“Mon objectif,
c’est de reconquérir cette étoile”Dans le restaurant Charles-Barrier, à Tours. Photo : Robin Jafflin/EPJT/HansLucas
Le Charles-Barrier est une institution à Tours. Mais en 2015, après presque vingt ans, le restaurant et son chef, Hervé Lussault, perdent leur étoile. Depuis ils se battent pour redevenir l’une des meilleures tables de France.
recueilli par Robin JAFFLIN
Comment êtes-vous arrivé à devenir le chef d’une institution gastronomique ?
Le chef Hervé Lussaul. Photo : Robin Jafflin/EPJT/HansLucas
Hervé Lussault. La cuisine est venue à moi plus que je suis venu à elle. Quand je suis arrivé en France, à l’âge de 9 ans, je ne connaissais ni la langue ni la culture. Comme tout le monde je suis allé au collège. C’était dur mais j’arrivais à suivre les cours. Une fois au lycée, c’est devenu plus compliqué. Et puis il faut le dire, à cette époque, j’étais aussi fainéant (rires). En première j’ai donc arrêté, la langue devenait une vraie barrière. Avec l’aide de Jack Magore, qui était un peu le parrain de ma famille en France, j’ai trouvé un stage au Fouquet’s à Paris. Ça m’a plu. J’ai fait un CAP cuisine. A partir de ce moment, les cours ont été beaucoup plus faciles (rires).
Comment appréhendez-vous la cuisine au quotidien ?
H. L. Je crois que la cuisine c’est un savoir-faire, certes, mais c’est surtout de la créativité et du travail. Il faut savoir se remettre sans cesse en question, renouveler sa carte, savoir allier la tradition à la création. C’est une passion compliquée qui prend beaucoup de temps : on travaille six jours sur sept. Moi, j’arrive à 7 h 30 et je pars parfois tard le soir. Pour être très honnête, je sacrifie ma vie de famille au profit de la cuisine. Je n’habite pas à Tours. Donc, je passe la semaine en ville. J’ai un appartement à côté du restaurant. Et le week-end, je rentre auprès de ma famille. C’est une vie dure, exigeante. Mais si l’on veut donner le meilleur, proposer une cuisine précise à nos clients, c’est nécessaire. J’ai 46 ans. Malgré le rythme soutenu, je ne ressens pas encore de vraie fatigue. J’aime toujours autant mon métier, le partager. Je pense que je continuerai encore un moment (il sourit).
Photos Robin Jafflin/EPJT/HansLucas
Quelle est l’influence de votre culture laotienne sur votre art ?
H. L. J’utilise souvent de la sauce soja pour relever mes sauces, leur donner une légèreté et une justesse dans le goût. J’aime aussi beaucoup cuire les légumes à la vapeur. Cela apporte de la souplesse à mes plats tout en permettant de varier les textures en bouche.
Vous avez perdu votre étoile il y a deux ans, comment l’avez vous vécu ?
H. L. Sur le coup, cela été très dur… D’autant que l’on a fait des erreurs sur des détails. Vous savez, les étoiles, cela monte tellement vite à la tête… On ne va pas non plus se suicider pour une étoile (rires). Mon objectif maintenant c’est de la regagner. Pour cela, il faut travailler dur, donner le meilleur de soi-même pour satisfaire le client. Nous faisons notre pain nous-même. Nous sélectionnons les meilleurs fournisseurs… Mais il faut quand même reconnaître que la perte de ce macaron nous a fait perdre de la clientèle. Un étranger aisé, qui aura visité les châteaux de la Loire et qui s’arrêtera à Tours, fera davantage confiance à un restaurant étoilé. C’est un fait.
Justement, le guide Gault & Millau est sorti il y a moins d’un mois et vous consacre comme meilleur restaurant du département. Voyez-vous cela comme un signe pour le Michelin en février ?
H. L. Oui ! Nous sommes très fiers. Nous avons eu 15 cette année ce qui nous fait progresser par rapport à l’année dernière (le guide lui avait accordé 14 en 2016 NDLR). J’en suis d’autant plus fier que nous ne sommes que trois en cuisine sans compter les pâtissiers. C’est une équipe jeune, avec un apprenti. Cela dit, le Gault & Millau et le Guide Michelin sont totalement différents. Voir certains restaurants étoilés moins bien notés que nous, cela nous donne de l’espoir. Ça motive mon équipe pour encore faire mieux et reconquérir notre macaron.