Face à cette contestation, les chasseurs, déjà confortablement installés dans le paysage, veulent maintenir leur influence. En 1994, la FNC s’est attaché les services d’un des meilleurs lobbyistes professionnels pour peser en politique : Thierry Coste.
« Le lobbying, c’est influencer le gouvernement, le parlement et les médias pour défendre les intérêts des chasseurs », détaille cet homme providentiel. Cette influence a pris un nouvel élan avec l’arrivée de Willy Schraen à la présidence de la Fédération en 2016. « Quand je l’ai rencontré la première fois, je lui ai dit : “Maintenant, nous allons faire du vrai lobbying.” »
Décomplexée, la pratique de Thierry Coste porte ses fruits. Celui qui se présente comme l’ancienne « plume de Nicolas Sarkozy et de François Hollande » sur les questions de chasse et de ruralité est désormais conseiller d’Emmanuel Macron. Avant les législatives, il lui a fait signer 30 propositions pour la chasse afin de sensibiliser les nouveaux députés, plutôt urbains, du renouvellement.
La FNC va soumettre un projet de loi au président de la République à l’automne 2018. Maintenir toutes les pratiques même en présence d’espèces protégées est un exemple de ces mesures. Également signées par Les Républicains. « Tout ne passera pas et il n’y a rien de révolutionnaire », nuance Jean Abarnou.
Mais ce n’est pas tout. Emmanuel Macron a envoyé de nombreux signes favorables aux chasseurs. Il n’a de cesse de répéter son attachement à la pratique. Lors de son week-end à Chambord, mi-décembre, le président de la République a rencontré les chasseurs après une battue. Une première depuis quarante ans. Le chef de l’Etat fait de la chasse, comme ses prédécesseurs, un outil diplomatique. Le domaine national de Chambord en est le premier théâtre comme le montre Le Journal du Dimanche. Emmanuel Macron utilise aussi la chasse pour implanter La République en marche (LERM) dans l’électorat rural qu’il a du mal à conquérir. Il casse ainsi son image technocratique. France Inter a enquêté à ce sujet.
Soutenue par les nombreux élus chasseurs, surtout les maires, la cause cynégétique n’a pas forcément besoin du lobbying de la FNC. C’était en tout cas très vrai dans la précédente législature : le groupe d’études sur la chasse à l’Assemblée nationale était le premier en nombre de membres. « Il est devenu une sorte d’institution mais n’a pas d’existence statutaire. Il y a eu des tensions avec les chasseurs car la tendance écologiste prenait le dessus », relativise Claude de Ganay, député LR, ancien membre du groupe et, bien sûr, chasseur.
Le renouvellement de l’Assemblée nationale en 2017, avec l’arrivée de jeunes députés urbains, non chasseurs, n’est pas un frein pour Thierry Coste. Il mise sur leur fidélité à Emmanuel Macron et espère l’entrée de 150 à 200 membres dans le groupe d’études. Le chef d’orchestre de la FNC rappelle que si seuls LREM et LR ont signé les 30 propositions, des candidats frontistes ou communistes, notamment, peuvent rejoindre le groupe individuellement.
Le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot, est dans le viseur des hommes en kaki. « Il pourrait être dangereux s’il s’exprimait seul dans le gouvernement mais il ne l’est pas. Le président la République a pris des engagements », se réjouit le redoutable lobbyiste. « La Fondation Hulot et toutes les ONG font du lobbying. Tout le monde. Mais nous, nous l’assumons », martèle-t-il.
La FNC affirme donc ne pas craindre les antichasses. « Nous sommes considérés comme l’un des lobbys les plus organisés. Il y a des gagnants et des perdants », poursuit le Thierry Coste. Dans le camps adverse, on déplore une violence verbale. « Le lobby s’en prend aux personnes, il insulte et discrédite », déplore Gérard Charollois, président de Convention vie et nature, un mouvement d’écologie radicale, présenté comme le diable par les chasseurs. « Le lobby a un poids excessif sur l’appareil d’Etat. Les élus sont la courroie de transmission de la chasse car ils sont sensibles aux 20 000 adhérents de chaque département », poursuit-il.
L’électorat des chasseurs, estimé à environ 3 millions de voix, a un poids considérable. Leur volonté, globalement celle des ruraux, peut donc peser dans les décisions. Il reste disputé et n’est incompatible ni avec la gauche ni avec l’écologie. L’Association nationale pour une chasse écologiquement responsable, fondée en 1989, en est la preuve. Majoritairement à gauche dans les années quatre-vingt-dix, elle s’est rapprochée d’une droite allant de Chasse pêche nature et traditions (CPNT), né en 1989, jusqu’au Front National. Celui-ci recueille aujourd’hui 40 % de leurs voix. L’apogée du vote chasseur a quinze ans. Jean Saint-Josse, cofondateur du CPNT, avait glané 4,23 % des voix à la présidentielle de 2002, soit 1,2 million de personnes. Sa campagne avait été dirigée par Thierry Coste.