Jupiter Junior

 

Malgré son air juvénile, Sacha Houlié est déjà un fin politicien. Son ascension fulgurante dans la deuxième circonscription de la Vienne et son placement volatil sur la scène politique rendent inévitable la comparaison avec un certain président de la République. Sauf que contrairement à Emmanuel Macron, le jeune député sait labourer le terrain quand c’est nécessaire.

 

Par Bastien LION (texte et photos)

Du haut de ses 29 ans, Sacha Houlié peut déjà se targuer d’un certain succès politique. Plus jeune vice-président de l’Assemblée nationale, il est le député de la deuxième circonscription de la Vienne depuis le 18 juin 2017. Au second tour de l’élection, face à un candidat Les républicains (LR) qui préparait pourtant sa candidature depuis des années, il l’a emporté avec 67,71 % des voix. Un large score pour un candidat jeune, peu connu des électeurs un an avant l’élection, cela ne vous rappelle rien ? La comparaison avec Emmanuel Macron arrive vite sur la table lorsque l’on parle de Sacha Houlié. Lui la balaye d’un revers de main : « Il est bien plus brillant que moi », sourit-il derrière ses lunettes rondes.

Sacha Houlié, interrogé par France 3 devant les locaux de l’entreprise Richard-Laleu, à Iteuil.

Pourtant, si une grande partie des députés de La république en marche (LREM) ont connu une première partie de mandat délicate due au manque d’expérience, Houlié fait partie de ceux que le parti présidentiel met volontiers en avant. Une manière de remercier celui qui a été l’un des premiers à croire dans la candidature du futur président. Souvent invité par les médias nationaux pour défendre les projets du gouvernement, il semble passer des heures à travailler ses différents dossiers. Selon Baptiste Bize, journaliste pour La Nouvelle république et Centre presse à Poitiers, le profil de Sacha Houlié est « symptomatique de cette génération de députés constituée de premiers de la classe, très techniques mais pas forcément habitués au terrain ».

« Emmanuel Macron est bien plus brillant que moi »

Sacha Houlié

Se qualifiant lui-même de « besogneux », Houlié cherche peut-être à tuer dans l’œuf l’inévitable procès en illégitimité que l’on dresse souvent aux jeunes loups en politique. Mais comme Emmanuel Macron avant lui, il n’y échappe pas. En septembre dernier, le député LR Guillaume Larrivé l’accusait d’« arrogance juvénile » depuis les bancs de l’hémicycle.
De l’autre côté du spectre politique, Fréderic Abrachkoff, candidat malheureux de la France insoumise pendant les législatives, en garde un souvenir similaire : « On s’est croisé lors d’un débat avant le premier tour, raconte-t-il. Je l’ai trouvé déjà très formaté pour son âge, avec son costume cravate et son côté gendre idéal. Il manquait de spontanéité et semblait assez hautain, surplombant par rapport aux autres. »
A Vouillé, devant les élèves du collège La-Chaume, Sacha Houlié présente le travail du député.
Pour contrer cette image, Sacha Houlié s’est bien entouré, en récupérant notamment très tôt le soutien de la députée sortante, la socialiste Catherine Coutelle. Des années auparavant, c’est avec cette dernière qu’il avait fait ses premiers pas sur la scène politique locale. Engagé dans le Mouvement des jeunes socialistes (MJS), Houlié est alors un étudiant en droit attaché à la doctrine Strauss-Kahnienne du parti.

Idéalistes, lui et quelques-uns de ses camarades s’engagent auprès de la candidate Coutelle, dans une circonscription loin d’être gagnée d’avance. « Ils m’ont fait une campagne d’enfer », se souvient-elle. Pendant cette bataille, Houlié découvre les vertus du terrain et de la proximité. « On a fait du porte-à-porte dans les communes de la circonscription, de janvier à juin », témoigne Catherine Coutelle. Présidente de son comité de campagne lors des législatives de 2017, elle ajoute : « Il a une grande différence par rapport à d’autres candidats LREM, c’est qu’il a lui-même été militant. Il sait ce que c’est qu’être sur le terrain. » Pendant sa campagne, Houlié arpente donc les trente-sept communes de son territoire une à une, à raison de deux réunions par soir.

Sept mois après son élection, il entretient cette culture du terrain. C’est peut-être ce qui le différencie le plus d’Emmanuel Macron, en plus de son mandat local. La déconnexion jupitérienne, très peu pour lui. Quand il n’est pas à l’Assemblée, Sacha Houlié écume les quatre coins d’une circonscription qu’il connaît « comme [sa] poche ». Devant des élèves de troisième, il vient expliquer le fonctionnement des institutions de la République et pousser les collégiens à s’engager. D’entreprise en entreprise, il n’hésite pas à brosser dans le sens du poil les acteurs majeurs de l’économie locale, usant de ses talents d’orateur pour charmer ses interlocuteurs. Le président d’un syndicat agricole local l’accoste à la sortie d’un bar ? Pas de problème, rendez-vous est pris pour régler dans les plus brefs délais le litige évoqué.

Un démocrate à l’américaine

En se faisant connaître parmi ses concitoyens, il efface peu à peu les rumeurs de parachutage dont se servent ses adversaires. Certes, il est avocat dans un cabinet parisien après des études terminées à Panthéon-Assas. Mais sa jeunesse, c’est bien dans la Vienne qu’il l’a passée. Fils d’une institutrice et d’un chaudronnier, il a connu ses premiers engagements au lycée pilote innovant du Futuroscope, en 2006, lors des manifestations contre le contrat première embauche (CPE). Une époque qu’il se prend souvent à évoquer, cultivant un passé résolument de gauche même si, comme le rappelle Baptiste Bize, « ce n’était pas un rouge non plus ! »

« Il est libéral sur le plan des idées, mais interventionniste sur le terrain économique. »

Jules Aimé, conseiller municipal socialiste de Poitiers

Que reste-t-il, aujourd’hui, de cette gauche ? Pour Jules Aimé, conseiller municipal socialiste de la ville de Poitiers et camarade de Sacha Houlié pendant ses années MJS, il est difficile de placer ce dernier sur l’échiquier politique. « C’est avant tout un démocrate, au sens américain du terme, analyse-t-il. Il est libéral sur le plan des idées, mais interventionniste sur le terrain économique. » Avec la gauche, et plus particulièrement avec la gauche socialiste, c’est un peu « je t’aime, moi non plus ». Déçu de ne pas avoir été compris par ses camarades quand il défendait la loi Macron, il a quitté le MJS en juin 2015 pour former le mouvement Les jeunes avec Macron. Aujourd’hui encore, il ne cache pas son inimitié avec Alain Claeys, le maire socialiste de Poitiers. « Le monde change et on ne peut pas l’arrêter », souligne-t-il, enterrant à demi-mot un parti en perdition depuis le camouflet subi par Benoît Hamon à la présidentielle.
Comme tout bon politicien, le député n’a pas échappé à la traditionnelle charlotte lors de sa visite de l’entreprise Richard-Laleu.
Pourtant, ce sont des paroles de gauche que l’on entend lorsqu’on lui demande les raisons de son engagement politique. « Protéger les gens », « leur donner des droits », « stopper l’exclusion »… Pour lui, c’est bien avec Emmanuel Macron que ces ambitions seront atteintes. Le même Macron qu’il défend bec et ongle sur les plateaux de télévision lorsqu’on l’attaque, par exemple, sur la suppression de l’Impôt sur la fortune (ISF).

Jeune mais déjà fin politicien, technocrate mais proche du peuple, idéaliste mais pragmatique, capable de dégainer des répliques techniques tout en envoyant des textos avec son Smartphone… Sacha Houlié est un équilibriste politique. Selon lui, deux mandats seront nécessaires pour mener à bien les projets de sa majorité politique. Après cela, il affirme vouloir retourner travailler dans le privé. Même si Jupiter en personne l’appelle pour un poste ? Difficile à croire. Et pour cause, il semble tout droit sorti de sa cuisse.

Bastien Lion

@BastienLion
24 ans
Etudiant en Année spéciale à l’EPJT.
Passé par La Nouvelle République à Poitiers et à Châtellerault et chez Pixels. Passionné de culture numérique.  Aimerait travailler sur les nouvelles écritures journalistiques.