Avec son dernier album sorti le 26 mai dernier, Grizzly Bear s’est doucement glissé en tête des groupes indé les plus courtisés du moment. Cet opus, qui ressemble à une éternelle quête du merveilleux, est une perle d’esthétisme qui arrive à point nommé dans le terne horizon de la musique pop alternative.

Par Jonas CUENIN

Grizzly Bear chante le rêve. Le genre de rêve, doux et lent, dont on se souvient au petit matin. Et il faudrait sûrement s’écouter leur nouvel album au réveil pour apprécier au mieux le monde fabuleux des quatre New-Yorkais, tant leur dernier album, « Veckatimest » (du nom d’une petite île du Massachusetts) est une création à déguster avec délicatesse.

« The southern point is calling us » annonce l’ouverture de l’album, dans le quelque peu jazzy Southern Point. On est prévenu, il faudra suivre la voix d’Ed Droste., et la suivre en volant comme Peter Pan à travers les multiples contrées explorées par l’artiste, sans se soucier d’un futur, forcément agréable. Et simplement voyager. Voyager sur les résonances religieuses de Cheerleader et Dory, sur la comptine malicieuse d’About face, sur l’intensif While you wait for the others, et s’imprégner de l’ultra romantique Two weeks en se laissant bercer par les chœurs enveloppants et les sublimes mélodies étoilées.

Cette aventure au son rétro qui rappelle inévitablement celle révélée au monde par les Beach Boys ou Crosby, Stills, Nash & Young est accompagnée d’une recherche constante de perfection harmonique. Grizzly Bear est un groupe qui soigne sa musique, qui bichonne ses airs de guitare acoustique et ponctue ses morceaux de brillants samples électro, de basses entrainantes et d’incisifs accords de piano. Un subtil mélange entre pop psychédélique et folk illuminé teinté de nostalgie, d’un brin de sensibilité et qui laisse encore place à l’insouciance dans un genre musical parfois un peu en manque d’émotions. Mais si les confessions oniriques d’Ed Droste trahies par son timbre de voix légèrement cassé dévoilent une certaine mélancolie chez le chanteur, elles invitent néanmoins à planer joyeusement. A se sentir revivre, à ouvrir grands les yeux comme un enfant, à sourire malicieusement et à laisser librement filer son esprit dans ce monde fait de bonbons et de jeux de course effrénée. Et si le groupe est passé de la sombre clandestinité à la vive lumière en quelques mois, c’est qu’il sait assurément prendre le pouls de son public

Grizzly Bear est avant-gardiste, à l’image d’Animal Collective ou Yeasayer, ses congénères américains. Mais bien que son univers laisse parfois entrevoir des perspectives hypnotiques et quelques doses lysergiques, il s’écarte du genre « drogué » et se veut d’une pureté angélique. Plus accessibles,  les « ours de Brooklyn » sont moins révolutionnaires mais tout aussi créatifs. Porté par la symbiose des membres du groupe, l’entremêlement d’harmonies vocales et instrumentales donne des frissons dans le dos. Et les lumineuses inspirations que l’on découvre apportent toujours une impression de neuf. Quelque chose de simple, d’habile et  d’une extrême finesse, mais sans aucune arrogance. Là où certains se contentent de simples pastiches des sixties, eux innovent.

C’est ce qu’ont bien compris les anglais de Radiohead, qui les ont, en 2008, pris sous leurs ailes pour les faire décoller. On pourrait même oser dire qu’ils les ont maintenant devancé, en terme de popularité du moins. Pour preuve, leur apparition au Late Show américain de David Letterman en juillet de l’année dernière. Le pari paraît alors réussi. Car après avoir été annoncés comme des artistes en devenir et avoir par la suite stagné dans les charts internationaux, ils se classent, grâce à cette nouvelle œuvre, indéniablement au rang de groupe apprécié et reconnu comme majeur. Si bien que les rêves qu’ils chantent font de plus en plus d’adeptes. Des néophytes qui tentent d’inciter tous ceux que la monotonie musicale du moment accable à un voyage incertain dont la seule destination à entrevoir est imaginaire.

Grizzly Bear en concert le 16 août prochain au festival de La Route du Rock à Saint-Malo

Grizzly Bear « Two Weeks »