Informer sur place ou à l’étranger
Le bâtiment du quotidien du soir abrite la rédaction du Monde Afrique. Photo DR
Lancé en janvier, le « petit dernier » des médias consacrés à l’Afrique semble être le bon élève. Les clés de sa réussite ? Aller chercher l’information à la source, grâce aux correspondants et envoyés spéciaux. Un juste équilibre entre journalisme de terrain et journalisme de bureau.
Recueilli par Justine Cantrel
À droite, près de la porte, le bureau de Serge Michel, le rédacteur en chef. Il répond à ses e-mails. Choix des sujets, rédaction d’articles, organisation de l’équipe… le travail du rédacteur en chef a de nombreuses facettes. À gauche, Marc Bettinelli s’occupe de la vidéo. Au fond, la secrétaire gère, entre autres, le réseau des contributeurs extérieurs, des pigistes et des correspondants. Les postes des autres journalistes sont répartis dans la salle.
Lemonde.fr avait déjà un million de visiteurs uniques en Afrique chaque mois. En créant le site d’information dédié à l’Afrique, le quotidien du soir séduit ce nouveau lectorat sur Internet.
Il est 10 heures. Certains sont déjà à leur poste, d’autres arrivent et s’installent. Des fauteuils restent vides : Joan Tilouine est à l’ambassade du Burkina Faso, où il effectue une demande de visa pour un futur reportage ; Diane-Audrey Ngako, responsable des réseaux sociaux, est en Côte d’Ivoire pour rencontrer des créateurs de mode. Elle rejoindra ensuite Le Cap (Afrique du Sud) pour d’autres reportages.
La moitié des 8 journalistes de la rédaction est issue de différents services du Monde. C’est le cas de Laurence Caramel ou de Pierre Lepidi, tout comme Olivier Herviaux qui relit et édite les articles pour le site. Quelques uns ont été recrutés chez les concurrents. Raoul Mbog vient tout droit de Slate Afrique et Joan Tilouine de Jeune Afrique.
Tous ont en commun l’amour pour ce continent, la curiosité et l’envie de partager. « Toute l’Afrique, et le meilleur du Monde », telle est la devise du média. Si on en croit Pierre Lepidi, le continent est une « mine d’or de sujets ». Pour lui, c’est un beau défi que d’essayer de montrer la réalité d’un territoire dont les gens ont une vision souvent erronée.
Rentabiliser les voyages à l’étranger
La force du Monde Afrique : travailler à la source de l’information. Avec la volonté de devenir un média francophone et non français. Avec la vingtaine de correspondants déployés sur le continent, l’objectif est atteint. Le mercredi a lieu la réunion de rédaction hebdomadaire. A 11 heures, les journalistes prennent place autour de la table ronde. Des exemplaires du Monde y sont disposés. On attend encore Marc Bettinelli qui commande de nouvelles cartes au service infographie.
« Envoyer des reporters à l’étranger, c’est cher, mais on ne peut pas faire sans »
Serge Michel
Il est 11 h 15. Serge Michel entame la réunion. Il évoque d’abord quelques points d’organisation. Les journalistes sont polyvalents. Ils partent chacun leur tour en reportage. Ils travaillent tantôt sur le terrain tantôt à la rédaction, tantôt ils préparent le voyage suivant, tantôt ils produisent des articles en temps réel. Un compromis idéal pour livrer une information de qualité.
Envoyer des reporters à l’étranger, « c’est cher, avoue Serge Michel, mais on ne peut pas faire sans ». Le média, bien distinct du quotidien, est encore tout jeune. Il faut constamment penser l’organisation. Chacun prend la parole pour proposer de nouvelles manières de se répartir les tâches. Faire simple et efficace.
Le site publie une quinzaine d’articles par jour. Pendant la réunion, Serge Michel continue de recevoir des mails avec des propositions d’articles. « Vous avez quoi dans les pipelines ? » interroge-t-il. Pierre Lepidi revient tout juste du Rwanda.
Un article sur les réfugiés burundais au Rwanda a déjà été mis en ligne quand il était sur place. Il lui reste trois papiers à terminer, des articles à l’actualité plus froide. « Lorsque nous partons en reportage, nous devons rentabiliser le voyage. Nous rentrons avec un maximum de sujets », explique-t-il. Christophe Châtelot, journaliste au service international du quotidien, passe une tête dans l’encadrure de la porte. Il vient proposer un sujet. La collaboration entre les deux rédactions est de mise.
La journaliste franco-camerounaise Diane-Audrey Ngako, du haut de ses 23 ans, parle de l’Afrique qu’elle connaît. Son rôle est de capter les jeunes en trouvant des sujets « plus ludiques, plus sympas », notamment pour la rubrique Afric-Lab. Photo DR
Une fois les prévisions d’articles listées, chaque journaliste retourne à ses occupations. Raoul Mbog reprend une interview réalisée la veille. Écouteurs dans les oreilles, enregistreur posé sur le bureau, il retranscrit les propos de la personne interrogée. De nombreux post-its sont étalés sur son bureau. Des magazines aussi. Il est revenu du Maroc il y a quelques jours.
Laurence Caramel, cette semaine, s’occupe du « desk home », littéralement le « bureau maison ». En plus de relire et de mettre en ligne les articles des correspondants, elle fait un travail de veille, gère « tout ce qui nous dégringole sur la tête : le fil d’actualités ». Sur le site internet Le Monde Afrique, les articles sont parfois accompagnés de la mention « avec AFP » : ils sont produits à partir de papiers tout droit sortis des agences de presse et traitent de l’actualité dite chaude. Joan Tilouine, de retour de l’ambassade, termine également ses papiers. Il doit tous les boucler, car il part bientôt en vadrouille. Il prépare également une série d’été, encore secrète.
Il est 12 h 30. Le bureau se vide peu à peu pour la pause-déjeuner. À les voir gesticuler, on imagine qu’elle sera courte : tous ont du pain sur la planche. Créer un nouveau média n’est pas de tout repos. Le Monde Afrique n’a que quelques mois, il doit encore faire ses preuves, trouver son modèle. Les journalistes sont tous « sur les rotules », pour reprendre les propos de Laurence Caramel. Mais leur fatigue n’abîme pas leur ambition. Souriante, cette équipe plutôt jeune semble épanouie. Ensemble, ils sont partis à l’aventure, à la conquête d’un public, en Afrique comme en France. D’un public jeune et innovant, un public qui croit en l’avenir du continent. Et souhaite le faire changer.