En 2019, à Toul (Meurthe-et-Moselle), des swastikas et des slogans anti-islamiques sont tagués sur les murs de la mosquée. Une tête de cochon est également pendue devant la porte. Photo : Jean-Christophe Verhaegen/AFP
Tags racistes, têtes de porcs, incendies… Ces deux dernières années les attaques aux mosquées n’ont cessé de croître, aux quatre coins de la France.
Par Sellim ITTEL, Mathilde LAFARGUE, Fanny USKI-BILLIEUX
Quelques jours plus tard, un incendie criminel touche la mosquée de Maurepas à Rennes, puis celle de Rambouillet est également entièrement brûlée, début septembre. L’ensemble des mobiliers, des Corans et des livres de prière se sont consumés dans un gigantesque brasier.
« Si on constatait à l’origine surtout un phénomène de tags injurieux sur nos bâtisses, aujourd’hui on recense des tentatives d’incendie et même des cas d’attaques à balles réelles », rapporte Abdallah Zekri, président de l’Observatoire national de lutte contre l’islamophobie. Il s’alarme sur l’augmentation de ce modus operandi que privilégient des individus en lien avec l’extrême droite.
Une galaxie de structures d’extrême droite
Une mouvance en plein essor, en témoigne un rapport parlementaire, paru en novembre 2022. Le rapport dénonce une multiplication de projets d’attentats et une intensification des agressions violentes avec armes de la part d’individus se réclamant de l’extrême-droite.
C’est le groupuscule Génération identitaire qui a initié le mouvement avec l’occupation, en octobre 2012, du chantier de la mosquée de Poitiers. Après de nombreux actes de vandalisme islamophobe, il a été dissout en mars 2021. Mais l’organisation passe le flambeau à une galaxie de structures qui continuent leur activité, comme l’Action française ou encore l’Action directe identitaire.
Cette dernière s’est d’ailleurs illustrée en taguant à de nombreuses reprises, tout au long de l’année 2023, les murs de plusieurs mosquées de l’agglomération bordelaise. Et notamment plusieurs virées nocturnes début mars lors desquelles quatre mosquées ont été ciblées. C’est le cas de celle de Pessac qui a vu sa façade salie des inscriptions racistes « De Paris à Cenon, remigration », avant la prière du vendredi.
Quelques-unes des attaques depuis le début de l’année 2022. Vidéo : Sellim Ittel/EPJT
« Tous les ans, à partir de 2011, les données augmentent en moyenne de 10 à 15 % », précise Abdallah Zekri. Des chiffres qui seraient bien en deçà de la réalité puisqu’il estime que près d’un quart des représentants d’associations victimes d’actes islamophobes ne portent pas plainte.
Certains font malgré tout l’effort d’aller au commissariat, comme Mohamed Briwa, président de l’Association des musulmans d’Angers (AMA). La nouvelle mosquée, dont il porte le projet, a subi plusieurs dégradations ces dernières années : câbles électriques arrachés, tags racistes, vitres brisées… Fin novembre 2023 a été découvert sur la clôture de la future mosquée d’Angers l’inscription « justice pour Thomas » accompagnée de plusieurs portraits de l’adolescent tué à Crépol portant les mentions « Massacre de Français, stop ! Autodéfense ». Malgré les multiples plaintes déposées, les enquêtes policières n’aboutissent pas. Pour le plus grand désarroi de Mohamed Briwa.
Depuis le meurtre du jeune Thomas, le 19 novembre dernier, et au cours des deux derniers mois de l’année 2023, une recrudescence de tags islamophobes sur les lieux de culte a été constaté (une attaque tous les six jours au moins selon les chiffres du Collectif contre l’islamophobie en Europe). Le 25 novembre notamment, les murs de la mosquée de Cherbourg-en-Cotentin (Manche) étaient tagués des inscriptions « Mort aux bougnoules » pendant qu’une autre mosquée, à Valence (Drôme), recevait une lettre avec menace de mort, toujours en représailles du décès du jeune lycéen à Crépol.
Beaucoup de mosquées sont contraintes d’installer des systèmes de vidéosurveillance pour faire face, tant bien que mal, à ces attaques constantes. Abdallah Zekri pointe de son côté sans détour « un discours issu de la droite et de l’extrême-droite qui entretient ce climat-là » et « le silence de certains hommes politiques […] qui alimente une banalisation des actes antimusulmans. »
En attendant une réaction des politiques et de l’État, les actes islamophobes contre les mosquées sont devenus un passage obligé pour les communautés musulmanes.