L’Angevine Anne-Françoise Benoit est classée parmi les meilleurs chocolatiers de France. Dotée d’un caractère bien trempé, elle tient d’une main de fer une entreprise qu’elle a su développer et faire prospérer avec le soutien de sa sœur, Véronique.
Par Bénédicte Galtier
Pas question de rêvasser quand les commandes sont telles et les enjeux financiers si grands. « Nous réalisons 50 % de notre chiffre d’affaires entre mi-décembre et mi-janvier », explique Anne-Françoise Benoit. « À côté, Pâques, c’est de la rigolade », poursuit cette énergique brune au teint pâle et au regard bleu très franc.
Pourtant, Pâques, on y est . Et le rythme est trépident. Comme lors de chaque périodes de rush, elle s’est levée à 2 h 30. Au milieu de la matinée, elle a déjà assuré une grande partie de sa journée dans son laboratoire des Ponts-de-Cé, au sud d’Angers. On y prépare les soixante-dix variétés de chocolats proposés à la vente. L’après-midi, elle la passe dans sa boutique.
- 9 mai 1968 : Naissance à Angers
- 1992 : Maîtrise de sciences économiques à Paris 1 Panthéon-Sorbonne
- 1997 : Reprise de l’entreprise familiale, les chocolats Benoit
- 2003 : Award jeune talent du club des croqueurs de chocolat
- 2010 : Prix des douze meilleurs chocolatiers au salon du chocolat
- 2014 : Première femme à recevoir l’award de la meilleure chocolatière
- 2016 : Award «Gold » de l ‘Academy of Chocolate of London
Une fonceuse au sacré caractère
Volontaire et déterminée, la femme d’affaires a un « sacré caractère » si on en croit les dires, unanimes, de son entourage. Exigence et autorité font également partie de son tempérament. Ses quinze salariés le savent. Ses fournisseurs aussi. « Nous avons une image à tenir. Son exigence répond à celle des clients angevins », nuance Claire Biraud, son assistante commerciale, chargée des réseaux sociaux.
Si la chocolatière bannit l’esprit brigade et les « oui chef ! » de son laboratoire, elle avoue trouver la gestion de l’humain « bien compliquée » et considère qu’elle « pêche peut-être » sur le management. « C’est son caractère bien trempé, sa grande résistance physique et son sens de l’humour qui lui ont permis de réussir », analyse sa sœur Véronique Taverne, ancienne critique d’art, elle aussi reconvertie dans le chocolat. Elle a ainsi créé une succursale de Benoit chocolats dans le Marais, à Paris où elle nous reçoit.
A l’adolescence, Anne-Françoise Benoit se promet de fuir le « rythme infernal » parental. Elle obtient une maîtrise de sciences économiques et se spécialise dans la gestion des ressources humaines. Elle souhaite « diriger ». Sa carrière de DRH semble d’ailleurs toute tracée lorsqu’elle décroche un poste chez Axa. Pourtant, quand ses parents, proches de la retraite, annoncent qu’ils vont mettre en vente l’entreprise, tout bascule. Là, c’est viscéral, elle lâche son poste, trop administratif à son goût, et revient en Anjou.
Personne ne lui fait de cadeau
À moins de 30 ans, la voici à la tête de l’entreprise familiale. Femme, jeune, sans les diplômes adaptés, elle sait qu’elle cumule les difficultés pour se lancer. Et personne ne lui fait de cadeau. À commencer par les banques qui ne lui accordent pas le prêt bancaire artisan. Elle doit emprunter plus cher et plus longtemps. Il lui en faut bien plus pour altérer sa motivation. Si elle dispose d’une sacrée expérience acquise depuis l’enfance, en aidant ses parents, elle sait que cela ne suffira pas. Alors elle s’octroie du temps pour faire des stages chez Gaston Le Nôtre, Valrhona et chez son frère, devenu chocolatier à Lille.
Chaque lundi matin, c’est en tête-à-tête avec son père qu’elle apprend tous les rouages de la gestion de l’entreprise et de la confection de la ganache. La société tourne avec le personnel en place. Mais plus Anne-Françoise Benoit se forme et plus son palais s’affine. Un jour, alors qu’elle goûte la production élaborée par son responsable d’atelier, elle lui reproche un manque de saveur. La remarque agace sérieusement l’intéressé qui l’invite à faire elle-même les chocolats si ceux-ci ne lui conviennent pas. « Il ne le savait pas mais il m’a finalement rendu un précieux service ce jour-là. »
Elle s’essaie, tente, retente et se lance. Son responsable de production parti, elle prend le relais et part en quête des meilleurs cacaos. Il lui faut travailler le fondant de l’enrobé, améliorer la texture et sublimer encore les saveurs. Un vrai métier qu’elle perfectionne au fil des ans tout en combattant le machisme persistant des représentants. « L’homme au labo, la femme aux rubans, m’avait lancé l’un d’eux. Il s’est fait recevoir », commente-t-elle. Encore aujourd’hui elle s’irrite dès qu’on lui demande de « lui passer le patron ».
Les temps changent. L’Angevine a montré la voie à de jeunes chocolatières talentueuses à l’instar de Maureen Colombier, qui officie dans l’Hérault. Mieux, elle est devenue un exemple à suivre en décrochant la première l’award (le prix) de la meilleure chocolatière, en 2014. « En découvrant Anne-Françoise Benoit dans une revue spécialisée, je me suis dit : c’est possible », se remémore Fabienne Poix-Daude, qui a obtenu l’award 2018. Pas étonnant alors que chez ces trois professionnelles, les femmes soient nombreuses en boutique ou au laboratoire. La solidarité combative sans doute.
Pour découvrir les boutiques Benoit Chocolats et leur page Facebook
Bénédicte Galtier
@bene_galtier
41 ans.
Étudiante en année spéciale de journalisme.
Passionnée par l’action publique locale, le management, l’innovation, les relations internationales hispanophones. A travaillé auparavant en tant que chargée de communication interne dans le public et le privé. Passée par le magazine Management et le service Monde de La Croix.