Le budget participatif étudiant de l’Université de Tours concerne actuellement la faculté des Tanneurs. L’an prochain, il sera appliqué sur un autre campus tourangeau. Photo EPJT
L’Université de Tours vient tout juste de lancer la première édition de son budget participatif étudiant. C’est la première fois en France qu’une université donne la parole aux étudiants et leur destine une partie de son budget.
Par Benjamin BAIXERAS et Suzanne RUBLON
Les étudiants de la faculté des Tanneurs sont engagés, ce n’est pas une nouveauté. Ils s’impliquent et n’hésitent pas à bloquer leur université pour protester contre les lois que le gouvernement d’Édouard Philippe veut faire passer.
Pourtant, à l’heure des mouvements sociaux, de moins en moins de citoyens sont investis dans la vie démocratique et politique de leur pays.
Chez les 18-24 ans, 34 % se sont abstenus lors de la dernière présidentielle. Ce manque d’intérêt pour les organes politiques se ressent principalement auprès des jeunes, notamment chez les étudiants.
Une consultation étudiante
Des élections ont eu lieu le 20 mars 2018 pour le renouvellement des représentants des étudiants aux conseils centraux des universités de Tours. Le taux de participation était seulement d’environ 8 %.
Pour Thomas Thuillier, responsable du budget participatif étudiant de l’Université de Tours et professeur de droit à la faculté des Deux Lions, « ce taux est beaucoup trop faible et ne cesse de chuter depuis six ans, les chiffres le montrent bien. La politique n’est plus quelque chose que les jeunes affectionnent. »
Pour lutter contre ce désintérêt ambiant, Thomas Thuillier a voulu monter un projet concret au sein même du site des Tanneurs. Le campus de langues, lettres, arts et sciences humaines de Tours bénéficie du Budget participatif étudiant (BPE).
Lancé au début de l’année universitaire de 2017, le concept est simple. L’université de Tours alloue une part du budget normalement consacré aux associations afin de financer les projets que les étudiants proposent sur une plateforme numérique. Ces projets sont ensuite étudiés par les organisateurs du BPE qui décident, ou non, de leur faisabilité. Après cette première sélection, les étudiants votent pour leurs projets favoris.
« Si les étudiants votent moins, c’est aussi parce qu’ils ne comprennent pas quel est leur rôle dans la fac et ne voient pas ce que la fac peut faire pour eux », déclare Thomas Thuillier. Il explique que le budget participatif semblait être un des meilleurs moyens « pour les interpeller et les intéresser ».
2017 fut la première année d’expérimentation qui se focalise uniquement sur le campus des Tanneurs. Si le projet est une réussite, l’Université de Tours choisira de l’appliquer à un autre campus.
Les votes passent par une plateforme numérique, bpe.univ-tours.fr, et pour l’instant, 750 étudiants sur 8 000 se sont connectés sur le site afin de consulter la vingtaine de projets déposés. L’administration a réuni une somme de 30 000 euros qui provient des frais d’inscription à l’université.
Thomas Thuillier semble satisfait de cette première édition du BPE et souhaite que le mouvement s’étende aux autres universités. Il souligne tout de même certaines améliorations à faire, notamment sur la communication.
Des étudiants mitigés
Sur le campus des Tanneurs, les quelques étudiants présents devant le bâtiment sont mitigés sur ce projet novateur.
Clémence, étudiante en deuxième année de sociologie et lettres modernes, s’interroge. « Le budget participatif, c’est surtout une action organisée par l’administration de l’université pour se faire bien voir. Mais j’ai vu le résultat à l’université de Rennes 2 et je pense que ça peut être intéressant. » Elle ajoute : « Ce qui est clair, c’est que Tours n’a pas assez communiqué sur les moyens de financement, sur l’évolution ou sur les résultats du processus. »
D’autres étudiants sont beaucoup plus pessimistes. « Ce budget participatif s’inscrit directement dans la lignée de la démocratie locale et participative. C’est à dire qu’on donne juste assez aux gens pour qu’ils aient l’illusion de participer et d’être acteurs au sein de leur ville ou faculté. Je pense qu’il y a d’autres moyens d’intéresser les jeunes à la démocratie », déclare Juliette, étudiante, elle aussi, en sociologie.
Ces critiques ne semblent pas inquiéter l’Université de Tours qui prépare activement la deuxième saison du budget participatif. Les cinq projets de la première édition ont été dévoilés le vendredi 13 avril sur la plateforme numérique.
Pour les quelques étudiants présents ce jour-là à la faculté des Tanneurs, le budget participatif est encore loin d’être devenue une réalité.