« Mettre le paquet sur l’orientation »

Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a obtenu une augmentation de 165 millions d’euros pour le budget universitaire 2016. Photo : MENESR/XR.

Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a obtenu une augmentation de 165 millions d’euros pour le budget universitaire 2016. Photo : MENESR/XR.

Recueilli par Noémie Lair, Apolline Merle et Nicolas Tavares

Thierry Mandon a succédé à Geneviève Fioraso au poste de secrétaire d’État chargé de l’Enseignement supérieur en juin 2015. Alors que François Hollande a fait de la jeunesse une priorité, Thierry Mandon doit résoudre le casse-tête universitaire. Syndicats et étudiants ont manifesté leur colère les 8 et 16 octobre 2015 contre les mauvaises conditions d’enseignement. Les enseignants remettent ça le 26 janvier. Face à ces mouvements, le ministre promet de favoriser une meilleure orientation des bacheliers.

Quels sont les projets du gouvernement pour faire face à l’augmentation du nombre d’étudiants ?

Nous avons proposé une hausse de 165 millions d’euros pour le budget universitaire 2016. Cela va nous permettre de donner un peu plus de moyens aux universités et particulièrement à celles qui ont le plus de difficultés. Créer des universités de proximité fait également partie des solutions envisagées. Mais il est préférable de privilégier l’augmentation de la capacité d’accueil des universités existantes. Surtout, nous voulons améliorer l’augmentation des lycéens.

Certains présidents d’université dénoncent d’ailleurs une mauvaise orientation au lycée. Qu’en pensez-vous ?

Nous voulons mettre le paquet sur l’orientation. D’abord par une mise à jour du site Admission Post-Bac (APB). Il ne contient pas assez d’informations pour les futurs étudiants. Nous voulons aussi mettre en place, dans les lycées, un vrai travail d’orientation avec des personnes de l’université qui viendraient expliquer la nature des cours et des parcours. L’idéal serait de proposer aux lycéens un entretien individuel d’une heure avant leur inscription à la faculté. Cela leur permettrait de poser des questions et d’obtenir des conseils. Le passage du lycée à l’université doit être beaucoup mieux organisé et l’étudiant doit être davantage accompagné qu’aujourd’hui. Nous constatons qu’un étudiant diplômé d’un baccalauréat professionnel qui poursuit ses études à l’université échoue en moyenne à 97 % la première année. Ce pourcentage diminue pour les bacs technologiques mais atteint tout de même 83 %. Notre volonté est de diriger davantage ces étudiants vers un BTS ou un IUT et, qu’une fois le diplôme en poche, ils puissent rejoindre, plus facilement qu’aujourd’hui, un cycle universitaire classique.

Dans Le Figaro du 2 octobre dernier, Nathalie Kosciusko-Morizet, alors vice-présidente du parti Les Républicains, s’est dite favorable à l’augmentation des frais d’inscription à l’entrée à l’université pour combler le manque de moyens. Qu’en pensez-vous ?

Je ne suis absolument pas d’accord. Les pays nordiques, qui ne pratiquent pas la sélection, ont aussi des politiques de droits d’inscription très faibles. Au Danemark, ils ne coûtent rien et il y a même une bourse pour tous les étudiants, quelles ques soient leurs conditions sociales. Si on décide d’augmenter les droits d’inscription, par définition, on empêche les couches les plus fragiles de poursuivre leurs études.

De plus en plus d’universités pratiquent le tirage au sort pour faire face à l’afflux d’étudiants.

C’est la pire et la plus absurde des sélections car elle ne se base sur aucun critère objectif. Notre volonté n’est pas de dissuader les étudiants ni d’en restreindre le nombre. Il faut trouver le moyen de faire du nombre, c’est-à-dire accueillir largement, tout en proposant un enseignement de qualité.

Est-ce qu’à terme on peut envisager une sélection à l’entrée de l’université ?

L’imaginer oui. Mais la position du gouvernement est de dire qu’à partir du moment où un lycéen a obtenu son baccalauréat, il peut poursuivre ses études dans l’enseignement supérieur. Et c’est ce modèle qu’on veut consolider. L’accès large à l’université après le diplôme du secondaire est quelque chose d’assez classique en Europe. Mais pour qu’il fonctionne, il faut une orientation beaucoup plus active pour inciter les futurs étudiants à aller dans les filières auxquelles ils sont préparées. Par ailleurs, le numérique fera sûrement évoluer les choses dans les cinq prochaines années. Cela va ouvrir de nouvelles possibilités d’accueil des étudiants avec des programmes de qualité et plus de facilité. Selon une étude de l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), un diplômé de l’enseignement supérieur rapporte entre 70 000 et 80 000 euros à la France.  Je ne vois donc pas pourquoi nous chercherions à diminuer le nombre d’étudiants.