Pour Anne Dansou, pneumologue-tabacologue, le « défi collectif » que représente le Moi(s) sans tabac n’est pas simple à relever.
Recueilli par Emmanuel HADDEK
Photo EPJT
Quel est l’objectif principal de cette campagne ?
Anne Dansou. L’idée principale est de présenter l’arrête du tabac comme un challenge, un défi. Le but est d’inciter les fumeurs à arrêter ensemble, avec leurs voisins, leur famille, ou bien leurs collègues de travail. Par exemple, cette année, cinq personnes du bureau des ressources humaines du CHU Bretonneau sont venues me consulter. Leur responsable, qui a arrêté de fumer il y a quelques mois, leur a conseillé de profiter de cet élan collectif que représente le Moi(s) sans tabac pour essayer d’arrêter. Se lancer, se motiver mutuellement, c’est ça l’objectif de cette initiative. Le logo représente d’ailleurs le V de la victoire.
La dernière campagne a-t-elle bien fonctionné ?
A. D. Cette année, nous avons reçu plus d’appels, 12 000 au total. Les gens se sont beaucoup intéressés. Ils sont venus s’informer, discuter. On a senti plus d’intérêt pour la campagne. Les pharmaciens ont très bien travaillé. Ils ont distribués 70 000 kits Moi(s) sans tabac de plus par rapport à l’an dernier. Le numérique nous aide beaucoup. En effet, l’application a totalisé 95 000 téléchargements. Notre site internet a, quant à lui, été visité plus de 1,2 million de fois. C’est énorme.
Quelle est la proportion de personnes qui arrêtent définitivement de fumer après ce mois de sevrage ?
A. D. Les personnes qui se lancent dans ce projet ne réussissent pas toutes à arrêter définitivement. L’arrêt n’est définitif que dans 30 % des cas. Beaucoup de gens qui viennent me consulter ne font que réduire leur consommation.
Quelles sont les difficultés que peut rencontrer un fumeur durant ce mois ?
A. D. Elles sont d’ordre physique et psychologique. Les personnes ont des craintes, des craintes subjectives : la peur de grossir, la peur d’échouer, la peur de ne pas réussir à gérer son stress. Fumer c’est un peu comme un iceberg dont on voit la partie émergée. Nous travaillons un peu comme des psychologues pour que les personnes découvrent la partie invisible de l’iceberg. Mais, bien sûr, tout cela se fait progressivement. Cela prend du temps. C’est tout un apprentissage de soi-même.
Le Moi(s) sans tabac propose d’arrêter de fumer en groupe. En quoi est-ce une méthode efficace ?
A. D. Arrêter en groupe crée un élan, une motivation mutuelle. C’est d’ailleurs cet effet de groupe qui incite beaucoup des personnes, et notamment les jeunes, à commencer. Cet élan collectif peut également les aider à arrêter.
Quels peuvent être les inconvénients de cette campagne ?
A. D. Ce qui est compliqué, c’est cette idée d’une date fixe. Cela peut freiner beaucoup de fumeurs, voire créer une résistance de leur part. C’est un peu le contraire de la façon dont les tabacologues opèrent. Nous préférons préconiser un arrêt mûrement réfléchi, amener le fumeur à arrêter par lui-même et en douceur. On ne le pousse pas, on ne le tire pas, on l’accompagne. Quand on veut arrêter de fumer, il faut avant tout se préparer.
Le mois de novembre est-il le bon mois pour arrêter ?
A. D. Le bon mois pour arrêter, c’est le mois que l’on a choisi. Il n’y a pas de bon mois pour l’arrêt du tabac. C’est essentiellement une question de motivation, de préparation, de combat contre soi-même. C’est un peu comme un marathon. Les personnes qui peuvent dire que le mois de novembre est un mauvais mois pour l’arrêt se cherchent des excuses. Elles veulent se positionner comme des victimes. Le Moi(s) sans tabac est une vraie campagne de santé publique et les personnes qui la critiquent essayent juste de faire sortir la balle du terrain.