Source : L’obs, Insee

La loi Taubira de 2013 divise encore aujourd’hui. Elle donne aux couples de même sexe le droit de se marier et d’adopter un enfant. La Manif pour tous et SOS Homophobie s’opposent l’une à l’autre dans un

Par Robin JAFFLIN et Salomé RAOULT (texte et photos)

Emmanuel Macron tweetait le 9 avril, après un discours devant les évêques de France : « Chaque jour l’Eglise accompagne des familles monoparentales, homosexuelles ou ayant recours à l’avortement en essayant de concilier ses principes et le réel. » Mais force est de constater que certains de ces évêques et de nombreux groupes, proches d’un catholicisme quasi extrémiste, ont soutenu en 2012 la Manif pour tous, ce mouvement qui refusait la loi. « La loi Taubira veut faire disparaître la différence homme-femme, mettant ainsi en pratique l’idéologie du genre dans le domaine du mariage », clamait-elle.

Cette opposition est venu alors directement se confronter aux organisations défendant les droits LGBT (lesbienne, gay, bisexuel, transexuel). C’est le cas de SOS Homophobie qui a vu dans la loi Taubira « la fin d’une discrimination historique. Le Code civil français réservait le mariage aux couples hétérosexuels. Il est important d’avoir la faculté de choisir, de se marier comme de ne pas se marier, de pouvoir adopter comme de ne pas le faire. Tous les couples de même sexe ne se marient pas », souligne Joël Deumier, président de l’association.

« Quotidien marqué par des injustices sociales »

Cinq ans après, les revendications ne concernent plus directement le mariage entre personnes de même sexe mais ses conséquences. Celles-ci sont au centre de polémiques et, notamment, en ce qui concerne l’enfant et son adoption.

Pour la Manif pour tous, cette loi a ouvert la voie aux demandes de procréation médicalement assistée (PMA) et de gestation pour autrui (GPA) pour les couples homosexuels, « entraînant de facto la marchandisation de l’enfant. Ne pas faire de l’enfant l’objet d’un commerce explique aujourd’hui notre combat contre la légalisation de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes. Elle entraînerait à court terme une loi autorisant la GPA », explique la Manif pour tous.

Chez SOS Homophobie, la « marchandisation » de l’enfant n’est pas un mot qui a lieu d’être dans le débat, l’association revendique un droit pour la femme, notamment, dans un principe d’égalité.

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Source : L'obs, INSEE

Robin Jafflin et Salomé Raoult /EPJT

L’extension de la PMA est la priorité de SOS Homophobie en 2018 : « Pour des milliers de femmes seules ou de couples de femmes, fonder une famille est très compliqué car elles doivent se rendre à l’étranger pour bénéficier d’une PMA. C’est un quotidien marqué par les injustices sociales et des inégalités financières par rapport aux couples hétérosexuels qui, aujourd’hui, ont le droit de faire une PMA en France en toute légalité. » SOS Homophobie souhaiterait en plus de la PMA, qu’une mesure « établissant la filiation automatique des deux parents avant la naissance de l’enfant soit adoptée rapidement dans un climat apaisé et sans haine ».

Ça ne sera pas pour cette année. La réponse du gouvernement concernant l’extension de la loi sur la PMA aux couples lesbiens et aux femmes seules devait être donnée en juillet dernier, à l’issue des débats sur la bioéthique. Le calendrier a « évolué ». Le Comité national d’éthique devrait rendre mi-septembre un avis. Le gouvernement devra ensuite présenter un projet de loi sur les questions de bioéthique – dont la PMA – pour un débat au Parlement l’année prochaine.

« Banalisation de l’homosexualité et de l’homoparentalité »

La regard sur la communauté LGBT semble avoir évoluée depuis 2013 en France. Pour la Manif pour tous, « il n’existe pas d’évolution sociétale visible, les mariages homosexuels ne représentent que 3 % des mariages et leur nombre a tendance à diminuer », une affirmation qui est à nuancer.

Un pic de mariages homosexuels a en effet été constaté en 2014 (10 522) mais on assiste progressivement à une stabilisation autour des 7 000 mariages par an, selon l’Insee. SOS Homophobie a observé, elle, « une plus grande inclusion des personnes LGBT. La loi a favorisé la banalisation de l’homosexualité et de l’homoparentalité. Une banalisation essentielle ». Apparemment, les LGBT semblent mieux intégrés qu’auparavant.

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Source : L'obs, INSEE

Robin Jafflin et Salomé Raoult /EPJT

Mais les actes malveillants à leur égard sont en augmentation. SOS Homophobie entretient une ligne d’écoute de soutien, de conseil et d’information. Elle permet aux victimes d’homophobie de sortir de l’isolement. Créée le 11 avril 1994,Déjà, lors des débats sur le mariage pour tous, l’association enregistrait « un pic de +78 % des actes homophobes. Les personnes LGBT, leurs amis, leur famille ont été profondément choqués par les débats qui ont entouré le projet de loi du mariage pour tous ».

Aujourd’hui, la haine est toujours d’actualité. Dans son rapport sur l’homophobie de 2017, SOS Homophobie constate une augmentation de près de 20 % des actes « LGBTphobes » .

La Manif pour tous, aidée par des personnalités fortes et une mobilisation importante, a indirectement encouragé un discours violent et haineux. Cinq ans après la loi Taubira, la remise en cause du mariage homosexuel n’est plus d’actualité, mais la question de la PMA a besoin de réponses urgentes.