Relancer l’extraction de métaux tient donc d’une volonté politique, impulsée par une véritable stratégie. En France, l’intérêt de l’Etat serait donc de faciliter la vie des entreprises minières. Dans les faits, tout n’est pas si simple. Une société doit d’abord sonder le terrain, afin d’être sûre que ce dernier est propice à la recherche minière. En clair, qu’il contient des métaux en quantité suffisante pour justifier l’investissement réalisé.
Pour cibler un terrain précis, l’entreprise s’appuie entre autres sur les recherches du BRGM. Afin de pouvoir réaliser des prélèvements sur le terrain, elle doit disposer d’un permis exclusif de recherche de mines (PERM). Ce permis est octroyé par l’Etat via la direction régionale de l’environnement (Dreal), qui consultent également le BRGM. Il concerne une parcelle de terrain précise, généralement assez large, sur laquelle l’entreprise peut réaliser des carottes de terre de manière ponctuelle. Sur ce terrain, des opérations de prospection géophysique aérienne sont également réalisées, à l’aide d’hélicoptères à basse altitude, d’investigations au sol, ainsi que des tranchées d’exploration.
Les dates indiquées sur cette Timeline ne sont qu’indicatives et ne sont pas représentatives d’une réelle situation.
Si les analyses se révèlent intéressantes, on peut envisager passer de cette phase d’exploration à une phase d’exploitation, ce qui nécessitera l’obtention d’une nouvelle autorisation. On dit qu’il s’écoule une décennie entre le début de la phase d’exploration et l’ouverture d’une mine. Par ailleurs, on estime en France que seulement un permis d’exploration sur dix se transformera en exploitation plus tard, la moyenne mondiale étant de un sur cent.
Pour l’heure, en France, il n’y a encore aucune exploitation de métaux. La très grande majorité des explorations est détenue par une jeune entreprise : Variscan Mines. Située à Orléans, cette société a été fondée en 2010 par deux anciens géologues du BRGM, dont un en est toujours le président : Jack Testard.

Passez la souris sur les chiffres et découvrez la carrière de Jack Testard, président de Variscan.
Variscan, considérée en France comme un précurseur, détient sept PERM, dont six situés dans la zone dite de la « Bretagne élargie », qui s’étend jusqu’au Mans et au sud de Nantes. Tous font entre 40 et 410 kilomètres carrés. Variscan est ce que l’on appelle une « junior d’exploration », c’est-à-dire qu’elle ne participe qu’à la phase d’exploration, sans avoir les moyens de créer véritablement une mine. Alors, quand elle découvrira une gisement exploitable, « nous négocierons avec une major, explique Jack Testard. Notre avantage est de rester dans l’affaire. Soit je revends, soit je garde un pourcentage sur l’exploitation. Dans le monde, beaucoup de sociétés juniors revendent le potentiel minier découvert à une junior plus grosse. Tout ça de façon à pouvoir réinvestir ailleurs et à recommencer le cycle.»
Mais tout le monde ne voit pas le développement des ces explorations avec les yeux de Chimène. Bien au contraire. Pour eux, elle ne peut qu’être une nouvelle source de pollution. L’opposition à la mine s’est particulièrement développée en Bretagne, notamment avec l’association Vigil’Oust. Lucie Guillo, une des militantes, présente leurs actions : « Nous nous sommes constitués en 2015, à Merléac (Côtes-d’Armor NDLR). On s’est posé des questions quand on a vu un hélicoptère survoler l’actuel site d’exploration avec une sonde. Face au manque d’information, nous nous sommes mobilisés. »
Pour les opposants, rouvrir une mine aujourd’hui est une hérésie : « Est-ce qu’on a besoin de continuer à extraire comme des malades même si c’est propre comme ils le disent ? Nous avons besoin de métaux, je suis d’accord, mais dans trente ans, il n’y aura plus rien à exploiter dans ces mines. Alors il faudra bien trouver des solutions alternatives. »
Ces militants ont trouvé un certain soutien dans un rapport de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), datant de décembre 2015. Celui-ci stipule que les phases d’exploration causent entre autres « des défrichements des plateformes de sondage, l’aménagement de voies d’accès pour des véhicules lourds, la production de centaines de mètres cubes de déchets miniers. » Ce rapport ciblait déjà le problème de « l’acceptabilité sociétale » de l’industrie minière. Un rapport qui a fait grincer des dents Jack Testard : « C’est essentiellement basé sur une analyse de risques. On sent que ces gens ne sont jamais allés au fond d’une mine. En matière d’environnement, des règles existent et nous les respectons. »
« Il faut bien prendre conscience qu’aujourd’hui la mine, ce n’est plus Germinal »
Nicolas Charles
Ce problème d’acceptabilité sociétale est la pierre d’achoppement du renouveau de l’industrie minière en France, qui n’en est qu’à ses balbutiements. Pour y répondre, le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) a pensé en 2013 au credo « éviter, réduire, compenser ». En résumé : « Réduire au maximum les impacts et en dernier lieu, si besoin, compenser les impacts résiduels après évitement et réduction. » Néanmoins, pour l’opposition écologique, l’intérêt de l’industrie minière reste très flou. Beaucoup s’accordent pour considérer la mine comme un haut-lieu de saleté et de pollution. Pourtant, comme l’explique Nicolas Charles : « Il faut bien prendre conscience qu’aujourd’hui la mine, ce n’est plus Germinal. »
De son côté, le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, a déclaré le 26 septembre devant l’Assemblée nationale : « Je ne pense pas que toute recherche minière est à proscrire sur notre territoire. Elle doit pouvoir se faire de façon raisonnée et raisonnable. » Des propos qui interviennent au lendemain de la publication du rapport annuel de Variscan dans lequel son P-DG, Patrick Elliott, déclare : « Notre capacité à capitaliser sur le potentiel minier français et à créer de la valeur pour nos actionnaires et l’économie française est gênée par la lenteur de l’obtention des autorisations. »
Toutefois, dans le même document, l’entreprise australienne se félicite de son statut de précurseur : « Depuis que Variscan est arrivé en France, le pays a vu des sociétés étrangères et nationales intensifier l’activité d’exploration minière. Ceci est cohérent avec l’augmentation des activités minières en Europe. » Par ailleurs , la société considère que la France est dotée d’une « géologie favorable », « d’excellentes infrastructures » et d’une « juridiction à faibles risques ». Autant d’éléments qui, en plus d’une réforme du Code minier prévue pour 2018, devraient faciliter la relance de l’activité minière en France.
Photo d’ouverture : Dominique Drouet