Retour à l’Ehpad d’Abilly. Deux types de patients se côtoient. L’art-thérapeute travaille différemment avec les deux groupes. Les premiers sont très malades, principalement atteints d’Alzheimer. Adeline Fusillier constate que les séances les apaisent et leur permettent de se concentrer et de se recentrer sur eux-mêmes. Les résultats sont cependant plus visibles avec le deuxième groupe : les patients présentent des symptômes de démence légère et n’ont que des petits soucis de comportement.
Raymond suit depuis longtemps les séances d’Adeline Fusillier. Initialement, le suivi devait l’aider à ne pas se dissiper et à ne pas être violent envers les autres. Il présente des épisodes psychotiques très importants et son traitement lourd modifie sa perception des formes dans l’espace. Ses productions permettent de suivre son état. Avant, il dessinait avec précision, souvent en reproduisant le même schéma : une maison de campagne avec un grand jardin et une mare. Depuis qu’il est sous médicaments, ses dessins sont devenus irréguliers et la couleur noire prédomine.
L’art-thérapie a d’autres utilités. Elle soutient les patients atteints de maladies graves comme le cancer. Non seulement elle les aide à supporter les effets secondaires de leur traitement et les accompagne pendant leur rémission, mais elle leur permet aussi de se remotiver et d’être positif. d’ablord réticent, le monde médical intègre progressivement ces pratiques dans ses prescriptions, pour le plus grand bien des patients.
Ghislaine Val souffre de douleurs lombaires et d’arthrose. Elle a fait le choix de se soigner par l’homéopathie, comme 56 % des Français. Une des raisons de ce choix, c’est qu’elle s’inquiète des effets secondaires des médicaments initialement prescrits. Notamment des risques d’infarctus ou de lésions vasculaires. Elle est loin d’être un cas unique : le Dr Costa-Fournel, néphrologue et acupunctrice, et le Dr Hadjadj, médecin du sport et diplômé de médecine manuelle et d’ostéopathie, ont fait le même constat : les demandes de consultation ont augmenté, notamment après des scandales sanitaires qui ont renforcé les peurs des patients.
Le Mediator, médicament recommandé contre le diabète de type 2 et utilisé comme coupe-faim, a été retiré de la vente en 2009. Irène Frachon, pneumologue à Brest, avait constaté des effets secondaires dangereux chez ses patients et ses rapports ont prouvé la toxicité du médicament. Cette affaire a fait la une des médias. Autres scandales : la Dépakine, un anti-épileptique qui provoque des malformations chez les fœtus des patientes ; la Diane 35, utilisée contre l’acné et de manière abusive comme contraceptif, accusée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Anses) d’avoir provoqué des décès et des cas d’invalidité permanente.
« Nous vivons dans une société très angoissante aujourd’hui, très loin des problèmes personnels des gens », constate le Dr Hadjadj. Lui considère le succès des médecines alternatives comme un besoin de se retrouver et d’être en accord avec soi-même. C’est pourquoi les patients se dirigent vers ces pratiques qui « se basent sur l’humain et considèrent la personne en globalité », complète Lyne Ernult-Boyrot. Elle dispense des soins ayurvédiques. Les massages qu’elle propose s’accompagnent de remèdes à base de plantes, disponibles chez des herboristes ou en magasins bio. « Pour éviter d’encrasser le corps », préconise-t-elle.
A la fin de la séance d’art-thérapie, les productions ne concurrencent pas un Monet. Mais les pensionnaires s’accordent à dire que ce moment leur fait du bien. Ils attendent la prochaine séance avec impatience. « On reviendra jeudi prochain, si on n’est pas mort » plaisante même Maryse.