Jean-François cultive le potager de demain

Photo : Mathilde Errard/EPJT
Depuis décembre 2015, Jean-François loue, avec quatre amis, un potager dans un jardin familial à Tours. Il tente pour la première fois de faire pousser des légumes en permaculture. Un jardin 100 % bio pour profiter du grand air mais, surtout, pour manger des produits de qualité.
Par Corentin DIONET et Mathilde ERRARD
C’est aussi une méthode qui prend soin de l’homme, en facilitant le travail et la récolte des légumes du jardin. Jean-François, qui a le sens de la formule, déclare : « Nous travaillons avec la terre plutôt que contre. » Pour cultiver leur jardin, ils ont choisi la culture sur butte. Celui-ci ressemble donc à une sorte de labyrinthe surélevé, rond, avec des sillons, que l’architecte a dessiné. Le jardin fait figure d’ovni parmi les rangées et les allées bétonnées des voisins.
Deux clôtures plus loin, il discute avec ses voisins Moustapha et Jean-Charles. Ce potager permet aussi de rencontrer des personnes « qui viennent de catégories socio-professionnelles différentes ». Moustapha propose de passer le motoculteur chez ses voisins. Il a aussi donné des arbres fruitiers à Jean-François, dont un figuier venant de Syrie. Entre Jean-Charles et Jean-François, la différence de style est flagrante. Le premier, débrayé, en bretelles, cultive ses légumes dans des rangées méticuleusement organisées. Il taquine Jean-François sur l’allure de son jardin : « Il me fait penser à la soucoupe volante du film de Louis de Funès. » Ce qui amuse beaucoup l’architecte.
« Retourner à la terre »
Jean-François est un homme de la ville. Durant toute son enfance et son adolescence, il a vécu en appartement : Paris, Toulouse et, aujourd’hui, Tours. « Je suis un vrai-faux urbain, aime-t-il à dire. Et j’ai gardé de bons souvenirs de mes vacances à la campagne chez mon grand-père. » Avoir ce potager en ville est donc un moyen de « retourner à la terre » et de « se vider la tête ». « Il faut lire Candide. Le jardin ne déçoit jamais. » C’est aussi le moyen de partager de bons moments avec les collègues de sa femme, Francis et Catherine. Cela fait longtemps qu’il souhaite avoir un jardin avec sa compagne, Chloé. La permaculture s’est trouvée être un bon compromis : ils peuvent se relayer et n’ont pas besoin d’arroser souvent grâce à des petits copeaux de bois retenant l’humidité sur les buttes, appelés bois raméal fragmentés (BFR).
Les buttes du potager ont été paillées selon les principes de la permaculture. Photos Corentin Dionnet/EPJT
Cette méthode est un vrai apprentissage. Jean-François, qui n’a jamais eu qu’un jardin sur son balcon, se lance dans ce projet sans aucune expérience pratique. La théorie est tout de même bien rodée. L’apprenti jardinier a potasser le sujet sur Internet et dans les livres. Mais entre théorie et pratique, il y a parfois un fossé.
Selon le sens du vent, l’abondance des pluies, l’exposition au soleil et le type de terre, le résultat peut être tout autre que celui observé dans un reportage télévisé. « Nous allons très certainement nous tromper dans les associations de plantes, admet-il en souriant. Il se pourrait même que cela ne fonctionne pas et que nous finissions par nous taper dessus, qui sait… » Ce jardin sera donc le laboratoire des expériences de cette fine équipe.
Le voilà donc parti sur la route de cette nouvelle culture bio prônée par les plus écolos d’entre nous. Un moyen, peut-être, de surfer sur la tendance. Jean-François serait-il un écolo voire légèrement bobo ? « C’est la même chose », lâche-t-il légèrement piqué, avant d’hésiter : « Je ne sais pas… peut-être. »
Même si on fait foin des étiquettes, ce potager cultivé en permaculture fait figure d’ovni parmi les jardins ouvriers. Ceux-ci sont carrés, cultivés dans les règles de l’art ou plutôt « selon un guide qu’on nous donne », philosophe l’architecte. Il regarde le jardin de son voisin, tout frais labouré : « Les bases que nous avons apprises, comme retourner la terre, faire tourner les cultures… il faut les bousculer. » « Si notre projet plante complètement, on se moquera. Tant pis. Nous recommenceront tout depuis le début », philosophe-t-il. Le but n’est pas de faire une démonstration. Plutôt de se passer des supermarchés et du gaspillage. « Je veux avoir le plaisir de voir évoluer ce que je cultive et d’aller cueille ma salade toute fraîche. »
Pour aller plus loin
La ferme de la Bourdaisière, agroécologique et inspirée de la permaculture
La permaculture, qu’est-ce que c’est ?
La main verte