Quand les pales tourneront...

L’installation d’éoliennes suscite un fort débat entre les opposants et les partisans. Utiliser des énergies renouvelables, dites « vertes », n’est pas une priorité pour tous les habitants d’Indre-et-Loire. Photo : Arnaud Roszak/EPJT

L’écologie, un sujet de débat en Indre-et-Loire qui est le seul département de la région Centre-Val de Loire à ne pas posséder de parc éolien. La majorité des initiatives concernant les énergies renouvelables sont fragiles.

Par Lucie ROLLAND et Arnaud ROSZAK

Par rapport aux objectifs de la loi de transition énergétique, le département est en retard : d’ici 2030, les communautés de communes doivent réduire de 20 % leur consommation énergétique et atteindre 30 % d’énergies renouvelables », explique Anne-Fleur Kerouedan, chargée de mission au sein de l’association ALEC37. En 2015, la loi relative à la transition énergétique est entrée en vigueur. Son but : mettre en place des installations durables pour protéger l’environnement. Cela crée des tensions notamment entre les citoyens et leurs élus.

Les éoliennes en sont le parfait exemple. Depuis une dizaine d’années, aucun projet de parc éolien n’a  abouti en Indre-et-Loire, que ce soit à Sainte-Maure, Brèches ou Saint Paterne-Racand. Si environ 30 % des départements français ne disposent pas d’éoliennes, l’Indre-et-Loire est en revanche le seul de la région Centre-Val de Loire à ne pas en posséder. « Les éoliennes sont absolument nécessaires dans la transition énergétique. Surtout lorsque l’on sait que la région souhaite passer aux 100 % d’énergies renouvelables d’ici 2050 », assure Gilles Deguet, ancien vice-président du conseil régional et militant écologiste.

Les raisons de cette absence sont multiples : habitants mécontents, problème avec les radars de la base militaire, lobbying d’associations anti-éolienne, patrimoine historique etc. C’est surtout ce dernier motif qui freine les projets. Avec ses nombreux châteaux et la Loire inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, trouver un lieu susceptible d’accueillir des éoliennes est complexe. Pourtant, le Schéma régional éolien (SRE), établi suite à la loi Grenelle II de 2010, a démontré qu’il existait, dans le département, cinq zones favorables à leur implantation. Ces zones sont suffisamment éloignées des grosses agglomérations et des habitations.

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En réalité, l’argument du patrimoine historique sert souvent de prétexte à certains élus locaux pour freiner l’installation de ces dispositifs. C’est le cas d’Hervé Novelli, maire LR de Richelieu : « La stratégie de développement de ma ville est basée sur l’attractivité touristique. Je ne veux pas que Richelieu soit encerclé par des éoliennes, dont l’efficacité énergétique n’est même pas démontrée. » Or, le département dispose d’une exposition au vent suffisante pour en installer.

Selon Samuel Neuvy, responsable régional de France Énergie Éolienne, les éoliennes fabriquées actuellement « balayent une plus grande surface, permettant de fonctionner avec un vent faible ». Même son de cloche chez Christophe Ahuir, vice-président de la communauté de communes du Val d’Amboise : « Certains élus fondent leurs arguments sur un atlas des vents quelque peu dépassé. » Dans ces conditions, difficile de donner du crédit aux affirmations des politiques sceptiques.

Qu’en est-il des autres énergies renouvelables ? Elles se scindent en deux catégories : les électriques (éolien, photovoltaïque, hydraulique) et les thermiques (géothermie et biomasse). Certaines de ces alternatives ne sont pas adaptées au territoire, comme les barrages hydrauliques. Selon le site Connaissance des Énergies, en 2017, ces centrales ont produit deux tiers des énergies renouvelables en France.

Pour qu’un barrage soit rentable, il faut une chute d’eau de 2 mètres minimum. « Ni la Loire ni le Cher ne possèdent de chute de cette envergure », explique Vincent Loison, directeur technique du Syndicat nouvel espace du Cher. Autre idée avec l’hydrolien, une structure composée d’ailerons qui tournent en fonction de la vitesse du courant. Mais cette innovation pourrait, entre autres, altérer la migration des poissons.

« Des bâtiments, comme l’école primaire d’Ambillou, parviennent à devenir autonomes grâce au photovoltaïque »

Ces réglementations expliqueraient aussi pourquoi la géothermie et le photovoltaïque sur sol sont peu utilisés en Indre-et-Loire. La géothermie nécessite des forages profonds pour récolter la chaleur interne du globe terrestre, c’est un aménagement coûteux. Quant au photovoltaïque sur sol, certains projets sont des « aberrations » pour Pierre Richard, le président de la Sepant (Société d’étude, de protection et d’aménagement de la nature en Touraine). Lui et son association se sont opposés au projet de station photovoltaïque à Larçay : « Ce projet avait pour but de raser plusieurs hectares de forêt, c’est n’importe quoi. À l’inverse, la Sepant soutient l’installation de ces équipements sur des toits. »

Cette source d’énergie est en constante augmentation en France ces dernières années. Le département suit cette tendance, où quelques bâtiments, comme l’école primaire d’Ambillou (près de Chinon), parviennent à devenir autonome grâce au photovoltaïque.

De son côté, la biomasse, qui consiste à créer de l’énergie grâce à la combustion de matière végétale, a le vent en poupe. Dans un rapport de 2015, la Dreal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) expliquait que la biomasse représentait environ 75 % de la production d’énergies renouvelables dans la région. « Cette émission d’énergie est plutôt en avance en Indre-et-Loire », confirme l’ex-élu régional Gilles Deguet.

La première des deux chaufferies de Saint-Pierre-des-corps, installée en 2013, est un vrai moteur dans la région. Avec une puissance de 7,5 mégawatts, elle permet de chauffer 14 000 logements. Une nouvelle chaufferie est actuellement en construction à Joué-lès-Tours sur l’ancien site Michelin. Avec un potentiel de 300 000 tonnes de bois de chauffage sur le territoire, la biomasse semble promise à un bel avenir dans le département. Mais elle ne palliera probablement pas à elle seule le retard des autres énergies.