. Mais ces structures engorgées ne peuvent que rarement les accueillir. Quant aux professionnels de santé de proximité, non seulement ils n’ont pas été formés aux techniques de diagnostic, mais ils ont tendance à orienter vers les hôpitaux de jour. Lesquels ne sont pas spécialisés en TED. C’est pour améliorer cet accueil et rendre les conseils plus pertinents qu’une des mesures du Plan autisme 2013-2017 prévoit de former les professionnels des secteurs social et médico-social.

Pas de place à l’école

Lorsque vient le temps de la scolarisation, d’autres difficultés se font jour. Les autistes les plus légers doivent normalement être accueillis en milieu scolaire ordinaire – dans des Clis (classes d’intégration scolaire) dont les effectifs sont réduits – et bénéficier d’auxiliaires de vie scolaire. Un droit garanti par la loi Handicap de 2005. Dans la réalité, il faut bien reconnaître que les Clis sont peu nombreuses, qu’elles manquent de place et que de nombreux établissements refusent encore trop souvent les enfants autistes. Et plus l’enfant grandit, plus il est difficile de le scolariser. « Le collège, c’est là où ça s’est compliqué, car on exige des enfants qu’ils aient les bons comportements sociaux », souligne une maman. Si bien que certains parents, les mères la plupart du temps, sont contraints d’abandonner leur travail pour faire l’école à la maison.

Pour les cas les plus lourds, pas question d’école. Il faut envisager une structure dédiée. Mais pas n’importe laquelle. Il y a deux ans, pour éviter que les enfants ne soient accueillis dans des instituts médico-éducatifs (IME) – qui devraient être réservés aux plus gravement atteints – des associations de parents recommandaient la création de nouveaux services d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad). Ceux-ci présentent l’avantage d’intervenir dans l’environnement habituel de l’enfant.

La recommandation récente des méthodes comportementales par les autorités sanitaires est un soulagement pour les parents qui espèrent que la France rattrape peu à peu son retard sur le reste du monde. Mais en attendant que les mesures du Plan autisme se concrétisent, ils continuent de s’épuiser en essayant de trouver des solutions de prise en charge adaptées. « L’avenir n’est pas rose, soupire Josiane Sicard. Il est vrai que le Plan est une arme qu’on peut utiliser pour contester, pour se battre. C’est une avancée, mais sur le terrain, pour des raisons économiques, la situation reste catastrophique. »

Pour aller plus loin

• Les recommandations de la Haute Autorité de santé, mars 2012.
• Le documentaire Autisme : soignants divisés, parents déboussolés (20 min.).
• Un nouveau traitement contre l’autisme, RTL.fr, 7 février 2014
• Le Cerveau d’Hugo, documentaire de Sophie Révil, diffusé en 2012 sur France 2.

Quand les parents s’improvisent enseignants

Cela fait trois jours que Nathalie* prépare Martin à notre venue. Celle-ci est annoncée sur le planning de la journée car bousculer les habitudes des enfants autistes n’est pas recommandé. Deux chaises de bois côte à côte, cahier et livre parfaitement droits : comme chaque matin, tout est prêt pour que Martin, 15 ans, commence à travailler avec l’aide de sa maman. Sur la table est posé un minuteur, le « timer », qui matérialise le temps de travail qu’il reste avant la fin de la séance. Un repère indispensable.

Avant, Martin étudiait au collège. Mais il pouvait lui arriver de cracher lorsqu’il était stressé. Raison pour laquelle, contre la volonté de sa mère, il a été exclu de la Clis qu’il fréquentait. Depuis quelques mois, Martin partage donc sa journée entre les cours du Cned et la scolarisation en IME. Il est 10 h 30, le timer est enclenché pour quinze minutes. Martin doit légender une peinture de la Renaissance italienne avec son titre, le nom de l’artiste – Giuseppe Arcimboldo – ainsi que la date. Sa maman lui demande donc d’inscrire « le nom de l’artiste ». Il s’exécute mais sans écrire le prénom, car Martin respecte les instructions à la lettre. « Il faut donc être très précis dans les consignes », souligne Nathalie. Le timer sonne. Grâce au planning affiché sur le mur de la cuisine, Martin sait qu’il doit maintenant se rendre chez l’orthophoniste. M. C.

(*)  Les prénoms ont été modifiés.

“Les parents confrontés à l’autisme ont besoin de formation”

Le Plan autisme, présenté en mai 2013, prévoit une réorganisation du diagnostic dans chaque région. Benoît Bellanger en détaille le contenu. De nouvelles places vont être ouvertes et les familles devront être mieux accompagnées.

Par Prénom Nom

L’un des grands axes du Plan autisme est de soutenir et d’informer les familles, souvent déboussolées par le handicap de leur enfant. Qu’est-il prévu ?

Benoît Bellanger. Nous sommes en train de réfléchir avec les différents partenaires, notamment les associations, aux besoins qui sont les plus criants. Ce qui ressort pour le moment, c’est que les familles ont besoin de formation, notamment les jeunes parents qui sont confrontés pour la première fois à l’autisme : qu’est-ce que l’autisme ? Où peut-on trouver des aides ? etc. Il faut aussi créer des places d’accueil temporaire, d’accueil de jour, pour donner des moments de répit aux parents. Par ailleurs, si l’aide qu’on leur apporte est déjà plus ou moins en place, on a peut-être des choses à développer par rapport à la famille élargie : la fratrie, les grands-parents, etc.

Chaque région compte désormais un centre ressources autisme. Mais plusieurs mois d’attente sont nécessaires pour obtenir un rendez-vous.

B. B. Effectivement, ces CRA ont des délais d’attente relativement longs. Le ministère réfléchit à leur réforme. Tout l’enjeu est de mieux organiser le diagnostic via un réseau de repérage, de diagnostic et d’interventions précoces en trois niveaux. Le premier sera chargé de la détection et sera assuré par les médecins généralistes, les pédiatres, le secteur libéral, tous les acteurs de la prise en charge de la toute petite enfance. Le deuxième sera constitué d’une équipe relai spécialisée dans le diagnostic, qui doit se mettre en place dans chaque département. Elle pourra être constituée d’équipes venant de la psychiatrie ou du secteur médico-social. Les CRA constitueront le troisième niveau, d’expertise. Il s’agira également d’introduire un peu plus de démocratie dans les CRA, notamment en mettant en place des comités d’usagers.

La scolarisation des enfants autistes en école ordinaire est insuffisante. Que prévoyez-vous ?

B. B. Mais cette intégration existe déjà. Ils étaient autour de 550 enfants autistes à être scolarisés dans la région Centre à la rentrée 2013. Des unités d’enseignement seront mises en place en maternelle. Leur mission est de scolariser de très jeunes enfants dans des classes de maternelle avec une prise en charge médico-sociale. L’objectif national, c’est une unité par département [700 places sur toute la France, NDLR]. Dans notre région, nous allons en créer une première à la rentrée 2014.

Les associations dénoncent régulièrement le manque de places. Combien vont être créées dans la région ?

B. B. Il y a des moyens qui ont déjà été réservés en 2012 pour créer 51 places pour enfants autistes. Les moyens du troisième plan autisme s’y ajouteront. Le nombre de places que nous créerons dépendra de ces crédits complémentaires. Une de nos priorités sera, en outre, de créer des services d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) spécialisés dans la prise en charge de l’autisme, notamment dans les territoires qui en sont dépourvus. Recueilli par J. X.