TPMP, Tout pour le show
« TPMP » s’est démarqué en renouant avec le style d’émissions des années quatre-vingt-dix (« Ciel mon mardi » par exemple), où tout pouvait arriver au vu et au su des téléspectateurs. Photo Camille Bouiller/Flickr
Avec plus d’un million et demi de téléspectateurs chaque soir, Touche Pas à Mon Poste est l’une des émissions de divertissement les plus regardées en France. Alors, comment explique-t-on le succès d’une émission où la politique l’a quasiment désertée ?
Par Clotilde Costil
Comment voulez-vous que les Français votent correctement alors qu’ils regardent Cyril Hanouna à la télé. » A l’occasion de la millième de « Touche Pas à Mon Poste », Frédéric, détracteur de l’émission s’adresse aux chroniqueurs en ces termes. « Vous avez une responsabilité énorme, vous faites partie de la mémoire collective et c’est compliqué d’imaginer ce que vous êtes », renchérit-il.
Diffusée sur C8 depuis 2012, l’émission interroge de par son statut, à la lisière de l’infotainment et du simple divertissement. Cyril Hanouna, présentateur phare de l’émission est pourtant clair : « Si TPMP (Touche pas à Mon Poste, NDLR) est numéro 1, c’est parce que les Français ont besoin de se vider la tête. » A en croire sa communauté de fans, l’émission procure une « bouffée d’oxygène », elle serait un « antidépresseur télévisuel ».
Les codes de la téléréalité
A ses débuts, le programme diffusé en access prime time avait pour mission la critique des médias. Mais aujourd’hui, c’est le jeu, et surtout le jeu du direct, qui a pris le pas sur le reste. Nombreuses sont pourtant les personnalités politiques à avoir déjà foulé le plateau de « TPMP ». Mais c’est souvent pour un tout autre dessein que la présentation de leur programme.
La communauté de fans de « TPMP » est particulièrement active sur les réseaux sociaux, à tel point que l’émission se poursuit sur Internet après la diffusion de celle-ci.
Ce fut le cas de Nicolas Dupont-Aignan. En mars 2017, il s’est retrouvé face à la bande de « Baba ». Cette invitation n’avait en réalité qu’un seul objectif : commenter le buzz de son départ du journal de TF1. Le buzz, c’est toute la démarche de « Touche Pas à Mon Poste » qui souhaite fidéliser les plus jeunes, davantage familiers des réseaux sociaux que de la télévision.
Bizutages, défis trash, paillettes et perruques… La forme de l’émission a totalement pris le pas sur le fond. Tout est fait pour donner aux « fanzouzes » (nom donné aux fans de l’émission), un sentiment d’entre-soi qui rassure. Scénarisée un peu comme une sitcom, l’émission prend tout son sens grâce aux personnages incarnés par les chroniqueurs et auxquels le public peut s’identifier.
Aujourd’hui, l’émission est inscrite dans la vie des téléspectateurs qui partagent un certain nombre de rites communs, notamment sur le Net. L’équipe d’Hanouna donne le sentiment au public de participer à la construction du programme, notamment dans sa partie digitale. C’est en cela que réside le succès. « Une émission non politique mais qui fait la vraie politique en ce qu’elle reflète un certain état de la société », estime François Jost, spécialiste des médias.
« Touche Pas à Mon Poste » pourrait être, le symbole d’un mouvement important en France qui prend de la distance avec les politiques et les médias classiques, cette partie de la société qui a adhéré au PRAF (Plus rien à faire, Plus rien à foutre) lors de la dernière élection présidentielle.