Cap sur l’Afrique

Justine Cantrel

Cap sur l’Afrique

Cap sur l’Afrique

Justine Cantrel

Une nouvelle ruée vers l’or a commencé pour les médias français, vers un territoire en pleine mutation  : l’Afrique. Si la presse va mal, l’Hexagone possède un trésor : sa langue française. Avec comme arme le numérique, comme bouclier la francophonie, les médias français ont jeté l’ancre sur le continent. De quelles ruses jouent-ils pour s’y installer ?

« L’Afrique, le réveil » titraient The Economist puis le Time en 2011 et 2012. A cette époque, le continent apparaît comme le nouvel eldorado des entrepreneurs étrangers. Les groupes de presse, français en particulier, ne dérogent pas à la règle et misent sur le public africain. Jusqu’à récemment, Jeune Afrique était le seul média écrit panafricain (voir frise chronologique en fin d’article). Le pure player Slate a créé, dès 2011, le site internet slateafrique.com. Le Point a suivi en 2014, lançant son site afrique.lepoint.fr. Dernier à tenter l’aventure, Le Monde a lancé lemonde.fr/afrique en janvier dernier.

C’est le nouveau credo des médias français : se présenter comme un média francophone, sur la Toile, pour être présent sur le marché quand la totalité de l’Afrique se connectera. Tous veulent croire à la prophétie de Franz-Olivier Giesbert dans son édito publié à l’occasion du Point Afrique : « le XXIe siècle sera africain.  » La presse écrite française, en perte de lectorat, surfe sur cette vague. Car si le développement de la presse papier est limité (la distribution y est trop compliquée), Smartphones et tablettes se vendent de plus en plus. Pour Alain Aka, chef de projet numérique au Point Afrique franco-ivoirien, développer l’information sur le Web est essentiel. Et avant tout sur Smartphones, car les ordinateurs coûtent encore trop cher. C’est pourquoi Le Monde Afrique a créé un site « responsive », c’est-à-dire adaptable sur tous les supports : ordinateur, tablette, Smartphone.

L’Afrique comptera 350 millions de Smartphones en 2017, contre environ 100 millions aujourd’hui

Etude Deloitte

Les médias français misent sur la francophonie. C’est pour eux un avantage certain. En effet, un rapport de l’Organisation internationale de la Francophonie prédit qu’en 2050, 85 % des Francophones vivront en Afrique. La géographe Sylvie Brunel met un bémol à cet enthousiasme. En effet, si ces pays sont considérés comme francophones, la pratique de la langue de Molière est inégale selon les populations. Les médias s’adressent plutôt aux classes les plus éduquées, celles qui bénéficient de l’outil internet et d’un bon niveau de français. La plus grande partie de la population est donc laissée de côté.

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Cible en vue, ramez moussaillons !

Le but est le même pour tous : créer un média panafricain qui s’adresse aux francophones des pays d’Afrique, mais aussi de la diaspora. Alexis Adele, correspondant ivoirien du Monde Afrique, estime que le projet « vient combler un vide qui existait ». Il permet aux lecteurs africains de « disposer d’une autre information » qui rompt le monopole de Jeune Afrique. Alain Aka aurait préféré que l’initiative vienne d’un média africain. « C’est français, mais tant pis ! on y va.  » Le hic, c’est qu’il n’est pas simple de couvrir un territoire si étendu. La diversité en Afrique est une évidence : il y a un monde entre un Nigérian et un Sierra-Léonais, un citadin et un rural, un jeune et une personne âgée.

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En 2000, « The Economist » parlait du « continent sans espoir ». Dix ans plus tard, le regard a changé. En 2011, le magazine titre « L’Afrique s’éveille ».
 

Autre ambition de taille, donner une nouvelle image du continent, tellement décrié jusqu’à aujourd’hui. Quand la presse traditionnelle parle de guerres, de famine ou de pauvreté, les médias consacrés à l’Afrique refusent de les suivre sur ce thème. Au Point Afrique, on met en avant « la nouvelle Afrique, celle qui crée et qui innove ». Quand on veut traiter une actualité, Alain Aka estime qu’un certain nombre de questions s’imposent : « Est-elle utile ? Fait-elle avancer l’Afrique ? Donne-t-elle envie d’y investir ?  » Donner de l’information qui a du sens, voilà le défi à relever. Il faut miser sur le développement de cette Afrique en mouvement et, pourquoi pas, essayer d’influer sur les populations en créant un effet « boule de neige ». Ce que confirme Raoul Mbog, journaliste au Monde Afrique : « Si on touche un petit groupe de personnes, celles-ci pourront ensuite en toucher d’autres et contribuer à changer les choses. »

Si le regard est afro-optimiste, le projet n’est pas toujours accueilli à bras ouvert de l’autre côté de la Méditerranée. Même chez les populations les plus éduquées. En témoigne Augustin Emmanuel Ebongue, chercheur en information-communication au Cameroun : « À vouloir à tout prix innover en montrant une image qui ne reflète pas l’Afrique, la classe dirigeante occidentale, française en particulier, risque de tromper les opinions publiques, voire la communauté internationale. » Jeff El Renega, un Franco-Camerounais qui étudie en France, ne dit pas autre chose : « Ce qui se dit dans ces médias est éloigné de ce que nous vivons. » Il prend pour exemple les articles sur l’homophobie du Cameroun. « Il y a des agressions homophobes, je ne peux pas le nier. Mais cela reste très marginal. Les homosexuels ici se baladent sans problème. » Pour lui, les médias français trahissent la réalité. Pourtant, il lit, entre autres, Le Monde Afrique, et regarde France 24. Même si elle les critique, la classe moyenne africaine reste très friande des médias français. Un paradoxe que ces derniers devront résoudre.

Une fillette massaï du Kenya lit sur Internet grâce à son téléphone. Le taux de pénétration des Smartphones y est estimé à 67%, dans ce pays où la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté. Photo Jon Mccormack/Unesco Worldreader

Pour atteindre le port de plaisance, on sort le gros attirail

Car informer, c’est bien mais comment et avec quels moyens ? A ses débuts, en 2011, Slate Afrique souhaitait s’appuyer sur un large réseau de correspondants. « Au moins 150 à 200 contributeurs basés sur le continent  » détaillait Pierre Cherruau, alors rédacteur en chef dans l’émission de RFI, « L’Atelier des médias ». Depuis, les reportages ont peu à peu disparu. La direction n’a pas souhaité s’exprimer sur les raisons de ce changement de cap. Trop peu de lecteurs ? d’argent ? Une nouvelle formule de Slate Afrique est en préparation. Au Point Afrique, la mutualisation des contenus du magazine papier et du site est de règle. Un réseau de pigistes déployé en Afrique fait remonter des articles. Mais faute de moyens humains, ceux-ci sont parfois publiés avec plusieurs mois de retard.

Après seulement quatre mois d’existence, Le Monde Afrique est le titre qui semble le mieux s’en sortir. L’équipe est composée de 8 journalistes – qui travaillent tantôt à Paris tantôt sur le terrain – et d’une vingtaine de contributeurs extérieurs. Alexis Adele, correspondant en Côte d’Ivoire, estime qu’une « place de choix est laissée aux correspondants, régulièrement au contact de la réalité ». Lancé en janvier 2015, dès avril il comptabilisait déjà près de 9 millions de pages vues et une progression d’environ 5 % par mois.

Les Africains sont amoureux de l’outil Internet 

Augustin Emmanuel Ebongue

Si c’est le petit dernier qui sort vainqueur, c’est peut-être parce que c’est lui qui a le plus investi. Le site a bénéficié du fonds d’investissement à l’innovation numérique de Google, qui finance des projets de presse française parfois jusqu’à 60 %. Il a également mis en place un partenariat avec différents acteurs, tels que l’Agence française de développement ou la Fondation Bill et Melinda Gates. Le Point Afrique, lui, est financé sur fonds propres. Ses chiffres d’audience ne sont pas rendus publics, mais l’objectif était à la baisse : à peine 500 000 vues mensuelles. Pour Alain Aka, la rentabilité attendra : « D’abord on cherche à capter l’audience. On n’a pas de modèle économique, on est encore en chantier. » Slate Afrique se finance également sur fonds propres. Mais des rumeurs de non rémunération de pigistes et une affaire de rupture de collaboration abusive sont venues ternir l’image du pure player. D’après Mediapart, Slate aurait mis fin à la collaboration d’Ali Amar, journaliste offensif envers le pouvoir marocain, suite à un article très critique paru sur un autre site internet. La cause de ce contentieux serait moins un problème de fond liée au business. Slate rechercherait des partenaires financiers au Maroc qu’il faudrait dès lors ménager. La direction n’a jamais commenté ces rumeurs. Cela reste révélateur de l’objectif premier de certains dirigeants de groupes de presse.

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Annick Girardin, secrétaire d'Etat à la Francophonie en visite à Ouagadougou (Burkina Faso). Collaborer avec des correspondants sur le terrain permet d’être au plus proche des évènements.

Photo : Bruno Chapiron/MAEDI

 

Business ou pas, l’important est d’abord d’atteindre la cible. Et pour cela, il faut miser sur la proximité avec son public, le rencontrer, lui parler de ce qu’il connait, le concerne. Le lien de confiance passe par les correspondants ou les envoyés spéciaux, mais pas uniquement. Il passe aussi par des acteurs déjà ancrés sur le marché. Ainsi, Le Monde Afrique a mis au point un partenariat avec des médias locaux. Dans chaque article, des liens renvoient vers ceux de Médias 24 (site marocain) ou du sahelien.com (tenu par des journalistes maliens, nigériens et burkinabés), entre autres. Ainsi, la visibilité de l’un influe sur celle de l’autre, comme l’avait fait Slate Afrique à ses débuts. Le pure player est partenaire de médias tels qu’abidjan.net ou Le Quotidien d’Oran. Le Point Afrique, quant à lui, peine à se promouvoir après un an d’existence.

Fidéliser son lecteur passe aussi par la qualité des contenus. Chaque média traite l’actualité avec un regard qui lui est propre. Mais sur Slate Afrique, les événements au Burundi du printemps 2015 ne sont traités que d’après dépêches. Quelques articles, rédigés depuis Paris, sont signés Camille Belsoeur, l’unique journaliste du site à ce jour. On est loin des 90 % de contenus produits depuis l’Afrique annoncés quelques mois après son lancement. Le site n’est devenu qu’un agrégateur de contenus. Dans Le Point Afrique, les journalistes ont choisi de décrypter les impacts de la crise politique sur l’économie du pays et de donner la parole à des personnalités africaines. L’initiative est prometteuse, les contenus sont originaux. Mais peu nombreux. Sans doute faute de temps ou de moyens.

Une stratégie média bien ficelée

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Pour une même actualité, le traitement varie du tout au tout. Journalisme de bureau, d’analyse, ou de terrain, chacun apporte de la valeur ajoutée. C’est la pluralité

Au Monde Afrique, les contenus sont multiples et variés : informations clés sous forme de reprise de dépêches, entretiens, décryptages, reportages au Burundi, reportage au Rwanda où sont réfugiés des burundais… De nombreux papiers sont d’ailleurs partagés sur les réseaux sociaux.

Le rédacteur en chef a recruté Diane-Audrey Ngako en tant qu’« éditrice réseaux sociaux ». Chargée de promouvoir le site et d’étudier les réactions des lecteurs, elle fait aussi remonter les informations qu’elle trouve sur les réseaux sociaux. Une fonction primordiale quand on sait que ceux-ci sont très populaires parmi les classes moyennes ou les élites. « Les Africains sont amoureux de l’outil Internet », affirme Augustin Emmanuel Ebongue. Mi 2014, ils étaient quelque 100 millions à utiliser Facebook. Mais les atouts de Diane-Audrey Ngako ne s’arrêtent pas là. Cette Franco-Camerounaise n’a que 23 ans. Elle s’adresse à la population africaine de son âge. Toucher un lectorat jeune, c’est le fidéliser et préparer l’avenir du média. Grâce à cette stratégie de communication, Le Monde Afrique, quatre mois après ses débuts, comptabilisait déjà 10 000 « j’aime » sur Facebook. C’est presque vingt fois plus que Le Point Afrique en un an.

Confronter ces médias consacrés à l’Afrique est complexe. Chacun a sa vision, qui découle du format, du support ou simplement de la ligne éditoriale du journal. C’est l’essence même de la pluralité de l’information. L’Afrique est un continent immense, tellement divers que partir à la conquête de son actualité est un périple infini. Chacun en parle, mais à sa manière. Pour Raoul Mbog, qui est passé de Slate Afrique au Monde Afrique, il est impossible de comparer ces deux médias : « L’un est un magazine, l’autre un site d’information. Ils n’ont pas la même approche. » Tout comme Le Figaro ne traite pas l’actualité de la même façon que Le Monde. D’ailleurs, le P-DG du Figaro a annoncé qu’il pourrait bien créer un nouveau média tourné vers l’Afrique du Nord. Décidément ! parler du continent africain est à la mode.

“L'émergence est très inégalitaire”

“L'Afrique connaît un enrichissement certain. On voit dans les villes l’impact de la modernisation.” Sylvie Brunel. Lagune d'Abidjan. Photo DR

Dans quel est contexte local apparaissent les médias tournés vers l’Afrique ? Sylvie Brunel, économiste et géographe spécialiste des questions de développement, ne s’inscrit pas dans la tendance afro-optimiste. Elle ne nie pas l’émergence de l’Afrique, mais elle en nuance les aspects.

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DR

Peut-on parler de l’Afrique en tant qu’entité ?

L’Afrique est composée de 54 pays qui forment autant de civilisations, de langues et de cultures différentes. Mais c’est une entité géopolitique. C’est elle-même qui se positionne en tant que telle, par exemple en créant l’Union africaine. Pourtant, elle ne manifeste aucune solidarité, aucune capacité d’agir globalement. Elle a des tas de choses à apprendre au reste du monde, possède des ressources, de l’inventivité… Si les Africains étaient solidaires, ils seraient très puissants.

Dans votre ouvrage L’Afrique est-elle si bien partie ? vous nuancez l’émergence du continent, affirmant qu’il n’a « jamais été plus inégal ». Quels changements concrets a-t-on néanmoins observé ?

L’Afrique connaît un enrichissement certain. On voit dans les villes l’impact de la modernisation. On constate aussi un refus d’autoritarisme des dirigeants africains. Des mouvements citoyens naissent parmi les classes plutôt éduquées, les jeunes. Les mouvements arabes, par exemple. Le marché intérieur émerge : les populations sont avides de biens culturels et de consommation. Mais tout cela avive les frustrations car l’émergence est très inégalitaire. Il faut garder à l’esprit que ce continent, bien qu’émergent, reste celui de l’immense pauvreté. La modernisation touche la population informée, celle qui possède un téléphone mobile, qui va dans les cybercafés. Le numérique a de plus en plus de succès.

Il y a une aspiration de la jeunesse africaine à une information pas totalement inféodée aux gouvernements des pays africains.

Pensez-vous que la digitalisation creuse les inégalités ?

Bien sûr. Très peu de pays sont vraiment équipés. Tout le monde n’a pas de Smartphone. Souvent, les téléphones sont anciens. Ils fonctionnent avec des cartes prépayées. Le réseau n’est pas toujours disponible, surtout à l’intérieur du territoire. Il est très difficile d’avoir une connexion de bonne qualité sur le long terme. Donc, potentiellement, l’accès aux sources d’information n’est ouvert qu’à une minorité. On n’arrête pas de faire miroiter l’Afrique sur le cloud (espace de stockage sur un réseau, NDLR), alors qu’il y a des endroits sans électricité, où on ne peut pas charger son téléphone ni même avoir de lumière la nuit.

Comment expliquer l’intérêt croissant des médias français pour le public africain ?

Il y a une aspiration de la jeunesse africaine à une information pas totalement inféodée aux gouvernements des pays africains. Ces derniers font tout pour contrôler l’information, par exemple lors des élections. Avoir une voix venue de l’extérieur, c’est la démocratisation. Ce sont eux qui dénoncent la plupart des scandales. En Afrique, il existe une infinité de médias mais ils sont souvent issus du même groupe de personnes, des anciens de Jeune Afrique pour la plupart. La création de sites consacrés à l’Afrique par Le Monde ou Le Point s’explique par le fait qu’ils ont pris conscience de l’avidité de la classe moyenne francophone quant à l’information. Et que cela suppose la création d’un marché publicitaire prometteur.

En s’appuyant sur cette classe moyenne, les médias creusent-ils les inégalités ?

On ne va pas les accuser de surfer sur ce phénomène. Mais ils accentuent l’écart. On peut pointer le fait qu’ils délivrent l’information dans une langue non pratiquée par le peuple. Il y a en Afrique une infinité de langues. C’est d’ailleurs pour cette raison que les pays ont adopté une autre langue nationale, souvent celle du colonisateur. Les médias ne peuvent pas diffuser dans les langues d’usage car elles sont trop fractionnées. Mais quand vous diffusez en langue française, vous touchez relativement peu de personnes. Si on prend en compte le taux d’analphabétisme des pauvres, des habitants des campagnes et leur capacité à comprendre le français, on se rend compte que ces médias ne touchent que la jeunesse des classes moyennes éduquées et cosmopolites.

Il y a tellement de fonds à mobiliser pour réussir à scolariser correctement les jeunes. On nous parle d’ordinateurs, mais donnez-leur déjà un crayon !

Avez-vous observé un changement de regard sur le continent ?

L’affichage se veut résolument afro-optimiste. Personne, sauf en privé, ne reconnaît les germes de dysfonctionnement du continent : la violence, la rancœur, l’oubli de certains territoires intérieurs… Il est de bon ton de mettre en avant les « success stories » africaines. C’est ce sur quoi misent les nouveaux médias : ils se font l’écho de ce qui marche en Afrique. Dans les années quatre-vingt-dix, on n’arrêtait pas de parler de guerres, c’était le continent de la désespérance. Je préfère ouvrir un journal et voir le portrait d’une jeune entrepreneuse sénégalaise, d’un homme d’affaires ivoirien. Si on met en avant ce qui fonctionne, les gens changent leur regard et on donne confiance aux investisseurs et à la population.

Ne pensez-vous pas que la culture et l’éducation, via les médias, peut aider à estomper ces inégalités ?

Bien sûr, mais il faut des moyens. Dans les écoles, les classes sont surchargées. Parfois, il n’y a même pas de toilettes ni d’eau potable. Potentiellement, on peut faire de grandes choses mais, concrètement, il faut d’abord surmonter des obstacles. Il y a tellement de fonds à mobiliser pour réussir à scolariser correctement les jeunes. On nous parle d’ordinateurs, mais donnez-leur déjà un crayon !

Quelles solutions voyez-vous pour développer l’Afrique ?

La solution serait que les dirigeants voient d’abord l’intérêt général. Il faut mettre en place le développement pour toutes les strates de la population. La fuite de l’aide publique avive la colère des jeunes. Ils ont l’impression que le monde entier essaie d’aider l’Afrique mais que l’argent n’est pas toujours bien employé. Les pays intègres obtiennent de très bons résultats. La jeunesse donne confiance en l’avenir car elle vaut le coup d’investir. En 2050, un quart des jeunes du monde seront en Afrique. Mais la jeunesse est un chaudron bouillonnant, c’est aussi elle qui fait les révolutions.

Informer sur place ou à l'étranger

Le bâtiment du quotidien du soir abrite la rédaction du Monde Afrique. Photo DR

Lancé en janvier, le « petit dernier » des médias consacrés à l’Afrique semble être le bon élève. Les clés de sa réussite ? Aller chercher l’information à la source, grâce aux correspondants et envoyés spéciaux. Un juste équilibre entre journalisme de terrain et journalisme de bureau.

Les journalistes s’animent au quatrième étage du mythique immeuble du 13e arrondissement de Paris. La toute nouvelle rédaction du site internet Le Monde Afrique s’est installée dans une salle en open space pourvue de neuf ordinateurs. Sur les murs gris, quelques unes de M, magazine du Monde font office de décoration. À droite, près de la porte, le bureau de Serge Michel, le rédacteur en chef. Il répond à ses e-mails. Choix des sujets, rédaction d’articles, organisation de l’équipe… le travail du rédacteur en chef a de nombreuses facettes. À gauche, Marc Bettinelli s’occupe de la vidéo. Au fond, la secrétaire gère, entre autres, le réseau des contributeurs extérieurs, des pigistes et des correspondants. Les postes des autres journalistes sont répartis dans la salle.

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Lemonde.fr avait déjà un million de visiteurs uniques en Afrique chaque mois. En créant le site d’information dédié à l’Afrique, le quotidien du soir séduit ce nouveau lectorat sur Internet.
 

Il est 10 heures. Certains sont déjà à leur poste, d’autres arrivent et s’installent. Des fauteuils restent vides : Joan Tilouine est à l’ambassade du Burkina Faso, où il effectue une demande de visa pour un futur reportage ; Diane-Audrey Ngako, responsable des réseaux sociaux, est en Côte d’Ivoire pour rencontrer des créateurs de mode. Elle rejoindra ensuite Le Cap (Afrique du Sud) pour d’autres reportages. La moitié des 8 journalistes de la rédaction est issue de différents services du Monde. C’est le cas de Laurence Caramel ou de Pierre Lepidi, tout comme Olivier Herviaux qui relit et édite les articles pour le site. Quelques uns ont été recrutés chez les concurrents. Raoul Mbog vient tout droit de Slate Afrique et Joan Tilouine de Jeune Afrique.

Tous ont en commun l’amour pour ce continent, la curiosité et l’envie de partager. « Toute l’Afrique, et le meilleur du Monde », telle est la devise du média. Si on en croit Pierre Lepidi, le continent est une « mine d’or de sujets  ». Pour lui, c’est un beau défi que d’essayer de montrer la réalité d’un territoire dont les gens ont une vision souvent erronée.

Rentabiliser les voyages à l’étranger

La force du Monde Afrique  : travailler à la source de l’information. Avec la volonté de devenir un média francophone et non français. Avec la vingtaine de correspondants déployés sur le continent, l’objectif est atteint. Le mercredi a lieu la réunion de rédaction hebdomadaire. A 11 heures, les journalistes prennent place autour de la table ronde. Des exemplaires du Monde y sont disposés. On attend encore Marc Bettinelli qui commande de nouvelles cartes au service infographie.

Envoyer des reporters à l’étranger, c’est cher, mais on ne peut pas faire sans

Serge Michel

Il est 11 h 15. Serge Michel entame la réunion. Il évoque d’abord quelques points d’organisation. Les journalistes sont polyvalents. Ils partent chacun leur tour en reportage. Ils travaillent tantôt sur le terrain tantôt à la rédaction, tantôt ils préparent le voyage suivant, tantôt ils produisent des articles en temps réel. Un compromis idéal pour livrer une information de qualité. Envoyer des reporters à l’étranger, « c’est cher, avoue Serge Michel, mais on ne peut pas faire sans  ». Le média, bien distinct du quotidien, est encore tout jeune. Il faut constamment penser l’organisation. Chacun prend la parole pour proposer de nouvelles manières de se répartir les tâches. Faire simple et efficace.

Le site publie une quinzaine d’articles par jour. Pendant la réunion, Serge Michel continue de recevoir des mails avec des propositions d’articles. « Vous avez quoi dans les pipelines ?  » interroge-t-il. Pierre Lepidi revient tout juste du Rwanda. Un article sur les réfugiés burundais au Rwanda a déjà été mis en ligne quand il était sur place. Il lui reste trois papiers à terminer, des articles à l’actualité plus froide. « Lorsque nous partons en reportage, nous devons rentabiliser le voyage. Nous rentrons avec un maximum de sujets », explique-t-il. Christophe Châtelot, journaliste au service international du quotidien, passe une tête dans l’encadrure de la porte. Il vient proposer un sujet. La collaboration entre les deux rédactions est de mise.

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La journaliste franco-camerounaise Diane-Audrey Ngako, du haut de ses 23 ans, parle de l’Afrique qu’elle connaît. Son rôle est de capter les jeunes en trouvant des sujets « plus ludiques, plus sympas », notamment pour la rubrique Afric-Lab.

Photo DR

 

Une fois les prévisions d’articles listées, chaque journaliste retourne à ses occupations. Raoul Mbog reprend une interview réalisée la veille. Écouteurs dans les oreilles, enregistreur posé sur le bureau, il retranscrit les propos de la personne interrogée. De nombreux post-its sont étalés sur son bureau. Des magazines aussi. Il est revenu du Maroc il y a quelques jours. Laurence Caramel, cette semaine, s’occupe du « desk home », littéralement le « bureau maison ». En plus de relire et de mettre en ligne les articles des correspondants, elle fait un travail de veille, gère « tout ce qui nous dégringole sur la tête : le fil d’actualités ». Sur le site internet Le Monde Afrique, les articles sont parfois accompagnés de la mention « avec AFP » : ils sont produits à partir de papiers tout droit sortis des agences de presse et traitent de l’actualité dite chaude. Joan Tilouine, de retour de l’ambassade, termine également ses papiers. Il doit tous les boucler, car il part bientôt en vadrouille. Il prépare également une série d’été, encore secrète.

Il est 12 h 30. Le bureau se vide peu à peu pour la pause-déjeuner. À les voir gesticuler, on imagine qu’elle sera courte : tous ont du pain sur la planche. Créer un nouveau média n’est pas de tout repos. Le Monde Afrique n’a que quelques mois, il doit encore faire ses preuves, trouver son modèle. Les journalistes sont tous « sur les rotules », pour reprendre les propos de Laurence Caramel. Mais leur fatigue n’abîme pas leur ambition. Souriante, cette équipe plutôt jeune semble épanouie. Ensemble, ils sont partis à l’aventure, à la conquête d’un public, en Afrique comme en France. D’un public jeune et innovant, un public qui croit en l’avenir du continent. Et souhaite le faire changer.

Public africain : à l’abordage !

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Parler de l’Afrique à l’Afrique, c’est tendance dans les médias. Si la première aventure date de 1960 avec le magazine papier Jeune Afrique, d’autres initiatives vont suivre progressivement, d’abors dans l’audiovisuel. Au XXIe siècle, avec l’arrivée d’Internet et des réseaux sociaux, la course s’accélère.

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