Les lycéens ont su créer des liens forts avec les migrants et leurs enfants. Photo Olivier Pain

Accompagnés de leur professeur, neuf lycéens sont partis en voyage à Grande-Synthe afin de venir en aide aux migrants qui y résident. Ils sont revenus marqués par cette semaine riche en émotions.

À Grande-Synthe, les émotions que nous avons vécues étaient décuplées. » Célestine, 16 ans, élève de première S au lycée Notre-Dame-La-Riche à Tours est partie avec huit de ses camarades dans la ville du département du Nord. Ils ont passé une semaine dans le gymnase municipal en compagnie de migrants de tout âge qui tentent de rallier l’Angleterre. Certains se sont impliqués par conviction : « Je suis née en Afrique, je veux faire de la politique et j’ai toujours voulu aider les personnes en difficulté »,  explique ainsi Michèle, élève de première S. D’autres l’ont en partie fait « pour la ligne sur le CV ». Tous se sont rendu compte qu’ils avaient beaucoup à apprendre une fois sur place.

Avec du recul, Célestine analyse : « Notre action n’était pas purement humanitaire : nous sommes venus pour apporter de la joie et soulager les bénévoles. » Si on en croit les propos parfois pleins d’émotion de Robin Durieux, professeur de pastorale et d’action humanitaire, les lycéens semblent avoir rempli leur mission.

Pourtant, leurs craintes étaient nombreuses avant le voyage : « J’avais peur, peur du rejet, peur de ne pas être acceptée », confie Célestine. La première journée est venue confirmer ses doutes : des regards méfiants et une ambiance « oppressante » ont accueilli les lycéens.

Mettre des mots sur le vécu

Aujourd’hui, la jeune fille comprend leur réaction : « Seul le personnel du gymnase et de la mairie savaient que l’on venait. Les migrants n’étaient pas au courant. » Robin Durieux les avait préparés à cet accueil. Le professeur a dirigé des projets similaires : en 2015, il a emmené ses élèves à Lampedusa, en Sicile, puis dans le camp de la Linière, à Grande-Synthe déjà, lors de l’hiver 2016. « Avec la mafia qui contrôlait le camp, l’ambiance était malsaine », se souvient-il. Chaque année, il forme des élèves assidus dès la rentrée scolaire : « Nous n’avons su que très tard que nous allions dans un gymnase et non pas dans un camp, moins abrité. Ils étaient préparés à pire. »

Si le premier jour a été difficile, les élèves ont su créer des liens forts. Malgré la présence de passeurs et quelques tensions avec les différents bénévoles, les sourires sont apparus et les langues se sont déliées au fil de la semaine. Les distributions de repas ont permis aux lycéens d’entamer des conversations avec les migrants. Mais comme souvent, les enfants étaient plus faciles à aborder pour les Tourangeaux.

« On ne pourra jamais vivre la même expérience »

Célestine

Avec l’aide des bénévoles du Women Center, les lycéennes ont réfléchi à des activités adaptées aux enfants et à leur mère. « Les migrations délitent les relations entre parents et enfants, en particulier l’autorité parentale », précise Robin Durieux.

Des relations fortes se sont créées grâce à la peinture, le dessin ou encore le maquillage. Les garçons ont, quant à eux, organisé des parties de football avec les migrants. Au cours de ces matchs, l’esprit sportif a pris le pas sur les rivalités entre les différents clans. « L’ambiance était bon enfant, tout le monde se respectait et certains n’osaient pas utiliser leur physique », raconte Arthur, l’un des lycéens ayant organisé ces matchs.

Le point d’orgue de cette semaine fut la soirée du jeudi. Élèves et migrants se sont retrouvés lors d’une Convention nationale sur l’accueil et les migrations. Michèle témoigne : « Il y avait un concert ce soir-là. Les migrants nous ont rejoints et ont dansé avec nous. Lorsque le concert s’est terminé, nous sommes restés une vingtaine de minutes pour faire des photos : nous étions dans notre bulle. »

Après ces moments intenses, le groupe a observé un temps de silence. Prier, méditer, savourer l’instant. Robin Durieux a ensuite tenu à faire un débriefing : « Il est important qu’ils puissent mettre des mots sur ce qu’ils ont vécu. »

Le lendemain matin, les séparations ont été difficiles, « Arthur s’est lié d’amitié avec un migrant. Jeanne et Faustine ont adoré jouer avec une petite. » Les parents des enfants, pourtant méfiants au premier abord, sont venus réconforter les jeunes lycéennes. Aujourd’hui, celles-ci restent marquées par des échanges forts et émouvants. « Ils nous montraient leurs photos de leur mariage, de leurs enfants. »

Cette semaine passée près des migrants restera un souvenir fort pour les jeunes. Photo Olivier Pain

Ces futurs adultes ont été marqués par ce voyage unique, comme l’explique Célestine : « On ne pourra jamais vivre la même expérience. Refaire une intervention dans le même camp, ce serait peut-être gâcher quelque chose. » Mais aujourd’hui, les lycéens ont comme projet de partir au Togo, preuve que cette aventure leur a ouvert de nouvelles portes.