Instruments recyclés

Musique réinventée

Photo : Rhaïs Koko/EPJT

Musicien mauricien, Kan Chan Kin allie amour de la musique et conscience écologique. Grâce à des matériaux recyclés, il fait revivre les instruments de son île.

Par Rhaïs KOKO

Plastique, caoutchouc, bois, bambou… Tout peut être réutilisé pour en faire un objet unique. Depuis 2013, Kan Chan Kin, musicien à l’île Maurice, récupère tout ce qui lui tombe sous la main pour fabriquer ses propres instruments en matériaux 100 % recyclés. « Je m’ennuyais à répéter des notes de musique par habitude. Il fallait que je donne un sens à ma pratique », sourit-il. 

Dans sa maison familiale faite de bois nichée sur les hauteurs du quartier verdoyant Beau Bassin-Rose Hill, au sud de Port-Louis, il a, depuis, créé plus d’un millier d’instruments de musique et il publie un guide de fabrication qui porte le nom de sa marque : Trash to music.

Le Mauricien s’est d’abord renseigné sur la genèse des instruments sur l’île. Bobre, zeze, vali, ravanne ou kamale ngoni sont tous nés à l’époque de la colonisation (XVIIIe siècle). Un mélange entre les cultures africaines et asiatiques. « Grâce à ces recherches, je me suis rendu compte que les instruments étaient originellement faits de matières naturelles. J’ai voulu faire un retour aux sources », explique-t-il.

Cet instrument est réalisé avec une tige d’aspirateur et du plastique. Vidéo : Rhaïs Koko/EPJT

Kan Chan Kin a créé cet instrument à partir de cylindres en carton et en verre ainsi que d’un long ressort. Vidéo : Rhaïs Koko/EPJT

Un instrument rond fait de bois et de peau d’animal. Vidéo : Rhaïs Koko/EPJT

Cela a aussi été un moyen de pérenniser certains instruments en voie de disparition et de les faire renaître en leur offrant une visibilité. « Le choix des matières utilisées pour les créer dépend du contexte culturel dans lequel ils sont nés. C’est pourquoi je les remets au goût du jour. » Il est formel, le plastique, « c’est une bonne matière car durable, légère et qui résiste aux intempéries ».

L’Île Maurice, subit des problèmes écologiques sévères. Blanchissement des coraux dû au réchauffement climatique, pollution marine, surpêche, érosion côtière… les problèmes sont multiples. Alors, les matériaux qu’il réutilise, Kan Chan Kin peut les récupérer un peu partout. Dans la rue, « cette triste poubelle a ciel ouvert », dans les déchetteries, chez des amis ou chez des membres de sa famille. « Au début, la plupart ne comprenaient pas pourquoi je faisais ça. Il me reprochaient d’encombrer mon lieu de vie », se souvient-t-il.

Kan Chan Kin est aussi présent sur les réseaux sociaux notamment Instagram. Pendant le confinement, en 2020, il publiait des vidéos qui présentaient ses instruments de musique rafistolés. Il a alors remarqué que « beaucoup ne savaient même pas qu’on pouvait faire des sons avec des bouteilles en plastique ». C’est ainsi qu’il a commencé à partager son savoir-faire.

Cette guitare a été réalisée à partir de boîtes de gâteaux. Photo : Rhaïs Koko/EPJT

Aujourd’hui, il travaille notamment avec des enfants pour leur montrer les joies de l’art manuel et musical. « Enfants comme adultes, dès la première utilisation, ils sont toujours fascinés », se réjouit-il. En 2021, il a été décoré par l’ancien président de la République de Maurice, Prithvitajsing Roopun.

Sa conscience écologique, Kan Chan Kin l’a mûrie « dans l’agacement de la non-action des autres, assure-t-il. Je pense qu’il faut que chacun réalise qu’il peut être utile à sa petite échelle ». Il précise qu’il ne cherche pas à faire culpabiliser. Et conclut : « J’agis. C’est tout. »

Rhaïs Koko

@rhais_koko
24 ans
En master 2 spécialité Presse écrite à l’EPJT
Intéressé par les sujets de société et de culture
Passée par La Nouvelle République, Le Parisien et bientôt par l’AFP
Tous les matins à l’écoute de France Inter, chaque jour à la lecture du Monde