“Un engagement pour ne pas être juste une victime”

Illustration Coline Poiret/EPJT

Si elle s’est affichée à moitié nue sur les murs du Printemps de Tours, c’est pour donner de l’espoir. Céline Baillou est une combattante qui est revenue de la guerre du cancer. Pour inciter les femmes à se faire dépister et à se battre, elle témoigne : on peut avoir un cancer du sein, le vaincre et garder sa féminité.

Recueilli par Coline Poiret

Céline Baillou devant une partie de  l’exposition au café du Printemps, à l’occasion d’Octobre rose. Photo : Coline Poiret/EPJT

Elle pose, souriante, devant des photos de femmes dénudées pour montrer la réalité de leur combat face au cancer du sein, dans un rayon hautement symbolique du magasin du Printemps : celui de la lingerie. Ces photos ont été réalisées par un kinésithérapeute, Jacques Cohen, pour participer au mois de sensibilisation pour la lutte contre le cancer du sein, Octobre rose. Elle-même a pris la pose et c’est sa photo qui a participé à la finale du Estée Lauder Pink Ribbon Photo Award.

Cette sérénité, Céline Baillou s’est battue pour la retrouver. En décembre 2019, on lui diagnostique un cancer du sein. En avril 2021, elle a été déclarée en rémission, sans traitement. Elle a pu reprendre son activité en tant que salariée dans le secteur des télécommunications. Si elle témoigne aujourd’hui, c’est pour inciter les femmes à se faire dépister et à se soigner.

Comment avez-vous rencontré Jacques Cohen, le photographe qui a réalisé cette exposition ?

Céline Baillou.  Jacques est mon kinésithérapeute. La photographie a toujours été une passion pour lui. Lors d’une séance, il m’a demandé si j’étais investie dans des associations pour la lutte contre le cancer du sein. Il voulait proposer un projet photographique pour Octobre rose. De mon côté, j’avais à cœur de sensibiliser les salariés de mon entreprise sur cette maladie. Ça a matché.

Vous avez donc développé ce projet d’exposition à deux. Quelle était votre intention ?

C. B. Pour mes camarades comme pour moi, ces photos répondent à un besoin : celui de nous réapproprier nos corps et de témoigner de notre combat, lors de nos soins notamment. Nous sommes partis de l’idée de Jacques qui était de me prendre comme unique modèle. Et puis, nous avons ouvert le projet à d’autres personnes. Jacques a recruté des patientes et moi des copines de chimiothérapie (rires). Nous avons regroupé neuf femmes et un homme (qui se bat contre un cancer des testicules, NDLR). Puis Jacques a voulu prendre en photo des soignants. J’ai été touchée par cette idée. J’ai fait tout mon possible pour qu’il puisse venir faire des prises de vue dans le service d’oncologie du CHRU Bretonneau de Tours. Ce sont nos infirmiers et nos aides-soignants qui sont sur les clichés.

Cette exposition, était-ce une façon de vous reconstruire après une telle épreuve ?

C. B. J’ai échangé avec les autres modèles, au moment des séances photos. Cela m’a aidé à retrouver confiance en moi. Le regard de Jacques a également été une thérapie. Je me suis sentie de nouveau féminine. Il a réussi à mettre en avant des atouts de mon corps que je ne voyais plus, comme mes jambes ou mes yeux. Cependant, pour les expositions, j’étais plus réticente. A l’idée d’être vue nue, par mes proches, j’ai vraiment eu un élan de doute. Jusque là, j’avais réussi à faire illusion avec ma prothèse et là, je montrais la réalité. C’était violent. Mais j’ai pensé à ma bataille, pour moi et pour les autres. Si j’ai réussi à encourager des femmes à aller se faire dépister alors j’ai gagné mon combat.

« Si j’ai réussi à encourager des femmes à aller se faire dépister alors j’ai gagné mon combat »

Cette exposition, était-ce une façon de vous reconstruire après une telle épreuve ?

C. B. J’ai échangé avec les autres modèles, au moment des séances photos. Cela m’a aidé à retrouver confiance en moi. Le regard de Jacques a également été une thérapie. Je me suis sentie de nouveau féminine. Il a réussi à mettre en avant des atouts de mon corps que je ne voyais plus, comme mes jambes ou mes yeux. Cependant, pour les expositions, j’étais plus réticente. A l’idée d’être vue nue, par mes proches, j’ai vraiment eu un élan de doute. Jusque là, j’avais réussi à faire illusion avec ma prothèse et là, je montrais la réalité. C’était violent. Mais j’ai pensé à ma bataille, pour moi et pour les autres. Si j’ai réussi à encourager des femmes à aller se faire dépister alors j’ai gagné mon combat.

« Combattante », « bataille », « lutte »… vos mots sont forts.

C. B. On flirte avec la mort. On a plein d’incertitudes. Est-ce qu’on va supporter les traitements ? Est-ce qu’ils vont être efficaces ? Est-ce qu’on va mourir ? Toutes ces questions en suspens, c’est une épreuve dans la maladie. On avance pas à pas, on est toujours sur le fil. C’est vraiment un combat. On est tellement diminuées par les traitements, qu’il faut s’armer de courage et se battre chaque jour pour s’en sortir. C’est une lutte qui nous marque physiquement et moralement. On perd notre féminité, nos cheveux, nos sourcils, nos cils, la peau est abîmée et on perd un sein. Ça mérite des mots forts. Oui, c’est un engagement pour ne pas être simplement une victime mais plutôt témoigner en utilisant le bon champ lexical. Cette exposition, c’est aussi l’occasion de transmettre par l’image.

Cette photo qui a été sélectionnée pour la finale du Estée Lauder Pink Ribbon Photo Award, un concours organisé dans le cadre d’Octobre rose. Elle a été exposée au pont d’Iéna à Paris. Cette année, le concours avait pour thème « La gratitude ». Photo : Jacques Cohen

En parallèle de ce projet, Jacques Cohen et vous faites parti des 40 sélectionnés du prix organisé par Octobre rose, Estée Lauder Pink Ribbon Photo Award. Finalement, votre envie de témoigner et de sensibiliser a dépassé votre « élan de doute » ?

C. B. J’ai accepté car c’était un concours pour Octobre rose. Et c’était surtout l’occasion pour Jacques d’exister en tant que photographe. Je croyais en lui. C’était une reconnaissance pour l’aide qu’il m’a apportée.

Le thème de ce concours cette année était « La gratitude », c’est ce que vous avez ressenti en vivant cette aventure ?

C. B. Oui ! (rires) J’ai parlé de combat. Mais si j’ai trouvé la force de me relever après l’annonce de la maladie et de supporter les traitements, c’est grâce à mes proches qui ont été là et qui me soutiennent encore. Entourée, je vole et je me sens légère, portée par l’amour et la force que mon entourage me transmet pour sortir de la maladie et de la souffrance.

Coline Poiret

21 ans
Étudiante en journalisme à l’EPJT
Passée par Le Poulpe et le Journal des Sables 
Passionnée par les sports extrêmes et les sujets de société
Se destine à l’investigation et à la bande dessinée de reportage