Un boom économique et un attrait sans réel conséquence lorsque le patient est suivi par un médecin. Mais la tendance vers le naturel peut devenir risquée dès lors qu’elle est poussée à l’extrême.
C’est le cas de la « biologie totale des être vivants », inventée par Claude Sabbah, ancien médecin radié de l’Ordre. Cette « thérapie » est censée soigner les maladies en résolvant les conflits psychologiques qui en seraient l’origine. Il convainc Claude Saksik, atteint d’un cancer, d’abandonner son traitement allopathique pour ne suivre que ses prescriptions. Le patient prend conscience du danger trop tard et admet, peu avant sa mort en 2007, avoir été « victime de ses croyances et de ces marchands d’illusion ». Sa femme avait cependant déposé plainte dès 2004, pour endoctrinement. L’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (Unadfi) s’est constituée partie civile.
Également poursuivi pour abus de faiblesse et homicide involontaire, Claude Sabbah ne comparaît finalement que pour publicité mensongère, la justice n’ayant pu étayer ces infractions. Il ne sera condamné qu’à deux ans de prison ferme et 30 000 euros d’amende.
Pour repérer les dérives sectaires, le juge prend appui sur une liste de critères comme « la déstabilisation mentale, la rupture avec l’environnement d’origine, le discours antisocial ».
Dans cette affaire, les signalements ont été nombreux mais « rares sont ceux qui osent déposer plainte », explique le président de l’ADFI Montpellier-Languedoc, Jean-François Ottan. Le manque de preuve et le fait que la victime soit consentante rendent la tâche de la justice compliquée. Même la loi ne définit pas la notion de secte au nom du respect de la laïcité. Elle se base sur différents textes de références qui permettent d’encadrer ce qu’elle nomme les dérives sectaires. Pour les repérer, le juge prend appui sur une liste de critères comme « la déstabilisation mentale, la rupture avec l’environnement d’origine, le discours antisocial ».
La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) entend sensibiliser les Français contre ces phénomènes sectaires. En 2012, elle a édité et imprimé à 4 000 exemplaires un guide en collaboration avec le Conseil national de l’ordre des médecins : Santé et dérives sectaires. Il entend aider à repérer les situations de danger et donne des outils pour se défendre. Il est à destination des particuliers mais aussi des professionnels de santé.
Car, si on en croit la Miviludes, les mouvements à caractère sectaire se sont emparés du domaine de la santé ces dernières années. Sorte de porte d’entrée par laquelle ils peuvent utiliser la fragilité et la peur des familles pour les endoctriner. Le nombre de ces « dérapeutes », comme les appelle la Miviludes, continue d’augmenter.
Pour faire face à l’envahisseur, la Miviludes et d’autres organismes publics déploient tout un arsenal. En 2015, la Miviludes publie la liste noire de quarante pratiques médicales alternatives qu’elle considère comme dangereuses et susceptibles de dérives sectaires. On y retrouve des pratiques aussi curieuses que l’amaroli, qui prétend guérir le cancer par ingestion de sa propre urine, ou l’ozonothérapie, qui encourage à se soigner en suivant une cure d’ozone.
En coopération avec l’École des hautes études en santé publique (EHESP), la Miviludes a également mis en place une formation sobrement intitulée « Comment faire face aux dérives sectaires ». Les professionnels de la santé peuvent la suivre depuis février 2016. Au programme : comprendre le processus des manipulations mentales, identifier les victimes et savoir les accompagner. De nombreuses associations comme le Centre contre les manipulations mentales (CCMM) ou l’Association alerte faux souvenirs induits (AFSI) se proposent également d’aider les victimes.
Mais le problème est complexe car n’importe qui peut créer son centre de formation. Si ces derniers étaient évalués par des organismes indépendants, les dérives sectaires pourraient être limitées. Alors, à qui s’adresser ? Le plus simple et le plus sûr pour se protéger des risques, c’est encore de se fier aux diplômes reconnus par l’État et par l’Ordre des médecins. Et ne pas sombrer non plus dans la théorie du complot. Faire attention, en restant logique. « L’homéopathie n’a jamais soigné un cancer », rappelle Bernard Debré, chirurgien urologue.