Pas toujours simple de proposer de bons produits gastronomiques. En plus des épidémies de grippe aviaire, les producteurs de foie gras doivent affronter la concurrence de l’industrie agroalimentaire. C’est le cas de Michel Dufour, producteur en région Centre-Val de Loire.

Recueilli par Camille MONTAGU

La période des fêtes est cruciale pour le foie gras. Mais ces deux dernières années, la filière française est en difficulté : elle a été touchée par deux épidémies de grippe aviaire qui a entraîné l’abattage de plus de 3 millions de canards notamment dans le Sud-Ouest. Michel Dufour, producteur à Mouzay (Indre-et-Loire) depuis 1986, estime que ces épidémies ne sont pas leurs principaux problèmes.

Michel Dufour et sa femme Florence. Photo : Camille Montagu/EPJT

Votre exploitation a-t-elle été touchée par les épidémies de grippe aviaire ?

Michel Dufour. Elles ne sont heureusement pas arrivées jusque dans notre région et n’ont pas touché nos élevages. Néanmoins, ce n’est pas notre principal soucis.

A quoi faites-vous référence ?

M. D. Aujourd’hui, la branche du foie gras régresse. Certains producteurs du Sud-Ouest ont dû stopper leurs activités à cause des épidémies. Des réglementations sont en place pour les éviter depuis de nombreuses années. Mais elles sont trop contraignantes et nous (les producteurs, NDLR) ne pouvons pas toutes les appliquer. Sinon, par exemple, vous ne pourriez pas entrer dans mon élevage et nous n’aurions pas le droit de garer nos voitures aussi près. Mais après ce que viennent de subir les producteurs du Sud-Ouest, il est possible que l’Etat nous oblige à mettre ces réglementations en place. Cela nous désavantagerait par rapport aux industriels.

Avez-vous profité de ces épidémies pour augmenter vos prix ?

M. D. Nous ne sommes pas dans cette optique. Nous entretenons une relation de confiance avec nos clients. Mais l’industrie n’a, elle, pas hésité à augmenter les prix de ses produits.

Vous ne portez pas les industriels dans votre cœur.

M. D. L’industrie agroalimentaire est notre plus grand concurrent. Nous ne sommes pas distribués dans les grandes surfaces. Et, aujourd’hui, la majorité des clients achètent uniquement leurs produits dans ces magasins. Ils ne prennent plus le temps de venir sur des marchés.

Êtes-vous concurrencé par d’autres producteurs locaux ?

M. D. Il y a cinq ou six producteurs de foie gras dans la région et nous sommes seulement trois à effectuer un gavage artisanal. Il n’y a aucune forme de concurrence entre nous, chaque producteur occupe un secteur différent. Je ne regrette pas ce manque de concurrence : nous touchons suffisamment de monde et nos affaires se portent plutôt bien.

« Autrefois, le foie gras était un produit de luxe. Il doit le rester »

Pour revenir sur l’industrie, jugez-vous cette concurrence déloyale ?

M. D. L’industrie du foie gras produit en grande quantité. Elle ne se soucie pas de produire en France. Par exemple, le groupe Maïsadour possède de nombreuses fermes en Roumanie. Il est donc moins concerné par la règlementation française. Les coûts de production et les salaires y sont très faibles. Le foie gras industriel est fatalement moins cher que l’artisanal. Les consommateurs ne cherchent plus forcément la qualité. Ils regardent uniquement le prix du produit. Avec cette démarche, leur choix est vite fait.

Vous dites que les consommateurs ne font plus forcément attention à la qualité des produits. Mais pendant la période des fêtes, la donne n’est-elle pas différente ?

M. D. Effectivement, lors des fêtes de Noël, il y a plus de consommateurs qui viennent sur nos marchés. Nous avons eu une rupture de stock de magrets de canard dès début décembre.

Cette période doit donc être cruciale pour vous ?

M. D. C’est simple, 80 % de notre production est vendue lors des fêtes de fin d’année. Alors oui, nous n’avons pas le droit à l’erreur. Pour l’instant nous ne sommes pas focalisés sur notre chiffre d’affaires. Nous verrons ça fin décembre. Autrefois le foie gras était un produit de luxe, comme le saumon. Il doit le reste. Mais aujourd’hui, la grande distribution le rend plus accessible et privilégie la quantité à la qualité. Nous craignons une banalisation de ce produit qui devrait rester exceptionnel.