Antoine Heurteux a été sacré meilleur apprenti de France (MAF) en boulangerie. Ce jeune homme, passionné, explique comment la préparation au concours a changé sa vie. 

Recueilli par Salomé RAOULT

Photo : Salomé Raoult/EPJT

Ce pain là est excellent », « un bel étalage », les remarques élogieuses fusent dans la boulangerie des Gourmets, à Saint-Cyr-sur-Loire. Antoine Heurteux arrive en jean et pull gris, avec un sourire discret. Il commande un café. Le 25 octobre 2017, au Parc des expositions à Nantes, à 19 ans, il a pris conscience de son talent. Une rencontre étonnante autour d’une tradition française : le pain.

Pourquoi avoir choisi la boulangerie en apprentissage ?

Antoine Heurteux. La boulangerie, pour être honnête, c’est du hasard. En classe de troisième, je me suis dit « pourquoi pas moi, je vais essayer ». Il y a eu des périodes de doute. Pendant deux ou trois ans, je me suis demandé si j’étais fait pour ce métier. La première année j’ai failli arrêter. Je n’arrivais à rien. Puis, avec le temps, la boulangerie est devenue une passion.

Comment vous êtes-vous préparé au MAF ?

A. H. Je me suis entraîné pendant six mois, quatorze heures par jour, sept jours sur sept. Je ne sortais plus. Je ne faisais que de la boulangerie. Cet été, je ne me suis accordé qu’une semaine de vacances. Cet acharnement a payé.

Durant cette longue période, n’y a-t-il pas eu des périodes de doute ?

A. H. Si bien sûr, il y a eu des moments très compliqués. Par exemple, je n’arrivais plus à faire des croissants. Un jour, je suis resté vingt heures devant ma table de travail pour enfin sortir un croissant digne de ce nom. Le doute était quotidien. Je ne voyais même plus ma famille. Mais ce n’est pas un problème car j’avais un objectif précis en tête. Je savais pourquoi je faisais tous ces sacrifices. Et puis, six mois, ce n’est pas si long.

« Si le jour du concours, on se trompe, tout est fini »

Le 25 octobre 2017, c’était le grand jour. Dans quel état d’esprit étiez-vous à votre arrivée au concours ?

A. H. Le plus dur restait à faire. C’était stressant. On peut avoir réussi des milliers de fois avant, si le jour du concours, on se trompe, tout est fini. Il faut être méticuleux. J’avais une liste avec des gestes très précis que je devais effectuer, pour éviter de faire une faute.

Une fois sur place, comment cela s’est-il passé ?

A. H. C’était très compliqué. Notamment la présence de trois candidats dans des box de 10 mètres carrés seulement. L’attente est difficile. Puis le sujet tombe. C’est parti. On est dans sa bulle, extrêmement concentré pour les huit heures d’épreuves. Des caméras filment, de nombreuses personnes viennent regarder. La pression est grande car on est évalué par neuf meilleurs ouvriers de France.

Votre palmarès ne s’arrête pas au MAF. Qu’aviez-vous gagné auparavant ?

A. H. J’ai remporté la finale départementale. J’ai terminé deuxième au niveau régional au concours des meilleurs jeunes boulangers de France. J’avais 16 ans. Mes adversaires avaient plus de 20 ans. C’était une grande satisfaction. Ensuite, j’ai participé aux Olympiades des métiers où j’ai obtenu les mêmes résultats.

« Ça me motive pour viser toujours plus haut »

Quels sont vos projets ?

A. H. J’aimerais faire le tour de France avec les Compagnons du devoir et tenter le concours de Meilleur ouvrier de France. Ce sont quatre ans de préparation avec quinze heures de travail par jour. Il faut être très investi. Mais avoir gagné le concours MAF, cela me motive pour viser toujours plus haut.

Qu’est-ce que ces concours ont changé dans votre vie ?

A. H. Beaucoup de choses. Il y a quatre ans, je ne pensais pas arriver à ce niveau. Avant, c’était une corvée… se lever tôt tous les matins… Je n’avais qu’une envie quand j’arrivais à la boulangerie, c’était d’en repartir. Aujourd’hui, même si par moment ça peut être dur, ça ne me dérange plus de travailler, de m’entraîner. J’aime beaucoup mon métier.

À part la victoire à ce concours, quelle est votre plus grande fierté professionnelle ?

A. H. Avoir prouvé à ceux qui ne croyaient pas en moi que je pouvais le faire. Mon premier patron m’avait dit : « Tu n’es pas fait pour ça, tu n’y arriveras jamais. » C’est une belle revanche.