Le frelon asiatique, ennemi public n° 1 des abeilles

Photo EPJT
Prédateur redoutable, le frelon asiatique fait des ravages en France depuis son apparition en 2004. Enseignant-chercheur, Eric Darrouzet mène un projet pour lutter contre ce serial killer pour lequel les abeilles sont des proies faciles.
Par Martin ESPOSITO, Cyrielle Jardin et Yleanna ROBERT
Le monde des insectes est venu à lui sans qu’il l’ait vraiment cherché. Depuis 2011, à l’Institut de recherche sur la biologie de l’insecte (Irbi) à Tours, il étudie le frelon asiatique, un insecte dont il «ne connaissait rien » jusque-là mais dont il est rapidement devenu le spécialiste.
Le frelon asiatique, c’est une espèce invasive, un prédateur redoutable, qui s’attaque à tous les insectes qu’il peut dénicher. Observé pour la première fois en France en 2004, il envahit progressivement le Sud et l’Ouest de l’Europe. Il est particulièrement présent au Portugal et en Belgique. Egalement dans le Centre-Val de Loire. Eric Darrouzet se trouve donc dans la bonne région pour étudier le phénomène : « Les apiculteurs de la région constatent que leurs colonies ne cessent de diminuer. L’une des causes de cette catastrophe est le frelon. »
« Le frelon asiatique n’a aucun effet bénéfique sur l’environnement »
Les ruchers, parfois occupés par des dizaines de milliers d’abeilles, sont en effet pour ce prédateur une réserve de proies. Les abeilles qui ne sont pas dévorées sont stressées et restent cachées dans leurs ruches. Les réserves de nourriture diminuent alors et les pontes des reines sont moins abondantes. Autant de conséquences qui peuvent, à terme, entraîner la disparition totale des colonies attaquées.
L’augmentation de la mortalité des abeilles a un impact considérable sur l’économie du secteur apicole. « Le frelon asiatique n’a aucun effet bénéfique pour l’environnement », tranche Eric Darrouzet. Il est régulièrement sollicité par les apiculteurs. « Nous les tenons au courant de la situation et ils participent aux réunions d’information. »
L’Irbi tente de trouver des solutions pour supprimer ce nuisible. L’homme doit devenir le prédateur du frelon et, pour cela, Eric Darrouzet met à profit ses talents de bricoleur. Il a créé, avec son équipe, un piège dans lequel un liquide spécial attire les frelons.
Les pièges traditionnels posent un réel problème : pour 300 frelons piégés, 30 000 autres insectes peuvent être attrapés, y compris des abeilles. L’objectif du chercheur est donc de mettre au point des pièges sélectifs, qui ne capturent que les frelons. Il utilise pour cela des phéromones de synthèse.
Jean-Luc Mercier, son collègue, explique qu’il « s’agit de comprendre comment les insectes fonctionnent et réagissent à leur environnement ». Les prototypes, qui ressemblent à des bouteilles renversées, sont pour l’instant exposés dans le bureau d’Eric Darrouzet. Il souhaite pourvoir les commercialiser grâce à un partenariat industriel.
Il évoque aussi un système de radio-tracking. Grâce à un capteur posé sur un frelon, les chercheurs pourraient le suivre et trouver des nids à détruire. L’idée d’utiliser la technologie plaît à cet adepte de la science-fiction. Au détour de la conversation, il cite volontiers des films comme Alien et Terminator. Des histoires d’invasion. Décidément, elles sont partout.
Changer le futur
L’avenir semble se préparer maintenant. Eric Darrouzet pense que les projets de collaboration avec la Belgique et l’Italie peuvent apporter beaucoup dans le processus d’éradication. L’important est « de trouver des techniques pour attaquer l’espèce, jusqu’à l’éliminer du continent européen. C’est peut-être utopique, mais on essaie. Si on ne fait rien, il va juste rester là ».
Dans ce cas, un nouvel équilibre pourrait se mettre en place, où l’abeille n’aurait peut-être plus sa place. Les problèmes rencontrés dans l’apiculture et l’agriculture rendraient l’environnement « socialement inacceptable ». Eric Darrouzet et son équipe font tout pour tenter d’éviter ce scenario catastrophe. Avec leurs moyens. Une baisse de la population des frelons se fait parfois sentir, sans que les causes puissent en être établies. Il reste donc des choses à découvrir, et pas seulement sur les frelons. Le spécialiste ne donne pas de piste, mais sa tête semble déjà bourdonner d’idées.