Eduquer aux médias, un sacerdoce
Anne Lejust fait partie de ces enseignants qui se démarquent par leur parcours et leur insatiable envie de transmettre cet enseignement si singulier.
La salle des profs de l’école élémentaire Jean Zay d’Orléans (Loiret) n’est pas des plus cossues. Les tables en formica orange sont parfaitement assorties au style vintage des armoires des années soixante-dix. Des meubles en bois vernis, parfois bricolés pour durer un peu plus. Des chaises dépareillées, de toutes les couleurs, de toutes les époques.
Dans un coin, s’entassent des écrans interactifs déjà obsolètes. Contraste entre ce qui ne change jamais et ce qui se renouvelle trop vite. Des plaques jaunies du faux-plafond menacent de tomber. La peinture vieillie s’écaille, un vert semble-t-il, passé avec le temps.
Son dernier coup d’éclat, le prix EMI pour la meilleure initiative en région Centre-Val-de-Loire, reçu le 13 mars 2019, aux Assises du journalisme de Tours. Harry Roselmack, président du jury, a salué le travail de cette poignée d’élèves accompagnés de leur enseignante.
Pour ses projets multimédias menés en 2018, l’école Jean-Zay d’Orléans (Loiret) a reçu en mars 2019 le prix d’EMI aux Assises du journalisme de Tours.
La visite des studios de TF1, le 12 avril 2019, a été une véritable aventure pour ces jeunes promus. Mais au-delà, elle a été l’occasion de les former à la prise de son, de photo, à l’observation. Anne l’a bien compris, l’EMI s’enseigne chaque fois que cela est possible. « C’est une discipline transversale, elle peut être dans tous les apprentissages, la lecture, l’histoire, la géographie, la recherche, etc. »
Cette passionnée d’arts visuels ne se destinait pas, au départ, à s’investir dans l’EMI. En 1991, elle obtient son bac lettres option cinéma, à Orléans. Elle découvre sa passion pour les enfants au travers de « petits boulots ». Son projet professionnel est arrêté, elle veut devenir enseignante.
Elle enchaîne alors une classe préparatoire au lycée Condorcet, à Paris, une licence de lettres modernes à Paris III. Elle passe ensuite le concours de professeur des écoles, passe deux ans à l’IUFM (institut universitaire de formation des maîtres). Depuis 1997, elle enseigne en élémentaire au sein de l’Éducation nationale.
Et puis vient l’heure de la lassitude et du questionnement professionnel. Elle s’interroge et pense à se reconvertir. Elle décide donc de s’inscrire, en 2015, en formation continue au master de journalisme du Celsa (Ecole de hautes études en sciences de l’information et de la communication, Neuilly-sur-Seine).
« Pour suivre cette formation, j’ai dû travailler à mi-temps pendant deux ans. J’ai tout financé moi-même. Je n’ai bénéficié d’aucune aide. J’avais trois jours de formation tous les quinze jours. J’enseignais à Orléans, je devais donc m’organiser. Mais j’étais vraiment motivée… »
Pourtant, elle n’est pas allée au bout. Elle se considère comme « multi-casquettes » et l’idée de s’enfermer dans un autre métier ne la séduisait guère. Armée de toute ses connaissances, elle préfère combiner journalisme et pédagogie.
Ce qui n’est pas pour déplaire à Frédéric Dupin, directeur de l’école Jean-Zay, qui admet volontiers que « chaque fois qu’elle porte un projet innovant ou fédérateur, tout le monde la suit : les enseignants, les élèves et les parents. Le fait qu’elle prenne tous les élèves de l’école par petits groupes pour le club presse qu’elle anime, ça dynamise toute l’école ».
Malgré son engouement et son courage, cette enseignante dévouée ne cache pas son dépit face au manque de moyens auquel elle fait face au quotidien. « Je me sens très seule depuis des années, il n’y a aucune reconnaissance », avoue-t-elle.
Même si elle se rend compte de la chance qu’elle a de pouvoir bénéficier d’une webradio académique – privilège de l’académie Orléans-Tours – elle regrette de n’avoir aucune ressource financière pour ses projets.
Elle a dû devenir auto-entrepreneuse pour pouvoir travailler à temps partiel (75 %), faire de l’EMI et ainsi diversifier ses projets. Elle travaille notamment pour l’association orléannaise « C’est comme à la radio ».
Elle est aussi vacataire pour le Clémi, pour lequel elle rédige des fiches pédagogiques, entre autres. « Dans une ville qui manque d’enseignants comme Orléans, les demandes de temps partiel sont toujours refusées, sauf dans le cas de création d’entreprise », regrette-t-elle.
Son rêve serait de cumuler deux mi-temps, un en enseignement et l’autre en journalisme. Mais il y a une double contrainte : la demande de temps partiel doit se faire un an avant, ce qui implique de trouver un emploi en journalisme dans le même délai. C’est l’impasse.
« Si un jour j’ai les moyens, peut-être que je demanderai le temps partiel et on verra pour le journalisme. » Pour l’heure, elle se réjouit d’avoir pu reconduire son temps partiel et garder son auto-entreprise.
« Nous sommes dans l’école où il a été élève et où sa mère a été enseignante. Nous avons donc un lien très fort avec lui et sa famille. Nous connaissons ses filles. »