Popi, garanti fait maison
Photo Pierre-Quentin Derrien/EPJT
Au dernier étage d’un immeuble du XIIIe arrondissement, à Paris, une partie de l’équipe de la rédaction du magazine Popi s’active. Aujourd’hui, ce n’est pas dans les locaux de Bayard qu’a lieu la réalisation du chapitre principal du titre. La création a lieu à domicile, chez la responsable éditoriale. Après plusieurs semaines de préparation, une nouvelle histoire de Popi le petit singe va bientôt voir le jour. Un rendez-vous très attendu par le million de lecteurs du titre petite enfance le plus vendu en France..
Par Pierre-Quentin Derrien
Derrière ses grandes lunettes violettes, Sylvie Ladouce dirige ce brainstorming matinal. À ses côtés, Hélène David, photographe et reporter indépendante mais aussi Robin, de son nom d’artiste, directeur artistique de la publication. Les échanges sont francs, le ton est direct. Ils ne craignent pas de se froisser. Tous se connaissent de longue date. « Je vois bien un coffre au trésor au fond de l’eau avec un poisson qui s’en échappe », lance la responsable éditoriale. Tout de suite, elle est reprise par la photographe qui rappelle « qu’introduire une telle part d’imaginaire est un trop gros changement. Popi c’est d’abord le quotidien, le réalisme ».
Voilà déjà près d’une heure qu’ils débattent des scenarii des prochains numéros. Sur la table sont ensuite déroulés des plans grandeur nature. Les premières idées de composition y sont dessinées. C’est l’instant des dernières retouches. Ce temps préparatoire est essentiel car les aventures de Popi représentent pas moins de quatre pages d’un magazine qui n’en compte que vingt. C’est donc un gros morceau qui est au programme aujourd’hui. La journée s’annonce longue pour la responsable du titre et ceux qui l’assistent.
Popi superstar
Tout le monde met la main à la pâte pour déplacer les meubles du salon. Photo : Pierre Quentin Derrien/EPJT
Le temps défile et le planning est chargé. La séance photo du jour oblige à accélérer les choses. Tout le monde met la main à la pâte pour déplacer les meubles du salon. Pas de studio photo pour le petit singe qui prête son nom au magazine. L’appartement de sa « maman », comme elle se surnomme avec humour, sert d’écrin à la nouvelle histoire. Une maman qui aime rire et raconter les anecdotes qui font son quotidien.
Sur la table, une petite brosse à dent en est l’exemple parfait. « Je reviens de la pharmacie, j’ai demandé une brosse à dent pour une
marionnette », s’amuse t-elle. Elle ajoute en sourant : « Le visage de la vendeuse s’est illuminé lorsque je lui ai dis que c’était pour Popi. Elle m’a avoué dormir encore avec la peluche. » Une histoire aussi distrayante que révélatrice. Cette mascotte est la garante de l’identité du magazine, une madeleine de Proust pour plusieurs générations.
Au fond d’un sac de voyage, la voici qui attend que le décor se monte. À quatre pattes, les trois adultes s’interrogent sur la bonne combinaison des cubes colorés et le choix des angles de vue. Diverses mises en scène sont tentées avant de trouver la position adéquate.
Enfin, le personnage fait son entrée. Coincée entre le canapé et la table basse Hélène David réalise les premiers clichés. La lumière est changeante, ce qui ne facilite pas la tâche. D’abord accroupie puis allongée sur le parquet, la photographe donne ses directives au rythme du déclenchement de l’appareil. Voilà plus de dix ans qu’elle travaille pour le magazine. « C’est une parenthèse pour moi, un moment à part et jouissif par rapport à mon quotidien de photo-reporter » reconnaît-elle.
Un éternel recommencement
Ce n’est pas la première fois que l’appartement de Sylvie Ladouce, quadragénaire virevoltante, sert de cadre pour ce type de séance. Elle évoque ces souvenirs tout en cherchant d’anciens numéros de Popi pour illustrer ses propos. La décision est prise de poursuivre à l’étage. Direction la chambre de Pénélope et Gabriel, ses enfants. Le cadre est idéal, les jouets des petits et les dessins aux murs composent un décor plus que réaliste.
Robin, le directeur artistique s’efforce de faire tenir à la mascotte des poses enfantines. Il noue puis tend un fil de pêche autour du cou du petit singe pour qu’il tienne sur ses genoux. De la Patafix est mise sur les cubes pour qu’ils restent accrochés à ses mains. L’équilibre est fragile, alors c’est avec beaucoup de prudence que se font les manipulations.
Photo Pierre Quentin Derrien/EPJT
Mais soudain, nouvel arrêt, la tenue vestimentaire de la marionnette ne convient plus à Sylvie Ladouce. Elle dépose un petit sac sur le lit d’enfant. À l’intérieur, plusieurs tenues aux couleurs vives sont soigneusement pliées. « Ce sont des vêtements de bébé que nous avons récupéré au fil des années et sur lesquels nous faisons quelques points de couture pour qu’il s’adaptent parfaitement », indique-t-elle. Difficile de renouveler en permanence une formule qui marche, alors les moindres détails sont exploités. En changeant une paire de chaussures, une salopette ou un gilet, l’équipe veut éviter le sentiment de redite.
Malgré les apparences, personne ici ne joue à la poupée. Plus le temps avance et plus le sérieux l’emporte sur les rires. Pour obtenir les meilleurs clichés les positions acrobatiques s’enchaînent au milieu des figurines et des cahiers d’école. La matinée passe et l’équipe rivalise de solutions pratiques pour donner vie au sujet. « Dans un titre qui fait la part belle à la création visuelle, il faut faire preuve de bon sens et avoir le goût des travaux manuels », analyse la responsable éditoriale.
Toutes les étapes en photo. Photos Pierre Quentin Derrien/EPJT
Un travail dans le plaisir associé à une organisation rigoureuse qui garantissent le respect des délais de bouclage. Jusqu’au bout, la production à flux tendu obligera le trio à sauter d’une tâche à l’autre. Première victime de ce rythme effréné, le café oublié a depuis longtemps refroidi.