“Beaucoup veulent surfer sur la vague jeunesse”
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Ancienne rédactrice en chef de Jeunes années, l’une des premières revues pour adolescents en France, Lisette Morival a ensuite été directrice des rédactions de Disney Hachette Presse. Aujourd’hui à la tête de sa propre société de magazines pour le jeune public, elle propose une vision critique d’une presse jeunesse omniprésente. Et évoque plusieurs pistes pour la maintenir en bonne santé.
Recueilli par Florian Cadu
Que représente la presse jeunesse en France ?
Elle fait à 100 % partie de la culture média. Car elle est présente partout : dans les familles, dans les bibliothèques, dans les écoles… Même chez les pédiatres. Elle fait partie intégrante du patrimoine français.
Elle n’échappe cependant pas à la crise de la presse. Quels sont les magazines les plus touchés ?
Les revues à destination des adolescents souffrent énormément. Ils ont pris un gros coup sur la tête
durant ces trois dernières années. Aussi bien les magazines généralistes, comme Le Monde des ados, que les « magazines people », comme Fan 2.
Comment doivent-ils évoluer ?
Des groupes de presse, comme Fleurus, se sont bien adaptés aux nouvelles exigences du public, notamment en ce qui concerne le numérique. Actuellement, quand un lecteur est abonné au magazine, il peut aussi recevoir sa revue en PDF, avec des animations supplémentaires. Et on sait comme les jeunes sont férus de tablettes. Le premier pas, c’est donc de prendre conscience que le papier ne peut pas vivre seul, qu’il faut des supports complémentaires. C’est encore plus vrai que pour la presse adulte. Par ailleurs, il faudra sérieusement diminuer le nombre de magazines en kiosque car cette presse est en train d’étouffer. Il y en a trop. Les gens ne savent plus quoi choisir. À l’avenir, il y aura moins de produits, plus de qualité et des produits bi, voire trimédias.
Les magazines jouent-ils le rôle éducatif qu’on attend d’eux ?
Il y a tellement de magazines dans les rayons jeunesse que ce serait prétentieux de penser que tout est bon. Beaucoup de nouveaux magazines opportunistes, surtout ceux destinés aux enfants en bas âge, veulent surfer sur la vague jeunesse. Et ces médias n’ont aucun intérêt : le texte est complètement redondant avec l’image par exemple, ce qui ne sert strictement à rien. Pédagogiquement, c’est zéro.
De nombreux emplois de journalistes sont pourtant consacrés à ces titres destinés aux plus petits.
Le journalisme commence quand on prend une information pour l’analyser et pour en tirer un angle. Ce n’est pas le cas pour les revues destinées au moins de 7 ans, qui nécessitent davantage un travail d’auteur, de pédagogue. Les gens ont la carte de presse, mais écrire une histoire sur Bamby ou créer un jeu des sept erreurs, ce n’est pas du journalisme.
Comment produire un magazine de qualité ?
Un bon magazine jeunesse, c’est avant tout une vraie connaissance des jeunes. Trop de monde se lance dans cette niche en se disant qu’il suffit de faire de l’adulte simplifié ou de produire ce qui existe déjà. En réalité, il ne faut jamais perdre le contact avec le terrain, ne jamais
JEUNES ANNEES 1956. L’un des premiers magazines jeunesse parus en France, après Le Journal de Mickey.
perdre de vue ce qui fait la satisfaction de l’enfant ou de l’ado, que ce soit en termes d’histoires, d’intérêts ou de graphismes. L’idée, c’est de comprendre ce qui les entoure, pour ensuite interpréter ces observations et les passer au tamis de nos propres valeurs. En clair, il faut trouver le bon mix entre ce qui les intéresse et ce qu’on veut leur apprendre. Et ça ne tombe pas du ciel.