Photo : Christine Philip

Chercheuse en sciences de l’éducation, Christine Philip analyse les parcours scolaires d’élèves autistes à l’Institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés (INS HEA). Convaincue des bienfaits de l’inclusion, elle déplore les lacunes du système.

Dans les textes officiels, on parle beaucoup d’école inclusive. De quoi s’agit-il ?

Christine Philip. Avant, on parlait d’intégration : l’enfant en situation de handicap devait faire l’effort de s’intégrer à son nouvel environnement. Alors qu’avec l’inclusion, c’est le contraire : le milieu d’accueil doit s’adapter pour répondre à ses besoins. Avec la loi de 2013 pour la refondation de l’école, on assiste à une révolution culturelle. Dans les discours, certes, mais pas dans les pratiques. L’école ordinaire est complètement anti-inclusive. Même s’il y a eu des progrès, on en est toujours au stade de l’intégration.

Pourquoi est-il bénéfique de scolariser un autiste en milieu ordinaire ?

C. P. Les autistes ont des difficultés relationnelles. Si on les laisse entre eux, comment voulez-vous qu’ils développent des interactions sociales ? C’est important qu’ils soient parmi les autres qui, sans le savoir, leur montrent le chemin. Le processus d’imitation est très important pour le développement de l’enfant. Malheureusement, en France, on ne croit pas vraiment aux bénéfices de l’inclusion. La référence à la norme est forte. Dès que le handicap est jugé trop important, on met l’enfant à part. « Il est en souffrance. Il sera mieux dans un établissement spécialisé », c’est ce qu’on dit pour se donner bonne conscience. On fait comme si cette souffrance était liée à son handicap, alors que c’est l’environnement qui n’est pas adapté. C’est de cette manière que l’on justifie l’exclusion.

Quels sont les freins qui empêchent de passer à une école réellement inclusive ?

C. P. Les freins sont ancrés dans le système de l’Éducation nationale. On prône l’école de l’égalité, basée sur un enseignement collectif où l’on donne la même chose à tous. Sauf que ce postulat de départ – l’égalité – n’existe pas. Notre système scolaire est sélectif. Les élèves issus des milieux les plus favorisés sont ceux qui s’en sortent le mieux. On forme des élites extrêmement performantes mais on laisse beaucoup d’enfants sur le bord du chemin.

Comment sortir de cette situation ?

C. P. Chaque enfant devrait pouvoir apprendre à son rythme, dans les conditions qui lui conviennent le mieux. Il faudrait passer de l’égalité à l’équité, en prenant en compte les différences. Le problème, c’est que les enseignants sont enfermés dans un système au sein duquel on leur demande d’enseigner tel programme aux élèves et d’obtenir tel résultat à la fin de l’année. En plus, lorsqu’ils accueillent un enfant différent, ils ne sont pas soutenus par leur autorité de tutelle.

Quel rôle doit jouer l’Éducation nationale ?

C. P. Elle ne s’implique pas assez. Elle se repose trop sur les secteurs médico-social et sanitaire. Par exemple, je trouve dommage qu’elle n’ait pas été partenaire du travail de la Haute Autorité de santé sur les interventions éducatives et thérapeutiques recommandées chez les autistes. Elle devrait permettre aux enseignants de devenir des spécialistes des apprentissages pour les enfants handicapés.

Quel regard porte la société sur l’inclusion des handicapés ?

C. P. La société a tendance à mettre ces enfants à l’écart. D’ailleurs, on rencontre peu d’handicapés dans les lieux publics, les centres de loisirs ou les activités extrascolaires. L’esprit de tolérance n’est pas inné. C’est par l’école que l’on peut faire évoluer le regard de la société. Accueillir des handicapés participe de l’éducation à la citoyenneté. Souvent, les élèves sont contents de côtoyer un enfant différent dans leur classe. Ils lui accordent une attention particulière.

Recueilli par Lina BENSENOUCI, Justine CANTREL et Nathalie SIMONET-PICARD

 

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