Président d’honneur de la FFH, André Auberger a consacré sa vie à développer et promouvoir le handisport. Blessé lors de la guerre d’Algérie, il ne s’est jamais résigné et s’est toujours battu pour faire avancer la situation des handicapés en France.

Par Théo CAUBEL et Sophie LAMBERTS

« Il a préféré agir. Se mouvoir. S’engager. Bondir du creux de son fauteuil sur les théâtres d’opérations sportifs ou associatifs. » Photo : Théo Caubel/EPJT

Au fond d’une allée privée au cœur de Chambray-lès-Tours, André Auberger profite d’une fin d’après-midi ensoleillée. Il observe attentivement le jardinier qui répare le robinet d’arrivée d’eau à l’entrée du jardin. Les cheveux blancs plaqués en arrière avec un petit bouc qui vient allonger son visage, il laisse transparaitre toute sa bienveillance sous une attitude de vieux sage. Ses mains posées sur ses jambes couvertes d’un plaid guident le regard sur un handicap qui n’apparaît pas au premier abord. Le fauteuil roulant vient compléter l’aspect du sage qui a mené tous les combats : notamment ceux du handisport.

Un engagement pour le handisport

La vie d’André Auberger bascule en 1962 en Algérie. Blessé lors d’une embuscade, il perd l’usage de ses jambes. Loin de s’émouvoir, le soldat français ne se résigne pas.

Lors de son passage aux Invalides à Paris pour sa rééducation, il redécouvre les bienfaits du sport. Pour ce passionné de football et de cyclisme, c’est la découverte d’une autre idée de l’activité sportive. André Auberger vient puiser dans cet univers un état d’esprit qui l’oriente vers dans le monde associatif. Il souhaite se rendre utile et s’engage alors dans le mouvement handisport à une époque où tout reste à faire. Nous sommes, au début des années soixante-dix, à la préhistoire du mouvement comme il se plaît à le dire.

Le combat d’André Auberger sera de porter le handisport français de sa base embryonnaire vers son âge adulte. Lorsqu’il s’engage, le nombre de sports proposés se compte sur les doigts de la main : basket, tennis de table sont les principales activités proposées. L’accessibilité aux équipements sportifs est alors limitée. « On logeait dans des casernes militaires lors des compétitions, car c’étaient les seuls bâtiments adaptés », se souvient-t-il.

André Auberger s’attache à promouvoir le rayonnement national et international de la FFH, confidentielle jusqu’alors. Recherche de subventions, construction de projets, de compétitions, de dialogues avec les politiques pour faire bouger les lignes. « Il a préféré agir. Se mouvoir. S’engager. Bondir du creux de son fauteuil sur les théâtres d’opérations sportifs ou associatifs », s’émeut Michel Drucker dans la préface de Un fauteuil pour une vie (André Auberger, le Cherche Midi). Un combat d’un homme et d’une équipe. Avec l’aide d’André Hennaert, de Gérard Masson, de Charles de Belder et de Bernard Verneau, il dirige la Fédération française handisport et renforce l’association.

André Auberger a œuvré pour améliorer la place des handicapés dans la société que ce soit au niveau des infrastructures que des mentalités. Une bataille faite parfois de désillusions cruelles. Sa déception fut vive de voir Paris échouer dans la candidature olympique pour les jeux de 2012.

Projet dont il fut l’un des principaux porteurs. Une défaite qui le poussa à quitter son siège de président de la FFH. L’organisation d’un tel évènement devait améliorer, selon lui, la condition des handicapés dans la société française avec de nouveaux investissements dans les infrastructures et une plus grande visibilité dans le handisport.

Un homme qui va de l’avant

Derrière cet engagement se cache un homme transcendé par les valeurs du vivre ensemble et du fair-play. Lorsqu’il évoque les flux monétaires excessifs qui circulent dans certains milieux sportifs, notamment dans le football, son ton devient plus sec. Lui qui a milité pour que les athlètes paralympiques touchent les mêmes primes que les valides, déplore la mauvaise répartition de l’argent dans le monde sportif.

Mais André Auberger est un homme tourné vers l’avenir. Il ne s’attarde pas sur les échecs et le passé. Il n’hésite pas à revenir en 1989 sur les lieux de l’embuscade où il a perdu l’usage de ses jambes. Il ne s’oppose pas non plus à rencontre un ancien membre du Front de libération nationale (FLN), lors de son voyage en Algérie la même année.

« Il ne faut pas vivre dans la haine et rejet. Le passé est tel qu’il est, ce n’est pas parce qu’il y a eu des problèmes qu’on ne peut pas vivre ensemble. » Lorsqu’on lui demande ce qu’il dirait à un jeune qui perdrait l’usage de ses jambes, sa voix se remplie d’émotion : « Je lui dirais de faire du sport, surtout faire du sport, et regarder vers l’avant. »