Entre 2000 et 2010, plus d’un tiers des exploitations laitières ont mis la clé sous la porte. Pour faire face à la crise, des agriculteurs ont choisi d’améliorer leur productivité en investissant dans les nouvelles technologies. La famille Fardouet a ainsi fait prendre un virage technologique à leur ferme et préservé l’activité.

Par Naïla DERROISNÉ et Medhi CASAURANG-VERGEZ

Un veau vient de se dresser sur ses pattes frêles. Encore chancelant, il se dirige vers le distributeur automatique de lait (DAL). Peine perdue : pas une goutte ne sortira de l’embout. La machine n’est pourtant pas en panne. Le veau a tout simplement consommé sa ration quotidienne de lait. Le débit est coupé jusqu’au lendemain. Le veau porte autour de son cou un collier dans lequel est intégrée une puce électronique. Quand il veut se nourrir, il est obligé de passer devant une borne magnétique reliée à un ordinateur qui compile toutes les données et gère les rations. Bienvenue dans le meilleur des monde des vaches, la ferme des Fardouet, à Sorigny (Indre-et-Loire) à 20 kilomètres de Tours.

Camille Fardouet, 30 ans, après son BTS en agriculture gestion et comptabilité, est revenu travailler avec son père. Photo : Naïla Derroisné/EPJT

Ici, l’élevage, c’est une histoire de famille. Cela fait cinq générations que les Fardouet produisent du lait. Depuis la rénovation de la ferme en 2010, leurs 70 bêtes donnent en moyenne 900 000 litres à l’année. Les vaches sont enfermées dans un grand hangar. Elles y restent toute l’année. En été, les façades latérales s’ouvrent pour aérer le lieu. Des brumisateurs et des ventilateurs sont suspendus pour rafraîchir l’air.

À quelques pas, elles se font traire par un robot « dès qu’elles en ont envie ». Avant, la traite se faisait à la main dans une pièce qui ne pouvait accueillir que dix vaches. Une époque à laquelle Camille Fardouet ne souhaite pas revenir. Gain de temps, une liberté plus grande, voilà pour les premiers avantages de ces technologies. Mais si Camille et son père Patrick ont choisi de moderniser leur ferme, ce n’est pas pour des questions de confort, mais pour réaliser des gains de productivité.

La crise laitière

En effet, depuis plusieurs années, le secteur du lait est en crise. A cause du retrait des quotas laitiers en Europe, la fermeture du marché russe et la baisse des achats chinois, la concurrence est devenue plus forte. Les prix de vente on donc plongé. Parallèlement, les coûts de production sont restés les mêmes. Conséquence, le nombre d’exploitations laitières a diminué de 37 % en France entre 2000 et 2010, selon le ministère de l’Agriculture.

La baisse du prix de la tonne de lait a eu pour conséquence indirecte la diminution du revenu des agriculteurs.

Les fermiers qui restent doivent donc trouver des alternatives. Des logiques économiques différentes peuvent être choisies. D’un côté, l’agriculture biologique qui se base sur la qualité de la production et qui permet d’augmenter les prix de vente et de compenser les coûts. C’est le choix de Temanuata Girard. De l’autre, l’agriculture basée sur l’augmentation des quantités grâce à de nouvelles technologies.

Les Fardouet ont décidé de prendre le tournant de la technologie en investissant dans un robot de traite. Ils ont emprunté et bénéficié de subventions de l’État et de l’Europe. Cet investissement leur a permis de garder la tête hors de l’eau. Aujourd’hui, ils gagnent en moyenne 2 000 euros par mois chacun.

Dans les entrailles du robot

Le robot effectue plusieurs tâches avant la traite : stérilisation, analyse de la position de la vache etc.

Les agriculteurs doivent rester à proximité de la ferme pour parer les éventuelles avaries de la machine. Si cela survient, Camille ou Patrick reçoivent un appel du robot lui-même. « J’ai reçu une alerte en pleine nuit pour m’avertir qu’un tuyau s’était enroulé autour du sabot d’une des vaches », raconte le fils.

Ce robot remplit d’autres fonctions. Il détecte une vache malade, ce qui rend le lait impropre à la consommation. Il collecte nombre de données. La salle attenante est une véritable salle de contrôle. Une grande fenêtre donne sur le troupeau. Chaque animal est doté d’un numéro et un ordinateur récolte toutes les informations relatives à son identification. Des tableaux statistiques défilent sous les yeux du père et du fils. Divers chiffres peuvent être mis en corrélation. Une courbe de lactation évalue la production totale de lait sur une année.

Grâce à cet outil, Camille et son père peuvent anticiper leurs futurs résultats. De plus, le robot dresse une fiche précise de l’animal (nom, poids, nombre de traites par jour, présence de maladie…) Cela permet aux agriculteurs de suivre la santé de l’animal et réagir en cas de problème. « Le robot remplace l’œil de l’agriculteur. Il sait reconnaître les premiers signes de maladie », ajoute Camille. Mais il précise que l’outil ne fait que prévenir. Ensuite c’est à lui d’agir auprès de la vache.

La technologie apporte son lot d’inconvénients. Les vaches ne peuvent plus sortir de l’étable. Pour rentabiliser l’achat de 140 000 euros, il faut que le robot tourne à plein régime. Actuellement, celui de Sorigny prélève 900 000 litres de lait à l’année, soit le maximum possible pour lui. Les Fardouet doivent rembourser 11 700 euros par an. L’équipement d’un second robot n’est donc pas à l’ordre du jour. Mais Camille et Patrick restent confiants quant à l’utilité de la technologie dans leur métier. Ils ont d’ailleurs prévu l’arrivée d’un nouvel engin qui distribuera automatiquement le foin.