Facs pour tous, la fin d’un mythe

Noémie Lair, Apolline Merle et Nicolas Tavares

Facs pour tous, la fin d’un mythe

Facs pour tous, la fin d’un mythe

Noémie Lair, Apolline Merle et Nicolas Tavares
15 février 2016

À la rentrée 2015, quelques 300 000 nouveaux étudiants ont rejoint les bancs des universités, soit 65 000 de plus que l’an passé. Conséquence, elles ont du mal à accueillir tous les bacheliers. Pour faire face à cette vague d’inscriptions, certaines ont décidé d’instaurer une sélection. Le gouvernement, lui, encourage la poursuite d’études mais sans accorder les moyens suffisants. Des contradictions qui fragilisent tout un système.

L'université victime de son succès

Jusqu'en 2022, 121 200 étudiants supplémentaires sont attendus à l'université.

Deux semaines de vacances supplémentaires, tout le monde en rêve. Les étudiants en sciences et techniques des activités sportives et physiques (Staps) de Clermont-Ferrand, en gardent eux un mauvais souvenir. Lors de la rentrée 2015, l’équipe pédagogique a démissionné pour protester contre la dégradation des conditions d’enseignement et le manque de moyens. L’université avait déjà cherché à diminuer le nombre de ses étudiants en refusant les titulaires de baccalauréats professionnels. Cela n’a pas suffi, il y avait foule dans les amphis dès la première année (L1). Pour couronner le tout, « certains de ceux qui avaient été refusés assistaient quand même aux cours pour montrer qu’ils étaient motivés et essayer de récupérer une place », témoigne Luca, 18 ans, en L1 de Staps.

Une situation qui n’est pas unique en France. À Dijon, la filière sportive de l’université de Bourgogne, victime de son succès, souffre des mêmes symptômes. Pour suivre un cours, Antoine a dû « s’asseoir par terre, dos au tableau ». Il a préféré quitter la salle. « Il y a des limites », s’indigne-t-il.

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La moitié des étudiants se répartissent sur seulement quatre filières : droit, psychologie, médecine et Staps.
 

À la rentrée 2015, le ministère de l’Enseignement supérieur recensait 2,5 millions d’étudiants, dont plus de 1,5 million inscrits en facultés. « Presque la moitié sont inscrits sur quatre sections : droit, psychologie, médecine et Staps », précise Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Ce qui explique les difficultés de Dijon et de Clermont-Ferrand. Toute filière confondue, « on prévoit une augmentation de 50 000 nouveaux étudiants par an », ajoute Thierry Mandon. Soit une hausse de 9 % d’ici 2022. Les amphis ne sont donc pas prêts de se vider.

Des objectifs, pas de moyens

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Entre 1995 et 2010, le nombre de naissances à augmenté de façon importante. Les premières cohortes arrivent à l'université qui est déjà submergée. Pourtant, ce n'est que le début.

Dessin : Laurence Merle.

 

Entre 1995 et 2010, le nombre de naissances par an s’accroît assez régulièrement. Il passe en effet de 729 609 en 1995, première année de hausse importante, à 802 224 en 2010. Le primaire, le collège et le lycée ont  dû, chacun leur tour, faire face à cette augmentation importante. Résultat, le nombre d’enfants par classe en moyenne a augmenté dans toutes les catégories d’établissement. L’université est touchée à son tour.

Ce n’est qu’un début. La suite promet d’être redoutable. D’autant que, dans le même temps, les politiques volontaristes en matière d’Education nationale ont largement porté leurs fruits. En 1985, Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’Éducation nationale, fixe comme objectif d’amener au moins 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat. En 2006, l’objectif est atteint. Une fois le bac obtenu, les lauréats tentent naturellement de poursuivre leurs études, à l’université notamment.

Mais celle-ci n’est pas prête à les accueillir. Et les nouveaux objectifs définis par le président de la République n’arrangent pas la situation. En effet, François Hollande, lors d’un discours à l’université de Saclay (Essonne), le 17 septembre dernier, a exprimé le souhait d’amener 60 % d’une classe d’âge au niveau licence. Objectif louable à condition que des moyens importants soient dégagés. Or, pour la plupart des présidents d’université, le budget de l’Enseignement supérieur n’est pas à la hauteur. Résultats : amphis surchargés, infrastructures obsolètes et manque d’enseignants. Parfois, ce ne sont pas uniquement les mauvaises conditions de travail des étudiants qui sont en cause, c’est leur sécurité. «Si on doit évacuer une salle accueillant beaucoup plus d’élèves qu’elle ne le devrait, les risques de mouvements de panique sont beaucoup plus importants », explique Éric Beaudoin, sapeur-pompier au Centre de secours de Blois.

J’ai donné un cours de boxe à la cafétéria

Cette année, 840 étudiants de L1 Staps ont rejoint l’université de Rouen. Ils n’étaient que 700 l’an passé. Plusieurs semaines après la rentrée universitaire de septembre, les jeunes sont encore collés les uns aux autres dans des salles de cours inadaptées, parfois à trois sur des tables de deux. « On se serre et on ajoute des chaises », admet Ludovic Baudry, enseignant-chercheur. Dans les amphithéâtres, les places assises valent cher, certains étudiants doivent assister aux cours assis par terre. Dans son bureau au fond du bâtiment préfabriqué de la direction, Xavier Baguelin, professeur d’EPS, le reconnaît : « Nous manquons de place. Alors nous essayons de trouver d’autres lieux pour pratiquer les activités sportives. » Problème, ceux-ci ne sont pas forcément équipés. Il faut donc acheter du matériel supplémentaire. « Aujourd’hui, mon budget de fonctionnement est presque épuisé. » Alors qu’on est seulement quelques semaines après la rentrée. Si le nombre d’enseignants et de salles reste le même, plus les élèves sont nombreux, plus le temps de pratique est réduit et plus les différences de niveau entre eux sont importantes. « Cela joue sur la qualité du cours », regrette-t-il.

Une situation délicate pour les étudiants mais aussi pour le personnel. « Je suis obligée de mettre des cours de Staps dans d’autres locaux, précise Évelyne Ancelot, responsable du service scolarité. Le plus souvent, ils sont délocalisés à l’unité de formation et de recherches (UFR) de Lettres, qui est à une centaine de mètres de celui des Staps. » Un moindre mal. Antoine Bisson, en sept ans d’enseignement, en a vu d’autres. « Il y a deux ans, j’ai donné un cours de boxe à la cafétéria. Nous n’avions plus de locaux. »

Sur Internet aussi, on s’active pour dénoncer le manque de place dans les amphis. L’Union nationale des étudiants de France (Unef) et l’Union nationale lycéenne (UNL) ont lancé le blog « Ma salle de cours va craquer ». Les étudiants y postent des photos de leurs salles surchargées, des files d’attente pour entrer dans les amphithéâtres et des affiches informant du report de la rentrée. Le gouvernement a annoncé un coup de pouce de 165 millions d’euros pour le budget 2016 des universités. Insuffisant pour les syndicats. D’autant qu’en 2015, les universités ont vu leur budget ponctionné de 100 millions d’euros. Syndicats et étudiants se sont rassemblés lors de deux manifestations, les 8 et 16 octobre derniers, pour faire entendre leurs voix.

La question budgétaire fait aussi réagir les acteurs politiques. Nathalie Kosciusko-Morizet, alors vice-présidente du parti Les Républicains, s’est dite, dans les colonnes du Figaro, favorable à l’augmentation des frais d’inscription universitaire pour combler une partie du manque de moyens. Une proposition balayée par Thierry Mandon : « Augmenter les droits d’inscription équivaut à empêcher les couches les plus fragiles de poursuivre leurs études. » En réalité, les étudiants boursiers sont exonérés des droits d’inscription. Cette mesure toucherait surtout les classes moyennes déjà pressurées.

Souriez, vous êtes triés

Partout en France les étudiants de STAPS ont manifesté contre les conditions d'études et le tirage au sort. Photo STAPSenPERIL

« Le premier cycle est ouvert à tous les titulaires du baccalauréat. » L’article L. 612-3 du code de l’Éducation qui ouvre les portes de l’université à tous les titulaires du baccalauréat est formel sur ce point. Ce qui n’empêche pas les trois quarts des universités de sélectionner les étudiants à l’entrée de la licence si on en croit l’Unef. En tête des universités mises sur la sellette : Paris-Sorbonne. Une accusation rejetée par son président, Barthélémy Jobert. « Les cursus pointés du doigt concernent notamment des formations où il est nécessaire de maîtriser certaines compétences avant d’y accéder. »

Par exemple, pour intégrer le cursus sciences-allemand, un étudiant doit au minimum disposer d’un baccalauréat scientifique et avoir un certain niveau d’allemand. Ce n’est pas stricto sensu de la sélection même si la formation n’est logiquement pas ouverte à tous les étudiants. La question se pose également pour l’entrée à la faculté de musicologie de Tours.

Cela dit, si on dénonce la sélection, celle-ci est-elle punie par la loi ? D’après Me Florent Verdier, spécialiste en droit étudiant « la sélection est légale uniquement lorsque la capacité d’accueil d’une université est dépassée ». Quand le nombre d’étudiants est trop important par rapport aux structures prévues, un président d’université peut décider de ne pas accepter toutes les demandes. « Mais une faculté qui sélectionnerait pour un autre motif ne risquerait pas grand-chose. »

Même si le risque est faible, certaines universités préfèrent avancer masquées. C’est ce que dénonce Cassandre Bliot, responsable du dossier de l’Unef paru en juillet 2015. Toujours selon le syndicat, en France, 37 des 50 filières de Staps pratiquent un tirage au sort, restreignent leur capacité d’accueil ou choisissent les étudiants en fonction de leur académie et de la position de leur vœu sur le site d’orientation Admission post-bac (APB). Ce dernier permet aux lycéens de proposer leur candidature aux établissements de l’enseignement supérieur. Les futurs étudiants classent ensuite leurs vœux selon leurs préférences. Si leur premier choix est refusé, le second le remplacera. Ils étudieront dans l’établissement placé le plus haut dans leur classement et qui les aura acceptés.

Un budget en hausse de 165 millions d’euros pour 2016

L’université de Bourgogne a limité sa capacité d’accueil en recrutant seulement les étudiants ayant placé la filière Staps dès le départ en vœu 1 sur APB et domiciliés dans l’académie : « Cela nous évite de sélectionner par tirage au sort », explique Stéphanie Grayot-Dirx, la vice-présidente. Une décision en phase avec l’avis de Thierry Mandon : « Le tirage au sort est la pire et la plus absurde des sélections car elle ne se base sur aucun critère objectif. » Damien, étudiant de L1 Staps, l’a appris à ses dépens. Originaire d’Angoulême, il a essuyé neuf refus à cause d’un système de tirage au sort. Aujourd’hui, il doit poursuivre ses études à Rouen, soit à plus de 500 kilomètres de chez lui.

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Pour faire face à l'afflux croissant de bacheliers, certaines universités ont mis en place un tirage au sort. Un mode de sélection absurde.

Dessin : Bernard Brenot.

L’UFR de Staps de Montpellier autorise le tirage au sort depuis trois ans. Mais son doyen Didier Delignières, affirme, lui, ne pas y avoir recours grâce aux désistements. « Entre ceux qui n’ont pas le bac, ceux qui changent d’avis, j’arrive à prendre à tout le monde. » L’université a tout de même dû mettre en place des cours entre midi et deux heures, les soirs et les samedis.

Les problèmes du monde universitaire ont poussé le gouvernement à débloquer 165 millions d’euros pour son budget 2016. « Cela va nous permettre de donner un peu plus de moyens aux universités et particulièrement à celles qui ont le plus de difficultés », affirme Thierry Mandon. Un coup de pouce inadapté compte tenu de la situation estime Didier Delignières : « ce ne sont pas de millions dont a besoin l’enseignement supérieur mais d’anticipation. » Sans doute, mais qui va refuser ces millions…

De nombreuses universités parviennent encore à résister à la sélection, mais pour combien de temps ? À Toulouse, la filière des sciences fondamentales et appliquées (SFA) accueille tous les candidats. « Pour le moment, nous n’avons pas limité notre capacité d’accueil. Mais cette année, nous avons environ 300 étudiants supplémentaires. Nous approchons de notre maximum », craint Vincent Paillard, professeur des universités. Même combat à Angers où l’on essaie de résoudre le problème de sureffectif autrement que par la sélection. « L’amphi est rarement plein car nos cours sont mis en direct sur Internet. Certains étudiants décident de rester chez eux », explique Oksana, en première année de médecine à Angers. Une pédagogie high tech sans précédent.

Le pari de l’orientation active

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Principale inquiétude des étudiants : le manque de moyen et le tirage au sort.

Photo : STAPSenPERIL

On le voit, si les facultés font face aux mêmes problèmes, elles ne proposent pas toutes les mêmes solutions. L’équipe pédagogique de l’université de Rouen est de celles qui refusent de sélectionner ses étudiants. Elle souhaite donner une chance à tous les lycéens. Sa solution : l’orientation active. Ce système a été mis en place en 2014 et comporte deux étapes. « Avant que les étudiants s’inscrivent, nous organisons un forum et diffusons sur notre site internet un film afin de leur montrer que la filière Staps n’est pas un club de sport », explique David Leroy, le président de l’UFR.

Pendant les trois semaines qui suivent la rentrée, les étudiants assistent à des cours de sociologie, de physiologie et de psychologie. « À la fin de cette période, nous organisons des tests qui nous servent d’examens et permettent à l’étudiant d’évaluer son niveau », poursuit-il. En fonction des résultats obtenus, du tutorat peut être proposé, tout comme des conseils de réorientation. « Après cet examen, 10 étudiants se sont désinscrits. Les abandons, eux, ne seront confirmés qu’à la fin du premier semestre », détaille Évelyne Ancelot.

L’échec en première année est à relativiser si on en croit Loïc Mayer, vice-président étudiant de l’université de Rouen. « À leur rentrée à l’université, les étudiants n’ont pas toujours un projet professionnel déterminé. Ils ont le droit de se tromper et de se rendre compte que la filière choisie ne leur convient pas. » Les résultats scolaires de l’an passé prouvent l’efficacité de la démarche. « En 2013-2014, 45 % des étudiants de première année sont passés en deuxième année. Ils n’étaient qu’un tiers les années précédentes », estime David Leroy. Un chiffre en hausse, mais surtout supérieur à la moyenne nationale qui est de 35 %.

L'orientation pointée du doigt

Avec les sélections, la concurrence pourrait gagner les rangs des jeunes avant même l’entrée en licence.

À cours de moyens, les acteurs du milieu universitaire ne sont cependant pas à cours d’idées. Laurent Beauvais, président de l’Association nationale des étudiants en Staps (Anestaps) demande au gouvernement de « mettre en place des aides à la mobilité afin de répartir les étudiants sur tout le territoire ». En attendant qu’une telle aide voit le jour, à Dijon, on a d’ores et déjà choisi de développer des antennes de l’université : « La licence sciences de l’éducation est très chargée. Nous ouvrirons une filière équivalente à Nevers à la rentrée prochaine pour pouvoir accueillir plus d’étudiants », annonce Stéphanie Grayot-Dirx. Cette solution n’est cependant pas privilégiée pour le moment par le gouvernement. « Il ne faut pas s’interdire d’avoir recours à des créations d’universités, précise Thierry Mandon. Mais la priorité est davantage donnée à l’augmentation de la capacité d’accueil de celles existantes. »

L’université pour tous ? Une boucherie pédagogique

Accueillir plus d’étudiants, le président de Paris-Descartes, Frédéric Dardel, affirme ne plus en être capable. Il définit l’entrée pour tous à l’université comme « une boucherie pédagogique ». Depuis 2010, « un étudiant sur cinq en médecine n’est pas issu d’un baccalauréat scientifique. Aucun n’obtient son année. Sans ces étudiants-là, on respirerait davantage. » Loïc Vaillant, président de l’université François-Rabelais à Tours, est lui aussi favorable à une orientation renforcée : «  Il faudrait un système où un élève issu d’un bac S ne pourrait s’inscrire qu’en droit ou en sciences, celui avec un bac L en sciences humaines, langues, etc. Mais pour cela, il faudrait aussi changer la loi… »

Pour les présidents d’université, la première cause des dysfonctionnements de l’université est donc l’orientation. C’est d’ailleurs sur cet axe que veut travailler le gouvernement. Selon celui-ci, les titulaires d’un bac professionnel ou technologique échouent massivement en première année de licence avec respectivement 97 % et 83 % d’échec. Thierry Mandon envisage alors de les diriger plutôt vers un brevet de technicien supérieur (BTS) ou un diplôme universitaire de technologie (DUT). Les portes de l’université ne leur sont pas fermées pour autant puisque le secrétaire d’État souhaite ensuite faciliter leur intégration au sein « d’un cycle universitaire classique ».

Aujourd’hui, le milieu universitaire semble être dans l’impasse. Les facultés se battent pour accueillir tous les étudiants, mais face à un afflux qui ne fait que croître, beaucoup sont dépassées et ont recours à la sélection. Une pratique que certains présidents d’université voudraient rendre institutionnelle. Même si cela implique d’aller à l’encontre de la tradition française qui garantit une entrée en premier cycle à tous les bacheliers. Et si le bac n’était plus le sésame pour entrer à l’université, à quoi pourrait-il servir ? Quoi qu’il en soit, offrir de bonnes conditions d’enseignement à la jeunesse de demain, tel est le défi du gouvernement dès aujourd’hui.

« Mettre le paquet sur l’orientation »

Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a obtenu une augmentation de 165 millions d'euros pour le budget universitaire 2016. Photo : MENESR/XR.

Nous avons interpellé Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, sur la question de la sélection à l’université. Il a bien voulu répondre à nos questions.

Thierry Mandon a succédé à Geneviève Fioraso au poste de secrétaire d’État chargé de l’Enseignement supérieur en juin 2015. Alors que François Hollande a fait de la jeunesse une priorité, Thierry Mandon doit résoudre le casse-tête universitaire. Syndicats et étudiants ont manifesté leur colère les 8 et 16 octobre 2015 contre les mauvaises conditions d’enseignement. Les enseignants remettent ça le 26 janvier. Face à ces mouvements, le ministre promet de favoriser une meilleure orientation des bacheliers.

Quels sont les projets du gouvernement pour faire face à l’augmentation du nombre d’étudiants ?

Nous avons proposé une hausse de 165 millions d’euros pour le budget universitaire 2016. Cela va nous permettre de donner un peu plus de moyens aux universités et particulièrement à celles qui ont le plus de difficultés. Créer des universités de proximité fait également partie des solutions envisagées. Mais il est préférable de privilégier l’augmentation de la capacité d’accueil des universités existantes. Surtout, nous voulons améliorer l’augmentation des lycéens.

Certains présidents d’université dénoncent d’ailleurs une mauvaise orientation au lycée. Qu’en pensez-vous ?

Nous voulons mettre le paquet sur l’orientation. D’abord par une mise à jour du site Admission Post-Bac (APB). Il ne contient pas assez d’informations pour les futurs étudiants. Nous voulons aussi mettre en place, dans les lycées, un vrai travail d’orientation avec des personnes de l’université qui viendraient expliquer la nature des cours et des parcours. L’idéal serait de proposer aux lycéens un entretien individuel d’une heure avant leur inscription à la faculté. Cela leur permettrait de poser des questions et d’obtenir des conseils. Le passage du lycée à l’université doit être beaucoup mieux organisé et l’étudiant doit être davantage accompagné qu’aujourd’hui. Nous constatons qu’un étudiant diplômé d’un baccalauréat professionnel qui poursuit ses études à l’université échoue en moyenne à 97 % la première année. Ce pourcentage diminue pour les bacs technologiques mais atteint tout de même 83 %. Notre volonté est de diriger davantage ces étudiants vers un BTS ou un IUT et, qu’une fois le diplôme en poche, ils puissent rejoindre, plus facilement qu’aujourd’hui, un cycle universitaire classique.

Dans Le Figaro du 2 octobre dernier, Nathalie Kosciusko-Morizet, alors vice-présidente du parti Les Républicains, s’est dite favorable à l’augmentation des frais d’inscription à l’entrée à l’université pour combler le manque de moyens. Qu’en pensez-vous ?

Je ne suis absolument pas d’accord. Les pays nordiques, qui ne pratiquent pas la sélection, ont aussi des politiques de droits d’inscription très faibles. Au Danemark, ils ne coûtent rien et il y a même une bourse pour tous les étudiants, quelles ques soient leurs conditions sociales. Si on décide d’augmenter les droits d’inscription, par définition, on empêche les couches les plus fragiles de poursuivre leurs études.

De plus en plus d’universités pratiquent le tirage au sort pour faire face à l’afflux d’étudiants.

C’est la pire et la plus absurde des sélections car elle ne se base sur aucun critère objectif. Notre volonté n’est pas de dissuader les étudiants ni d’en restreindre le nombre. Il faut trouver le moyen de faire du nombre, c’est-à-dire accueillir largement, tout en proposant un enseignement de qualité.

Est-ce qu’à terme on peut envisager une sélection à l’entrée de l’université ?

L’imaginer oui. Mais la position du gouvernement est de dire qu’à partir du moment où un lycéen a obtenu son baccalauréat, il peut poursuivre ses études dans l’enseignement supérieur. Et c’est ce modèle qu’on veut consolider. L’accès large à l’université après le diplôme du secondaire est quelque chose d’assez classique en Europe. Mais pour qu’il fonctionne, il faut une orientation beaucoup plus active pour inciter les futurs étudiants à aller dans les filières auxquelles ils sont préparées. Par ailleurs, le numérique fera sûrement évoluer les choses dans les cinq prochaines années. Cela va ouvrir de nouvelles possibilités d’accueil des étudiants avec des programmes de qualité et plus de facilité. Selon une étude de l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), un diplômé de l’enseignement supérieur rapporte entre 70 000 et 80 000 euros à la France.  Je ne vois donc pas pourquoi nous chercherions à diminuer le nombre d’étudiants.