VIH

Une souffrance silencieuse

Plus de 1 personne sur 300 est atteinte du VIH, selon les chiffres recensés par le Secrétariat exécutif national de lutte contre le Sida de Mauritanie. Photo : Lou Attard/EPJT

En Mauritanie, la prévalence du VIH atteint les 9% chez les travailleurs du sexe et les homosexuels contre 0,27% pour la population générale, en 2023, selon l’ONUSIDA. Des populations qui restent stigmatisées dans cette République islamique. Une mise à l’écart dont Amadou, 20 ans et atteint du VIH, vit quotidiennement.

Par Lou Attard

Depuis quatre ans, Amadou* se rend tous les jours dans les plus belles maisons de Nouakchott. Il y fait le ménage et cuisine pour ses employeurs. Des endroits luxueux, loin du cadre du quartier d’Arafat, à l’est de Nouakchott, et de la bâtisse en béton gris où il va chercher son traitement antiviral, loin des regards.

Il aurait préféré être avocat « pour aider les pauvres, ceux qui n’ont pas les moyens de se défendre ». A 20 ans, Amadou raconte : « Je travaille chez les gens mais je ressens beaucoup de solitude. Quand je rentre le soir, je suis seul, je mange seul et je me lève seul. » Mais il ne se voit pas faire autre chose. Ce travail, il en a besoin pour aider financièrement sa famille, au Mali.

Alors il reste discret au travail, ne fait pas de vague et fait ce qu’on lui demande. Quand il commence à faire le ménage chez les plus riches de Nouakchott, il a 17 ans. Le fils de ses premiers employeurs tente de le violer. Alors qu’Amadou se débat, il lui propose 38 ouguiyas, moins de 1 euro, contre un rapport sexuel. Amadou accepte. Pendant plusieurs mois, il continue d’accepter l’argent du fils, de peur d’être renvoyé de son travail. Amadou décide finalement de partir pour une autre maison. Depuis, il continue de se prostituer. « Je ne tire aucun plaisir des rapports sexuels que j’ai. Je le fais pour sortir de cette pauvreté, explique-t-il. Les gens me payent 400 ouguiyas [soit un peu moins de 10 euros] pour une nuit. Parfois, ils me payent moins. »

Peur d’aller à l’hôpital

Pendant un temps, il réussit à allier les moments avec ses clients – quatre par nuit en ce moment – et la journée dans les maisons. Mais l’été dernier, il ressent de fortes douleurs au ventre et saigne abondamment de la région anale. Il arrive à peine à tenir debout au travail. Amadou fait des recherches sur internet. Il y a peu de doute : c’est le VIH. « J’avais peur d’aller à l’hôpital, assure-t-il. Je sais comment sont traitées les personnes séropositives qui ont des relations avec des hommes. »

En Mauritanie, le code pénal punit tout « acte contre nature avec un individu de son sexe » de la peine de mort. Amadou prend contact avec l’association SOS Pairs Éducateurs et se fait dépister avec d’autres travailleurs du sexe qu’il appelle ses collègues. Peu surpris par le résultat, il le garde pour lui et n’en parle pas à sa famille. « S’ils l’apprennent, je serai seul pour toujours », dit-il, triste.

Comme Amadou, 88 autres personnes vivant avec le VIH sont rattachées à l’unité de prise en charge de Pairs Éducateurs. Une aide spécifique approuvée par l’État depuis un an. « L’association fournit les médicaments, des préservatifs, un suivi médical et un soutien psychologique, explique Djibril Sy, un des fondateurs et président de l’association depuis 2013. Dans le service public, ces personnes sont stigmatisées et finissent par être malades dans le secret. »

Pionnière dans la lutte contre le sida en Mauritanie, SOS Pairs Éducateurs emploie une dizaine d’agents communautaires pour s’occuper des personnes séropositives. Ils sont répartis à Nouakchott, Nouadhibou, sur la côte atlantique, et Rosso, au sud du pays, à la frontière avec le Sénégal. Certains d’entre eux n’hésitent pas à ouvrir leur porte aux personnes vivant avec le VIH. « Ça m’apporte un peu d’intimité et de calme », confie Amadou qui se rend quasi quotidiennement chez un des agents communautaires.

(*) Le prénom a été modifié.