À Mantes-la-Ville, dans les Yvelines, la municipalité FN a réduit de 80 % la subvention du club de football de la ville, en deux ans. Le FC Mantois se retrouve ainsi dans une situation difficile et son avenir est incertain. Une illustration parmi d’autres de la politique de subventionnement du FN.
Par Chloé MARRIAULT et Aubin LARATTE
« Pas d’argent, pas de football », blague Robert Mendy, manager général du FC Mantois. Il serre des mains à la fin de l’entraînement des 17 jeunes en U10 (moins de 10 ans). Même s’il prend cela avec le sourire, la situation ne s’y prête pas. Depuis l’élection du maire Front national Cyril Nauth l’enveloppe budgétaire accordée au club est passée de 77 500 euros en 2013 à 15 000 cette année. Soit une baisse de 80%. Le FC Mantois est ainsi privé de 10 % de son budget. Il s’agit pourtant de l’un des plus gros clubs d’Île-de-France. Il compte plus de 1000 licenciés, dont plus de 200 vivent à Mantes-la-Ville.
Ce trou dans le budget pourrait remettre en cause l’avenir du club fondé en 1994 grâce à la fusion des clubs de Mantes-la-Ville, de Mantes-la-Jolie et du Buchelay. L’avenir de l’équipe qui évolue en quatrième division (CFA) est aussi incertain. « La Direction nationale du contrôle de gestion (DNGC, le gendarme financier du football, NDLR) pourrait prendre la décision de reléguer l’équipe si les comptes ne sont pas bons, explique Robert Mendy. Mais en aucun cas, on n’arrêtera le foot. »
Pour éviter la relégation, le club doit faire des économies : terminé le bus pour se déplacer à l’extérieur, des activités vont être supprimées… Le prix de la licence s’élève actuellement à 125 euros. En dernier recours, il pourrait être revu à la hausse. Une collecte de dons a déjà permis de réunir plus de 2 000 euros sur Internet. Heureusement, la municipalité laisse les infrastructures sportives à la disposition de toutes les associations sportives gracieusement.
Suspicion de racisme
La baisse de la subvention de la commune, la plus forte du budget 2015, est analysée différemment selon le camp dans lequel on se trouve. « J’avais informé M. Mendy et le trésorier le 9 décembre qu’ils ne toucheraient pas autant qu’auparavant », explique Cyril Nauth, le maire FN. « Faux », contre-attaque le manager général qui affirme ne l’avoir appris qu’après le vote du budget, le 30 mars.
« La communauté de communes a octroyé au club une subvention exceptionnelle », assure l’élu. Ce que contredit la directrice de la communication de la Communauté d’agglomération de Mantes-en-Yvelines, Angela Ragenard : « Il n’y a pas eu de subvention exceptionnelle. On se limite à la subvention annuelle habituelle ». Pourtant, cette subvention, qui s’élève à 110 000 euros, a été revue à la hausse en 2014 avec 50 000 euros supplémentaires afin de « consolider les comptes et la situation financière du club ». Un choix politique suite à l’arrivée du maire frontiste ? Paul Martinez, le maire UDI qui préside l’intercommunalité, n’a pas souhaité répondre à cette question.
Une rénovation prévue et une gestion critiquée
La municipalité de Mantes-la-Ville explique ce changement dans le budget 2015 par la prise en charge des travaux de rénovation du stade municipal Aimé-Bergeal s’élevant à 240 000 euros et par la gestion des comptes du club qu’elle juge mauvaise. « Nous ne sommes pas les seuls à utiliser ce stade, conteste Robert Mendy. Et nos comptes sont jugés bons par la DNGC qui les contrôle quatre fois par an. »
Le club explique cette décision d’une toute autre façon : du racisme pur et simple. « On peut se poser de graves questions autour des critères de subventionnement », confie Nabil Djellali, co-président du club. « Le vrai problème, c’est que le club est géré par des personnes d’origines étrangères, estime Robert Mendy. Et que la mairie croit que ces gens-là ne peuvent pas gérer de l’argent public. » La majorité des licenciés est issue de l’immigration. « Je n’ai absolument pas d’arrière-pensées », se défend le maire. Il n’exclut pas une augmentation de la subvention dans les années à venir, une fois que le coût de la rénovation du stade aura été résorbé. « S’ils veulent faire la guerre, ils ont intérêt à avoir des armes et des munitions », précise-t-il toutefois.
Un cas semblable
Le FC Mantois n’est pas le seul club de football dans une ville FN à subir une baisse de sa subvention municipale. Dans le Gard, le club de Beaucaire a perdu la moitié de sa subvention. De 88 000 euros l’année dernière, elle passe à 40 000 euros pour 2015. Là encore, la direction du club évoque le racisme de la municipalité. « Il y a beaucoup de Maghrébins… », confie Laurent Quinto, secrétaire général du club. Mais la municipalité explique cette baisse par un ajustement au niveau des autres associations sportives de la ville dans un contexte où les dotations de l’État sont en baisse. « Les autres associations sportives perdent 2 000, 3 000 euros… Nous, 48 000. » Pour malgré tout, pour réussir à boucler son budget, le club fera des concessions. Il envisage lui aussi d’augmenter le prix de la licence, de réduire le nombre d’équipes et donc de faire des sélections. « On ne sera plus un club de masse », regrette Laurent Quinto.
D’autres associations ciblées
À Mantes-la-Ville, la majorité des associations a subi une baisse de 21 % de leur subvention dès 2014 « pour permettre de proposer un budget à l’équilibre », souligne Cyril Nauth. Certaines, entre temps, ont récupéré une part de leur perte. D’autres n’ont plus rien. Ainsi, plus aucun syndicat n’est subventionné par la commune, une décision politique assumée, sans réel impact financier mais très symbolique. Selon le maire de Mantes-la-Ville, le niveau de subvention dépend de l’apport de chaque association à la collectivité.
Mais il semblerait aussi que cette politique varie selon la personne à la tête de l’association. Bénédicte Bauret, présidente de la Ligue des droits de l’homme (LDH) de Mantes-la-Ville et élue d’opposition, en est persuadée : Cyril Nauth la déteste au-delà du raisonnable. « Si je n’avais pas été, moi, à la tête de cette association, il n’aurait certainement pas mené un tel combat contre elle. » Le maire, qui a coupé la subvention à l’association, confirme. « Si quelqu’un d’autre avait été à la tête de la LDH de Mantes-la-Ville, j’aurais peut-être hésité, ce n’est pas impossible. » Ce sera bien la seule fois où ces deux là auront été d’accord.
Pour aller plus loin
Mantes pas jolie jolie, reportage de France TV sur la situation du FC Mantois
Tableau des subventions aux associations, à Mantes-la-Ville, entre 2013 et 2015
À Beaucaire, aussi, la mairie FN s’en prend au club de football, Le Monde
Un bon soldat frontiste
Élu en mars 2014, Cyril Nauth est le premier maire Front national d’Île-de-France. Ancien enseignant, il est, à 33 ans, à la tête de Mantes-la-Ville, une commune de 20 000 habitants.
Son bureau sans effets personnels pourrait laisser croire que Cyril Nauth n’est que de passage. Mais non, il envisage bien plus. « Mon bilan est satisfaisant et encourageant. » Un an après son élection à Mantes-la-Ville, le maire FN qui se dit « timide » semble assuré et parle sans langue de bois. Cyril Nauth maire, peu s’y attendaient. C’est pourtant lui qui occupe aujourd’hui le bureau au premier étage de la mairie. Il en a retiré le drapeau européen en juillet dernier.
Il reçoit sans façon, mais au moment de la photo, prenant conscience que sa chemisette dénote avec sa fonction, il enfile une veste. Monique Geneix, sa deuxième adjointe, confie qu’on lui a conseillé d’adopter un style vestimentaire plus « sérieux », plus « classique » qu’au début de son mandat. Sur les marchés, il promenait régulièrement sa veste en jean.
Sympathisant FN dès l’adolescence, il vote pour le parti depuis qu’il est en âge de le faire. Il se rappelle très bien avoir choisi Jean-Marie Le Pen lors de la présidentielle de 2002. En 2014, il décide de se présenter aux municipales de Mantes-la-Ville. L’aboutissement d’un engagement politique intense démarré quatre ans plus tôt lorsqu’il prend sa carte au FN. En 2012, il se présente aux législatives comme suppléant de Patricia Cote, la candidate FN. En 2013, il est titulaire aux cantonales partielles, mais subit une lourde défaite face à l’UMP Pierre Bédier, l’ancien député-maire de Mantes-la-Jolie. Un an plus tard, il crée la surprise. Grâce à un désaccord au sein de la gauche, Cyril Nauth l’emporte. « Même moi, j’avais du mal à y croire… », confie-t-il aujourd’hui.
Des projets polémiques
Romain Carbonne, président du Collectif de réflexion et d’initiatives citoyennes (Cric), se mobilise depuis la victoire du FN aux dernières municipales. Il souhaite réhabiliter le débat politique et renforcer le lien social à Mantes-la-Ville. Il assiste régulièrement aux conseils municipaux et confirme une tension entre la majorité et l’opposition. « Le maire est régulièrement autoritaire, impératif et cassant en conseil municipal, s’essayant parfois à quelques sarcasmes maladroits. » « C’est un homme qui pense avoir la science infuse et qui n’admet aucune discussion », déplore Monique Brochot, l’ancienne maire socialiste. Logiquement, Laurent Morin, le premier adjoint, réfute en bloc ces propos et encense le maire. « Il a beaucoup de courage dans ses prises de décision et c’est toujours l’intérêt général qui prime. Il est très ouvert à la discussion. »
Le programme de Cyril Nauth se résume à un triptyque : les économies, avec la réduction de la masse salariale notamment pour les centres de vie sociaux ; la sécurité, en augmentant le nombre de caméras ; son opposition viscérale à la construction d’une mosquée. « Il a été élu sans programme ni vision pour l’avenir de la ville. La première année n’a pas été catastrophique mais, depuis un mois, sa politique a pris un tournant. Il détruit le social », déplore Éric Visintainer, membre de l’opposition.
Opposé à tout « assistanat »
Le maire, lui, estime qu’il peut comprendre les difficultés des familles modestes. Originaire de Dijon, il confie « ne jamais avoir vu l’Atlantique, n’être jamais parti en vacances avec (ses) parents, n’avoir jamais pris l’avion et n’être jamais parti à l’étranger, excepté en Suisse ou en Angleterre ». S’il dit soutenir les Mantevillois en situation de précarité, il s’oppose fermement à tout « assistanat ». « Est-ce que mes administrés ont envie que le maire paye des vacances à certains gamins ? » Sa réponse est dans sa question.
Une pause avant chaque réponse, le ton qui monte sur les questions sensibles, Cyril Nauth veut maîtriser sa communication. Mais quand il s’agit d’aborder le possible racisme du FN vis-à-vis des licenciés du FC Mantois, il répond du tac au tac. « C’est plutôt ce club qui est souvent accusé de commettre du racisme antiblanc. » Très vite, il se reprend. « Je n’ai pas pu le constater moi-même donc je ne prends pas à mon compte ces accusations. » Dans le lycée professionnel de Porcheville où Cyril Nauth enseignait l’histoire géographie avant d’être élu, ses anciens collègues se refusent à tout commentaire. « Sujet trop sensible. »
Un destin politique
S’il se dit plus proche de Marine Le Pen que de Jean-Marie Le Pen, il estime que, sur le fond, leurs idées sont les mêmes. « Je suis maire mais je reste un militant fidèle et discipliné. » Maire aujourd’hui, et après ? Monique Geneix, son adjointe, lui prédit un bel avenir. « La mairie est un tremplin pour lui. Il commence à prendre confiance. Il pense qu’il a un destin politique. »
Cyril Nauth se veut « le maire de tous les Mantevillois. » Mais dans sa commune, les habitants ne l’ont pas porté en tête aux dernières départementales. Logique quand on sait qu’il n’a été élu maire qu’à la grâce d’une quadrangulaire. Optimiste et confiant, il n’exclut cependant pas d’être candidat à sa propre succession.
Pour aller plus loin
Reportage d’I-Télé au lendemain de l’élection du maire
Départementales : Pierre Bédier terrasse le FN de Cyril Nauth