Rémy Buisine, le 6 avril 2016, place de la République à Paris.
Passionné par l’actualité depuis son enfance, Rémy Buisine est depuis peu en charge des lives pour Brut. Il est le visage d’une nouvelle génération de journalistes.
Par Corentin Lacoste
Chez lui, le journalisme a toujours été un rêve, même enfant, lorsqu’il vivait encore dans son Nord natal. « A l’âge de 6 ans, j’apprenais à lire et l’actualité me passionnait déjà. Le week-end, nous allions chez mes grands-parents qui étaient abonnés au quotidien régional La Voix du Nord. En arrivant, je me jetais la plupart du temps sur le journal avant même de leur dire bonjour », rigole le barbu de 26 ans.
Pas intéressé par les cours, il abandonne très vite ses études, avant l’obtention de son baccalauréat. Nous sommes alors en 2009 : Facebook et Twitter gagnent en popularité chez le public français et Rémy Buisine y voit une opportunité. D’abord community manager pour des footballeurs, il monte quelques années plus tard à la capitale et poursuit son travail auprès de radios locales. « J’avais compris que pour travailler dans le monde des médias, je devais aller à Paris. »
Là, il commence à toucher au journalisme au travers de live-tweets et de retranscription de nouvelles sur les réseaux sociaux. « En 2015, j’avais ainsi proposé aux rédactions d’aller prendre des images sur le terrain, à l’occasion des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, au lieu de relayer celles existantes. »
Après la manifestation en soutien à Liu Shaoyo le 29 mars dernier, des affrontements éclatent avec la police parisienne. Rémy Buisine était là. Plus de 650 000 personnes suivaient son live.
La même année, Periscope fait son apparition. L’application propose aux détenteurs d’un Smartphone de diffuser en direct du contenu vidéo visible par tout le monde. Pour Rémy Buisine, cela constitue l’outil idéal. « Je me suis dit que ce serait l’occasion de lancer une nouvelle écriture journalistique permettant de se plonger en immersion dans un événement pendant trois heures, ou même vingt-quatre. »
Cette liberté, les chaînes d’information en continu ou les journaux télévisés ne pouvaient en effet pas l’avoir, contraints par le manque de temps et les autres sujets à diffuser.
Nuit debout
À ses débuts, le public n’est pas très réactif. « L’application était encore peu connue et les gens n’imaginaient pas que l’on puisse y traiter de l’actualité de façon sérieuse », analyse-t-il aujourd’hui. Il persévère et couvre, entre autres, les manifestations parisiennes contre la loi Travail, à partir du mois de février 2016.
Le 31 mars 2016, le cortège termine sa journée par un rassemblement place de la République. « On ne savait pas trop ce qui allait se passer. Il y avait plusieurs milliers de personnes, le hashtag Nuit debout était en top-tweet France : cela semblait puissant. » Sous ses yeux, Rémy Buisine assiste à la naissance du mouvement contestataire Nuit debout. Il sort alors son Smartphone et décide de le retransmettre via Periscope. La révélation.
Des Internautes se prennent au jeu, l’encouragent et posent des questions. Dans la nuit du 3 au 4 avril, son audience augmente jusqu’à atteindre un pic de 81 000 spectateurs, provocant la panne de l’application. « Nuit debout m’a donné une certaine visibilité et m’a permis de parler de ce que je faisais dans les médias. » Parmi ceux qui le découvrent, Laurent Lucas, ancien rédacteur en chef adjoint du « Petit Journal » (Canal+),qui travaille sur le lancement de Brut avec Renaud Le Van Kim et Guillaume Lacroix. Intéressé par la démarche, il l’approche et lui propose de travailler pour leur nouveau média.
Brut, France info, BFM TV
« J’ai aussi eu des offres de France Info et de BFM TV, confie Rémy Buisine. Cela faisait des années que le métier de journaliste me faisait rêver et, l’espace d’un été, j’ai reçu des propositions auxquelles je n’aurais jamais pensé, même dans mes rêves les plus fous. » Son choix se porte alors vers Brut qui lui permet de conserver sa liberté tout en pratiquant le métier qu’il a toujours visé.
A présent, il couvre manifestations, campagne présidentielle et interventions des forces de l’ordre. Toujours accompagné de son Smartphone, de sa batterie de secours et de ses écouteurs – « Heureusement, je n’ai pas besoin d’avoir en permanence une caméra sur mon dos ! » –, il reste à l’affût de l’actualité. Son nouveau statut de journaliste, il le pratique 24 heures sur 24. « Il y a beaucoup de choses qui sont imprévisibles. »
Le 20 avril 2017, le policier Xavier Jugelé était abattu sur les Champs-Élysées. Rémy Buisine se devait de couvrir l’événement. « Ce soir là, j’étais tranquille dans mon lit, devant la télé, en train de regarder l’émission Présidentielle 2017 (France 2). Mais dans ces cas-là on se rhabille et on y va. »
Lors de l’assassinat d’un policier au Champs Elysées, Rémy Buisine a tenu le direct pendant trois heures vingt. Pour ne pas montrer grand chose.
Avec un emploi du temps toujours changeant, il reconnaît avoir parfois du mal à conserver du temps pour lui. Sans doute la rançon du succès : aujourd’hui chacun de ses lives pour Brut est suivi par plusieurs dizaines de milliers d’Internautes. Sur la page Facebook du média, son direct de la manifestation en soutien au jeune Théo, en février dernier, fut même visionné plus d’un million et demi de fois. Il assure pourtant garder la tête sur les épaules. « Au fond, ce n’est pas moi que les gens viennent voir mais l’actualité. »
Un nouveau journalisme
Pour certains, ses vidéos sont devenues un mode d’information privilégié. « Je rencontre des personnes qui disent avoir pris le réflexe d’aller chercher un live sur Facebook quand il y a une actualité. » Le direct reste toutefois complémentaire des autres sources d’information d’autant qu’en direct la moindre ambiguïté peut vite être la source de rumeurs. « Ce qui est malgré tout intéressant c’est que le live permet de montrer concrètement ce qui se passe et, parfois, de réfuter de fausses informations. Surtout qu’avec les réseaux sociaux celles-ci ont tendance à se répandre rapidement. »
Confiant dans l’avenir, il est convaincu que les médias sur les réseaux sociaux sont appelés à prendre de l’importance, notamment parce qu’ils créent une interaction nouvelle entre le média et son public « Je crois qu’il faut davantage impliquer les citoyens dans ce qu’on construit parce que, au fond, c’est pour eux que le journaliste fait son travail. »