Municipalité

Sanitas : un projet qui divise

Le quartier du Sanitas, au cœur de Tours. Photo : EPJT

Depuis 2014, le quartier Sanitas de Tours fait l’objet, d’un grand plan de réaménagement. Un projet qui, quatre ans après son lancement, reste controversé.

Par Emmanuel HADDEK avec Mahé CAYUELA

Au centre de Tours, non loin de la gare, en bordure du très cossu quartier des Prébendes, se dressent les tours du quartier Sanitas. Cette zone urbaine sensible (ZUS), où le taux de pauvreté est le plus élevé de la ville, est composé à 95 % de logements sociaux.  C’est le plus grand parc d’habitations à loyer modéré (HLM) du département d’Indre-et-Loire.

Le quartier jouit cependant d’une situation exceptionnelle. C’est un lieu de passage où se croisent diverses catégories de population. Un lieu plein de vie, animé par de nombreux commerces, les activités du Palais des sports et le passage de la nouvelle ligne de tramway.

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Réalisé par Emmanuel Haddek/EPJT avec Canva

Les élus ont à son égard de grands projets. Dans le cadre du Nouveau programme national de rénovation urbaine, initié en 2014, le quartier Sanitas-Rotonde devrait perdre plus de 420 appartements d’ici 2027, soit 10 % du parc. Cent soixante logements ont déjà été détruits dans cette même zone, entre Sur la période 2004 et 2014, pour l’aménagement d’un jardin, l’installation de la Pépinière d’entreprise, une structure d’accueil pour les jeunes entrepreneurs, et des constructions liée à l’arrivée du nouveau tramway. Les logements sociaux ont alors disparu et leurs habitants avec.

Curieusement, les commerçants du quartier ne semblent  pas être au courant des prochaines destructions : « Je ne connais pas le projet, et je ne veux pas le connaître », s’agace le pharmacien. Mais pour les associations de lutte contre la pauvreté, cette situation est préoccupante : « Ce projet, c’est une volonté de disperser les pauvres », explique Béatrice Longathe, du mouvement ATD Quart Monde.

Serge Babary, alors maire de Tours, avait pourtant rassuré la population lors d’une réunion publique en mai 2017 et où 200 habitants étaient venus : « Ne vous inquiétez pas, on ne va pas vous chasser du Sanitas. Un logement dans le quartier vous sera proposé si vous souhaitez y rester. » Les objectifs de ce projet sont toutefois clairs : attirer une nouvelle population. Il prévoit clairement « une baisse de la part d’habitat social ». A la place de ces logements sociaux, des résidences privées, aux loyers beaucoup plus chers seront construites. La « diversification résidentielle », c’est le terme employé pour qualifier ce remplacement.

Pour Béatrice Longathe, « La mixité sociale dans le quartier existe déjà, et ce n’est pas en construisant des résidences privées à la place des logements sociaux qu’elle va s’améliorer. Cela va créer l’effet inverse ».

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La mixité de la population du Sanitas se remarque au marché, le mercredi

Nicolas Loisel/EPJT

Tours Habitat, l’organisme en charge du projet, se trouve dans une position paradoxale : d’une part, il œuvre pour le bien-être des habitants en installant des ascenseurs dans les immeubles ou en mettant en place des actions pour la propreté du quartier. D’autre part, il est en charge de la démolition des logements qu’ils doivent améliorer.

Il est également difficile d’expliquer aux habitants pourquoi on doit détruire ces immeubles, encore en bon état, plutôt que d’autres. « C’est un croisement de différentes données qui ont conduit à ces choix », a vaguement expliqué Grégoire Simon, directeur de Tours Habitat.

Mais en regardant d’un peu plus près, on peut comprendre les vraies motivations de ces démolitions. La proximité du secteur Marie-Curie avec la gare est susceptible d’attirer des personnes aux revenus plus élevés, qui effectuent par exemple des trajets quotidiens vers Paris pour aller travailler. Après l’inauguration en septembre 2017 de la nouvelle passerelle Fournier, qui réunit le quartier Velpeau au Sanitas, des bureaux modernes ont été construits dans la zone.

Serge Babary s’était défendu de vouloir faire du Sanitas « un quartier bobo ». En tout cas, localisés en plein centre-ville et proches de la gare, ces terrains sont susceptibles de beaucoup intéresser les promoteurs immobiliers.

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En plein centre ville et proche de la gare, le quartier pourrait intéresser les promoteurs.

Céline Mounié/EPJT

Une simple rénovation aurait été possible, elle aurait même coûté moins cher que la démolition, assure en substance Béatrice Longathe. « Les bâtiments sont sains, ils peuvent être rénovés, dit-elle. C’est d’ailleurs ce que demandent les habitants ».

Ce qui dérange surtout, c’est l’image d’insécurité que renvoie le quartier. Les objectifs sont assumés : régler les problèmes de sécurité, et les trafics de drogue. Il est vrai que le Sanit’, comme l’appellent les habitants, traîne une mauvaise réputation. Mais comme bon nombre de quartiers réputés sensibles, il est victime de préjugés : « J’ai parfois eu à subir des incivilités, mais je ne me sens pas plus en danger ici qu’ailleurs », témoigne une habitante.

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Le tramway relie le Sanitas à la gare de Tours et au centre ville. C'est un atout stratégique.

EPJT

Les principaux intéressés n’ont aucunement été consultés avant la mise en place du projet. C’est en ouvrant leurs boîtes aux lettres qu’ils ont découvert que leur immeuble allait être détruit. La loi Lamy, de février 2014, prévoit bien qu’un projet de renouvellement urbain doit obligatoirement faire l’objet d’une concertation préalable avec les habitants durant toutes les étapes de son élaboration. Cette loi est renforcée à l’échelle locale par des arrêtés qui prévoient sa bonne application.

Ce n’est que maintenant, après le lancement officiel, que des concessions sont faites : Tours Métropole et la ville de Tours ont inauguré le 1er février, une maison de projets, une initiative censée rassurer la population en l’invitant à s’exprimer, à proposer des idées. Mais les motivations de ce projet restent floues et les inquiétudes persistent.