Marier les aliments et les cuisiner différemment permet de développer la sensibilité des enfants. Photo : Perrine Basset/EPJT
Les cantines scolaires de Chambray-Lès-Tours se sont converties au 100 % bio en janvier dernier. Cette transition bouleverse la façon de cuisiner de l’équipe de restauration. De manière ludique, elle modifie aussi le regard des enfants sur leur alimentation.
Par Perrine BASSET et Lorène BIENVENU
Lorsque l’entrée arrive dans l’assiette des enfants, ils n’en font qu’une bouchée. Joaquim, un élève de CM1, a particulièrement apprécié les crudités : « On a mangé de bons légumes bio ! C’est meilleur pour la santé », s’exclame-t-il.
Tous ne sont pas de cet avis : « Je n’aime pas le bio. Je trouve qu’il y a moins de goût et que cela se conserve moins longtemps », confie Tom. Mais grâce à cette démarche, certains élèves ont ramené l’idée du bio chez leurs parents. D’autres sont déjà rodés : « Maman dit qu’il faut manger des légumes bio pour bien grandir. »
Dans les vieux locaux, au sein même de l’école, les quatre cuisinières préparent le repas des 168 élèves attendus ce midi. L’équipe est encadrée par le chef gérant, Ludovic Souchaud, qui, au cours de la semaine, navigue entre les quatre cantines de la commune. Une diététicienne de la société Sogeres intervient dans la confection des menus qui seront ensuite validés par la commission de la restauration scolaire de la mairie. Les repas sont composés à 80 % de produits frais et locaux.
Chaque jour, les cuisinières se répartissent les tâches et s’occupent, à tour de rôle, de la légumerie, de la plonge ou de la confection des plats. Alors que le chef s’attelle à la préparation du gâteau, Nicole et Nadine font cuire les pommes de terre dans une grande cuve de laquelle s’évade un grand panache de vapeur.
Depuis 7 heures ce matin, les machines tournent à plein régime, provoquant un vacarme qui ne semble pas perturber le personnel. Malgré la précipitation et l’heure qui tourne, une ambiance chaleureuse règne dans la salle. La musique qui s’échappe du poste de radio est couverte par les bruits du mixeur.
Une routine pour les cuisinières. Pourtant, leur temps de travail a augmenté depuis le passage au bio : trier, éplucher, laver les légumes… Mais elles reconnaissent prendre davantage de plaisir à cuisiner.
Si les enfants n’ont pas tous remarqué le changement dans leur assiette, ils ont cependant pu apprécier toutes les activités ludiques mises en place pour l’occasion. Une fois par mois, ils goûtent à des amuse-bouches qui associent des saveurs originales, comme une verrine de pomme et de potiron.
« Marier ces aliments et les cuisiner différemment permet de développer la sensibilité des enfants », explique Christelle, responsable de l’équipe de restauration. Les enfants choisissent ou non d’intégrer les amuse-bouches comme plats dans les futurs menus, grâce à un système de vote. « Ils adorent quand on leur donne la parole », confie le chef gérant.
Les communes alentours souhaitent suivre l’exemple
On retrouve le même enthousiasme chez les parents. « Nous avons eu des retours très positifs de leur part », revendique Florence Cardoso, responsable du service restauration scolaire à la mairie. Cette initiative influence aussi les cantines des communes alentours qui veulent suivre cet exemple. Les producteurs locaux ne sont pas en reste. Certains ont dû s’adapter : « Une des deux boulangeries avec laquelle nous travaillons a dû obtenir le label bio pour continuer de travailler avec nous », précise Florence Cardoso.
Tous semblent donc satisfaits de cette nouvelle organisation. Et pourtant, le 100 % bio reste à nuancer. Les cuisinières sont persuadées de gâcher plus de fruits et de légumes parce qu’ils se conservent moins longtemps : « Nous recevons nos aliments le lundi et le vendredi matin. Si nous avons de la salade, elle va se perdre avant la fin de la semaine », confie Nadine. Un paradoxe, sachant que parents et responsables scolaires souhaitent voir le moins de conservateurs possible dans l’assiette des enfants.
Pour résoudre ce problème, la mairie propose la création d’une cuisine commune aux quatre cantines de Chambray-lès-Tours. Objectif espéré : moins de déchets. Mais certains salariés, susceptibles d’être transférés dans cette cantine centrale, craignent des suppressions de postes. Et ceux qui resteront à servir les enfants ont peur de perdre ce plaisir au travail nouvellement acquis. Fini la cuisine ! leur unique tâche se résumerait alors à réchauffer les plats. Loin de l’image que le bio durable et responsable souhaite transmettre.