Près du village de Tombongon, à Sabah, la déforestation est comme une cicatrice dans le paysage. Photo : Uwa Aranas.
Sur l’île d’Asie du Sud-Est, la production d’huile de palme entraîne déforestation et violations des droits humains. Avec la prise de conscience écologique et sociale, la situation commence à évoluer.
Par Bastien David
Cet article fait partie des enquêtes sur la forêt menées par les étudiants pour Magazin n° 2
Entre 2000 et 2018, les exploitations ont détruit 2,4 millions d’hectares de forêt ce qui représente 39 % de la déforestation de Bornéo durant cette période, d’après une étude du Center for International Forestry Research (CIFOR). L’huile de palme représente un quart de la consommation d’huile mondiale. Utilisée par l’industrie agroalimentaire, elle est présente partout : chips, pâtes à tartiner, sauces, biscuits, maquillage… L’Indonésie et la Malaisie en sont, de loin, les plus grands cultivateurs, avec près de 85 % de la production totale.
Une plantation vue de haut, avec des baraquements pour les employés et d’immenses étendues, typiques des palmeraies de Bornéo et très reconnaissables. Capture d’écran Google Maps.
Un modèle agricole dangereux et critiqué
Les associations de défense de l’environnement et des droits humains se mobilisent pour faire changer les choses. Reza Ami, docteur en sciences de l’environnement et fondateur de l’association Wild Asia, promeut ainsi des pratiques plus respectueuses de l’environnement, en incitant les producteurs à se débarrasser des engrais.
À la tête d’une équipe d’une cinquantaine de personnes, il s’est installé dans la région malaisienne de Sabah, au Nord de l’île, où d’immenses installations agricoles se sont développées, et éduque les locaux et les immigrés venus travailler dans les plantations.
« Nous aidons les petites et moyennes exploitations, qui représentaient, en 2016, 39 % de la production nationale, à obtenir des labels. La certification RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil) leur permet de vendre leur production à des marques qui n’utilisent que de l’huile de palme estampillée durable », explique-t-il.
Malgré les critiques d’une étude russe sur les effets limités de ces certifications, Wild Asia croit en l’utilité de son action : « Nous sommes une petite structure, qui travaille avec de petits exploitants. Les grosses plantations se contentent de nous ignorer. »
Les palmeraies continuent de gagner du terrain sur la forêt. Photo : T.R. Shankar Raman
Mais elles font aussi face à des conflits fonciers avec les nouveaux arrivants : les grands planteurs et les immigrés philippins et indonésiens, qui représentent de la main d’œuvre bon marché pour les exploitations agricoles.
Les expropriations frauduleuses sont monnaie courante afin d’acquérir des terres, pour y installer les gigantesques champs de palmiers à huile et les baraquements des travailleurs et de leurs familles. Sur les 3,9 millions d’habitants de la province, 1,2 million sont immigrés.
Des ONG et des activistes, comme la Malaisienne Harjinder Kler, dénoncent les nombreuses violations des droits humains, notamment le travail forcé, dont celui des enfants, et le manque de protection contre les pesticides.
Vers un développement durable ?
Pourtant, depuis 2007, la situation s’améliore. Les trois pays présents sur l’île, Brunei, l’Indonésie et la Malaisie, se sont associés dans la Heart of Borneo Initiative, pour protéger le cœur de la forêt tropicale.
La prise de conscience écologique pousse aussi les industries de transformation de l’huile de palme à modifier leurs pratiques. « Des géants comme L’Oréal ou Nestlé approuvent ces changements », sourit Reza Azmi.
Un partenariat aux conséquences plutôt bénéfiques. En 2019, à partir d’images satellites, le Cifor a démontré un ralentissement de la déforestation au cours des sept dernières années. Une tendance qui se confirme, puisque d’après une étude de février de l’organisation Chain Reaction Research (CRR), la contraction de l’économie mondiale en 2020, causée par la pandémie de Covid-19, a fait diminuer de 58 % la déforestation à Bornéo.
Bastien David
23 ans
Étudiant en journalisme à l’EPJT.
Passionné par l’histoire, la politique et la qualité de vie nantaise.
Passé par Sun Radio et Ouest-France. Bientôt à La Nouvelle République.
Se destine à la presse écrite print et web, dans la presse quotidienne régionale.