A quelques semaines des JO de Rio, le dopage éclabousse à nouveau le milieu sportif. Le 27 mai, le Comité international olympique révèle que les analyses de 23 athlètes ayant participé aux JO de Londres en 2012 sont positives. Les sportifs handicapés ne sont pas épargnés, mais la technique de triche est bien différente : le boosting. Un os cassé, des fonctions naturelles bloquées ou une coupure suffisent pour augmenter les performances.

Par Théo Caubel et Sophie Lamberts

Sur la piste ocre de Saint-Cyr-sur-Loire, les athlètes de l’équipe handisport se préparent. On resserre quelques vis, on vérifie les roues, on enfile des gants. Nasser, 13 ans, retire ses prothèses et grimpe sur son fauteuil de course. Il est prêt à courir. Ici, le dopage est un sujet dont on parle librement. Gwénaël, l’entraîneur, rappelle sans cesse les dangers du dopage à ses jeunes espoirs handisportifs. « Ça n’épargne pas le handisport. C’est présent dans n’importe quelle discipline et à tout âge », explique-t-il. La performance est universelle, qu’on soit valide ou handicapé.

Photo EPJT

Philippe Ghestem connaît bien le boosting. Il en a fait son combat. Délégué en charge de la prévention et de la lutte contre le dopage à la Fédération française handisport (FFH), il affirme que les pratiques les plus répandues sont la plaie, la fracture et, surtout, la réplétion de la vessie.

Réservée aux athlètes qui utilisent une sonde urinaire, la réplétion consiste à boire jusqu’à plus soif avant la compétition, bloquer l’évacuation du cathéter et contracter une infection urinaire. A la clé : des performances augmentées. Thomas*, rugbyman tétraplégique explique : « Cette méthode est douloureuse et inconfortable pour les tétraplégiques. Mais les paraplégiques y sont insensibles, tout comme la fracture. »

Pour Philippe Godin, psychologue du sport et ancien sportif de haut niveau, la principale motivation des handisportifs dopés reste la reconnaissance. « Il y a une certaine forme de compétition et de mimétisme avec les sportifs valides qui sont surmédiatisés, financés et valorisés », affirme-t-il.

Même si les primes de podium aux jeux Paralympiques sont les mêmes que celles accordées aux jeux Olympiques, les enjeux financiers du monde handisport et sa reconnaissance internationale sont moindres. « Une médaille Olympique, même de bronze, n’a pas le même effet qu’une médaille Paralympique», déplore Gwénaël.

Pourtant, les exploits handisportifs ne manquent pas : Jamie Andrew, amputé des deux mains et des deux pieds, escalade les plus hautes montagnes du monde ; Philippe Croizon, sans bras ni jambe, traverse la Manche à la nage… Pour sortir de l’anonymat, certains sportifs, valide ou non-valide, sont prêts à tout. « Pour certains sportifs handicapés, un bras ou une jambe ne représentent plus grand chose. Ce qui compte, c’est le résultat », affirme le psychologue.

Près de 17 % des handisportifs ont avoué avoir déjà eu recourt au boosting

S’infliger des blessures n’est pas sans risque pour la santé. Du simple mal de tête aux nausées, en passant par l’accident vasculaire, le boosting est dangereux. « Cela a un prix. La guérison est plus longue pour un handicapé qu’un valide. Et comme tout dopage, on peut en moourir », lâche Gwénaël.

Selon une enquête menée par le Comité paralympique en 2008, 17 % des handisportifs ont avoué avoir déjà eu recourt au boosting. Des chiffres qui restent assez flous, selon Philippe Ghestem, chargé de la lutte antidopage. Une chose est sûre, « l’athlétisme est l’un des sports les plus touchés ».

Quid des contrôles ? A partir du moment où ils sont reconnus athlètes de haut-niveau, les handisportifs doivent se soumettre aux mêmes exigences que les valides : géolocalisation, suivi longitudinal, contrôles antidopages… En France, comme à l’international, les règles de contrôle sont les mêmes pour tous.

Une méthode de dopage parfois indétectable

A Londres 2012, le nombre de contrôle s’est élevé à près de 1 200 pour 4 200 athlètes. C’est le même prorata que pour les valides. Mais le boosting est une méthode de dopage bien particulière, parfois indétectable. Le contrôle des urines, du sang ou des cheveux sont inefficaces pour le détecter. Selon Philippe Ghestem, « il faut faire une prise de tension avant l’épreuve, mais cela reste peu fiable. » Dernier recours : « Faire uriner les athlètes avant l’épreuve. »

Thomas* ne s’est jamais dopé. Le boosting a tendance à l’agacer: « Quand on entend que 30 % des handisportifs se dopent, cela me fait bien rire. » Il explique que chez certains handicapés, le boosting est involontaire. A force d’infections urinaires (involontaires), il devient un état normal . « Cela se solde par des pics (boosting) et des creux (inhibant). Mais on ne peut pas comparer ça à du dopage. »

L’étude du Comité paralympique révèle aussi que plus de 40 % des athlètes handicapés interrogés n’avaient jamais entendu parler du boosting. La pratique reste donc rare. Mais le comité antidopage de la FFH n’est pas dupe : « Il y a peu d’enjeux financiers… ». Il commence à se pencher sur un nouveau problème : le dopage technologique, une méthode qui existe déjà chez les cyclistes. Gwénaël plaisante : « À quand le fauteuil avec un moteur électrique sur le terrain ? »

(*) Les prénoms ont été changés