L’épicerie Nous anti-gaspi de Saint Cyr-sur-Loire sauve des produits proche de leur date limite de consommation. Photo : Eva Pressiat/EPJT
Avec l’inflation, les besoins des banques alimentaires se font de plus en plus importants et la pression contre le gaspillage alimentaire de plus en plus forte. Plusieurs lois encadrent la lutte contre ce gaspillage dans les supermarchés en France. Mais ces textes ne prévoient pas de contrôles. Les grandes et moyennes surfaces ont toutefois fourni des efforts pour réduire leurs déchets.
Par Eva Pressiat et Maël Prévost
Aujourd’hui, il n’y a pas grand chose », se désole Éric Maguet sur le quai de chargement du Super U au nord de Tours. Il est 9 heures en ce lundi de décembre. Dans le chariot qui vient de lui être amené, quelques yaourts à boire, deux paquets de pâtes mais « pas de plat préparé », râle-t-il dans le col de sa polaire orange.
C’est le deuxième supermarché de sa « ramasse » quotidienne pour la Banque alimentaire de Touraine.
Une fois les quelques denrées chargées à l’arrière du camion frigorifique, Éric Maguet reprend le volant, direction Auchan. Il en aura pour cinq minutes. Le temps pour lui de nous expliquer que « la Banque alimentaire a un véritable rôle social ». Il en est le parfait exemple : après avoir été bénévole une dizaine d’années, Éric Maguet a finalement été embauché en CDI. « Et franchement, ça m’a sauvé », sourit-il.
Une aubaine pour cet ancien sableur qui a bénéficié des distributions de nourriture lorsqu’il était sans- emploi. Il fait désormais partie des trois salariés de la Banque alimentaire de Touraine.
Derrière le supermarché à l’oiseau rouge, il faut montrer patte blanche. Un mur de 2,5 mètres entoure la zone, surmonté de fils barbelés et de caméras de surveillance. Les trois membres de la Banque alimentaire pénètrent derrière le magasin, là où les denrées destinées à la poubelle croisent celles redistribuées aux associations caritatives.
En Indre-et-Loire, les bénévoles de la Banque alimentaire centralisent les invendus des grandes surfaces. Ils contribuent à la lutte contre le gaspillage alimentaire. Photo : Eva Pressiat/EPJT
Le travail d’Éric Maguet à la Banque alimentaire s’est intensifié depuis 2016. Les grandes surfaces sont devenues plus généreuses et les dons ont augmenté. La raison ? La mise en place de la première loi pour lutter contre le gaspillage alimentaire.
En France, 10 millions de tonnes de nourriture sont jetées chaque année selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). C’est l’équivalent de 16 milliards d’euros qui finissent à la poubelle.
Guillaume Garot, député socialiste de la Mayenne, a donné son nom à cette loi votée au Sénat le 11 février 2016. Elle oblige les grandes surfaces de plus de 400 mètres carrés à passer des conventions avec les associations humanitaires afin de redistribuer leurs invendus.
« Les dons des grandes surfaces aux associations ont augmenté d’à peu près 25 % en trois ans », explique le député. « On a vu une vraie évolution. Avant 2016, on récoltait à peine 1 000 tonnes de denrées. En 2021, on en a récolté 1 600 », confirme Jean-Paul Baunez, le président de la Banque alimentaire d’Indre-et-Loire.
Deux autres lois ont encadré la lutte contre le gaspillage alimentaire. La loi Egalim, votée en 2018, impose à la restauration collective et à l’industrie agroalimentaire de réaliser des diagnostics et de donner leurs invendus à des associations caritatives.
La loi Agec de 2020 est le dernier texte en date sur le sujet. Volonté affichée : réduire de 50 % la quantité de nourriture jetée d’ici 2025. Un objectif jugé très ambitieux.
Laurence Gouthière, chargée des études sur le gaspillage alimentaire à l’Ademe, explique : « À chaque étude, nous démontrons que c’est possible de réduire de manière facile et rapide 20 à 30 % du gaspillage. Mais l’écart pour atteindre les 50 % est énorme. Cela implique de vrais changements de pratiques. »
Problème : aucun chiffre ne permet de confirmer ces estimations. Tout est prévu pour réduire le gâchis mais un paramètre manque : l’évaluation des dispositifs.
Trois lois encadrent la lutte contre le gaspillage alimentaire. Maël Prévost/EPJT
La raison de ce manque d’information sur l’efficacité des lois antigaspi : l’absence de contrôle. L’Ademe n’a qu’un rôle de conseil. Pointer du doigt les anomalies au sein des grandes surfaces ne fait pas partie de son champ de compétences. La direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf), l’organisme rattaché au ministère de l’Agriculture, ne se charge pas non plus de faire le gendarme.
Mais alors qui contrôle ? Comment vérifier que les grandes surfaces de plus de 400 mètres carrés ne javellisent plus leurs invendus et signent une convention avec des associations ? Aucune réponse dans la loi Garot. En théorie, ces vérifications sont à la charge de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Dans les faits, « l’État n’a pas du tout les moyens de faire appliquer ces lois, regrette Laurence Gouthière. Aucun risque ne plane au-dessus de la tête des grandes surfaces. » Ce ne sont pas les organismes d’aide alimentaire qui vont faire les signalements. Ils dépendent de la grande distribution pour leur approvisionnement. En Indre-et-Loire, 39 % du stock de la Banque alimentaire provient des grandes et moyennes surfaces (GMS) affirme son président, Jean-Paul Baunez. Dénoncer une grande surface qui ne respecterait pas la loi, ce serait prendre le risque de perdre des dons importants.
« Le gaspillage, c’est une aberration écologique, économique et, éthiquement, c’est insupportable »
Graziella Melchior
Un personnage surfe sur le phénomène du gaspillage alimentaire : Arash Derambarsh. Accusé d’avoir plagié la thèse qui lui a permis de devenir avocat, il a été radié du barreau de Paris en 2021. Il prétend être à l’origine de la loi Garot mais le député dément. Pourtant, M. Derambarsh est un acteur majeur de la lutte contre le gaspillage alimentaire. Il a gagné en 2019 le prix Win Win, symbole de son engagement pour le développement durable. Son objectif : faire condamner les GMS qui jettent leurs invendus alimentaires.
Afin de pallier le manque de contrôle, Arash Derambarsh a développé une méthode bien à lui : prendre les entreprises en flagrant délit. Cet adepte des opérations coup de poing opte pour la manière forte. Informé par des lanceurs d’alerte, salariés ou ex-salariés de supermarchés, il vient faire constater les infractions des grandes surfaces par un huissier de justice. Une action qui questionne l’efficacité des règles en vigueur.
Car ces lois antigaspi présentent des failles. Nuhtu Yorga, directeur commercial de plusieurs enseignes Carrefour, dans la région de Vichy, résume : « Grâce à la loi, les produits ont une seconde vie. C’est bien. Mais la gestion des invendus et le gaspillage alimentaire restent inchangés. La législation ne les a pas réduits. » Cette faille n’a pas été comblée par les lois Egalim ou Agec.
Afin de renforcer la lutte contre le gaspillage alimentaire, une nouvelle proposition de loi est dans les tuyaux. Elle est portée par deux députés : Karl Olive, Renaissance, et Philippe Juvin, Les Républicains.
🥪 Karl Olive, député des Yvelines, souhaite lutter contre le gaspillage alimentaire. 🎙 "Le gaspillage alimentaire coûte 16 milliards par an en France", constate-t-il #ApollineMatin pic.twitter.com/jGhcutYV3K
— RMC (@RMCInfo) November 18, 2022
La proposition de loi a déjà été transmise à Bercy en février dernier. La ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, Olivia Grégoire, a pris connaissance du projet. En effet, les supermarchés dépendent de ses compétences. Mais elle ne sera pas la seule à traiter le sujet. La question du gaspillage alimentaire concerne aussi la ministre Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires chargée de l’Ecologie.
« Nous espérons présenter la loi au groupe Renaissance d’ici avril », affirme-t-on du côté de la permanence parlementaire de Karl Olive. L’objectif premier était d’inscrire cette loi à l’ordre du jour à la rentrée parlementaire de septembre 2023. Mais dans un contexte de débat du projet de loi sur les retraites, le gaspillage alimentaire n’était clairement pas la priorité de la majorité présidentielle. Et en 2023, l’agenda parlementaire a été chargé.
Autre couac dans l’organisation politique du projet, Philippe Juvin a laissé tomber le sujet. « Les députés Les Républicains ont eu interdiction de travailler sur des textes transpartisans », regrette-t-on du côté de la permanence de Karl Olive. Le député Renaissance est donc seul à porter ce projet de loi, qui a pris du retard. « Nous avons présenté le texte aux ministres compétents et nous travaillons avec la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, NDLR). » Le député Renaissance espère pouvoir présenter son projet de loi devant l’Assemblée Nationale début 2024.
Si cette loi venait à être votée, les GMS de moins de 200 mètres carrés devraient, à leur tour, se plier aux règles. « Cela représente 5 000 points de vente supplémentaires », explique Karl Olive. Il est également prévu que l’amende double : une grande surface pourra être sanctionnée à hauteur de 20 000 euros en cas de non-respect des lois. La question des contrôles est également abordée dans cette proposition : « Nous allons essayer de mieux contrôler via les agents de la DGCCRF afin que des formulaires soient régulièrement remplis et transmis au gouvernement », poursuit le député. Mais pour le moment, ce texte ne fait pas l’unanimité.
Graziella Melchior, députée Renaissance, a fait le choix de ne pas cosigner cette proposition de loi. « Je pense que c’est plus pertinent d’évaluer les textes déjà existants que d’en écrire un autre. »
Elle a réalisé en 2019 un rapport d’évaluation de la loi Garot. La députée du Finistère n’est pas indifférente au sujet : « Le gaspillage, c’est une aberration écologique, économique et, éthiquement, c’est insupportable. »
L’une des conclusions de son rapport précise : « Les services de l’État doivent commencer par mettre en œuvre les contrôles et les accentuer pour faire respecter la loi de 2016. »
« Pour qu’il y ait des amendes, il faut qu’il y ait des contrôles », affirme la parlementaire, qui se
Graziella Melchior, députée Renaissance du Finistère, a rédigé en 2019 une évaluation de la loi Garot. Maël Prévost/EPJT
satisfait tout de même des efforts qui ont été faits par les grandes surfaces. Elle souhaite éviter la chasse aux sorcières. « Si on procède ainsi, on va occuper beaucoup de contrôleurs pour un résultat peu concluant au final. »
Dans son rapport, Graziella Melchior rappelle que la loi Garot permet de réduire le gaspillage alimentaire en incitant à la prévention, aux dons aux associations et aux agriculteurs pour alimenter les animaux, ou en transformant les déchets en compost ou en méthane.
Si la loi n’est pas complète, la gestion du gaspillage dépend, de fait, de la politique de chaque enseigne. Certaines grandes surfaces ont développé leur propre système de régulation. C’est le cas de Carrefour qui a mis en place des contrôles internes obligatoires. Tous les trimestres, fraîcheur et procédures d’hygiène sont passées au crible. « Grâce aux notes que nous obtenons, nous recevons des primes par magasin. Nous avons tout intérêt à respecter ces normes », confirme Nuhtu Yorga, directeur commercial de plusieurs enseignes Carrefour, dans la région de Vichy.
« Parfois la gestion du stock est aberrante »
La Banque alimentaire et les Restos du cœur le reconnaissent : la grande distribution semble avoir pris à bras le corps la problématique du gaspillage alimentaire. De nombreuses enseignes redistribuent leurs invendus à des associations humanitaires. Ou, fait nouveau, se chargent elles-même de la distribution via des paniers très peu chers.
Néanmoins, face au manque de vérification, personne ne sait réellement si toutes les grandes surfaces respectent ces lois. La gestion du gaspillage alimentaire reste tabou et des aliments consommables sont encore jetés.
« Parfois la gestion des stocks est aberrante. Au drive de Leclerc de Tours Nord, c’est fou ce qu’ils jettent », constate l’un des 120 bénévoles de la Banque alimentaire de Tours. Impossible d’obtenir confirmation de la part de l’enseigne. Même constat à l’hypermarché d’Auchan Tours Nord : ils n’ont pas souhaité répondre à nos questions.
Mélanie* travaille sous contrat étudiant dans un Intermarché des Landes. Elle témoigne de la quantité de nourriture qu’elle voit jeter chaque week-end : « Si l’emballage est abîmé, c’est jeté même si l’intérieur est intact. La semaine dernière, des boîtes de cordon bleu étaient un peu amochées. Cela ne correspondait pas aux règles esthétiques. Donc ça a fini à la poubelle. »
Parfois, certains produits rejoignent la benne à ordure par manque de vigilance : si un produit frais reste en dehors de sa zone froide entre dix à vingt minutes, il ne peut pas être remis en rayon. Il suffit qu’un client laisse un produit en caisse ou en dehors d’un rayon frais pour qu’il termine à la benne.
La gestion des stocks peut aussi être à l’origine du gaspillage alimentaire. « Il y a parfois des erreurs de prévision. Nous faisons tout pour vendre le sur-stock. Sinon, c’est de la casse. C’est la vie d’un magasin », reconnaît Nuhtu Yorga.
Partout, les alternatives antigaspi se multiplient et pas uniquement dans les supermarchés. Par exemple, Charles Lottmann a développé, en 2018, un concept novateur : les épiceries Nous anti-gaspi. Le but : récupérer les stocks et invendus de la grande distribution et les revendre à bas coût.
Christophe Fkierfki, directeur de l’enseigne de Saint-Cyr-sur-Loire, explique : « Nous ne récupérons pas les invendus alimentaires directement auprès des supermarchés alentour. Tout passe par notre service d’achat qui nous livre tous les matins. » Une solution qui permet aux clients d’acheter moins cher et aux produits alimentaires de ne pas finir à la poubelle. Dans ces boutiques, contrairement aux GMS, les employés ont le droit de récupérer les invendus du jour.
« Le prix moyen est de 4 euros »
Six ans plus tôt, Paul-Adrien Menez avait lui aussi songé à investir dans le milieu de la lutte contre le gaspillage alimentaire. Il a ainsi créé les rayons antigaspi dans les grandes et moyennes surfaces « L’idée est de mettre en avant les produits à consommer rapidement », explique l’entrepreneur nantais.
Depuis son lancement en 2012, l’activité de l’entreprise s’est étendue. Elle a mis au point un logiciel, Smartway. Son objectif : valoriser la mise en rayon dans les supermarchés. Auchan a fait le choix d’équiper 354 de ses magasins avec cette nouvelle technologie. Ainsi, les employés savent quels produits arrivent en fin de vie et lesquels peuvent être remisés ou donnés aux associations.
Too good to go est une autre alternative, l’une des plus connues chez les particuliers. L’idée de cette plateforme, née au Danemark, est de mettre en relation des magasins avec les utilisateurs de l’application. En fin de journée, les boulangeries, supermarchés ou restaurants composent des paniers avec des produits à date limite de consommation. Ces paniers-repas sont ensuite mis en vente sur l’application.
« Le prix moyen est de 4 euros », explique Luisa Ravoyard, chargée de communication de Too good to go. Ces plateformes sont de plus en plus nombreuses. Elles prennent de l’ampleur et étendent leurs activités. De telle sorte que la création d’un marché du gaspillage alimentaire se dessine. Too good to go est parfois accusé de faire du business sur les invendus, au détriment des banques alimentaires.
Cette nouvelle manière de gérer les stocks n’est en effet pas sans conséquence pour elles : moins de stocks, moins de dons. Jean-Paul Baunez, président de la Banque alimentaire de Touraine, résume : « C’est bien, mais ça ne va pas chez nous. » L’aide alimentaire se tarit et les bénévoles des associations accusent le coup alors que les bénéficiaires se font de plus en plus nombreux.
« Quand tu demandes à un hypermarché de mettre 200 paniers sur l’application, ce sont des produits qui n’iront pas aux associations d’aide alimentaire »
Clément Carreau
L’institut CSA a publié lundi 27 février 2023 une étude réalisée à l’automne : plus d’un tiers des personnes qui font appel à une structure d’aide alimentaire s’y rendent depuis moins de six mois. Le pouvoir d’achat des Français s’amenuise alors que l’alimentation reste le deuxième poste principal de dépense. « Au total, 2,4 millions de personnes bénéficiaient de l’aide alimentaire fin 2022, soit trois fois plus de personnes qu’il y a dix ans », écrit l’AFP.
La campagne hivernale des Restos du cœur a débuté le mardi 21 novembre 2023, dans une année hors-normes pour l’association. D’abord parce qu’entre 2022 et 2023, près de 200 000 personnes supplémentaires ont poussé la porte de l’association. Plus de la moitié des 1,3 million de bénéficiaires sont des mineurs, assure l’association. Ensuite parce que le niveau de revenus qui donne droit à l’aide alimentaire a baissé, une première dans l’histoire des Restos du cœur. Il s’agit là d’un indicateur significatif de l’inflation, tout comme le nombre de demandeurs d’aide qui continue d’augmenter. Au point que, cette année, les Restos sont obligés de refuser, plus qu’auparavant, des personnes venues demander de l’aide pour se nourrir.
Les Banques alimentaires peinent aussi à maintenir leurs stocks qui sont redistribués aux différentes associations. Elles sont contraintes d’acheter de la nourriture. Un comble car il faut rappeler que le gaspillage alimentaire représente 10 millions de tonnes jetées chaque année, soit un tas d’aliments qui équivaut à 1 000 fois le poids de la Tour Eiffel selon Greenpeace.
Clément Carreau, responsable des relations publiques pour Phénix, est parti du même constat : « Quand tu demandes à un hypermarché de mettre 200 paniers sur l’application, ce sont des produits qui n’iront pas aux associations d’aide alimentaire. »
Phénix, entreprise française, s’est imposée sur le marché. Cette application, créée en 2014, se distingue aujourd’hui par son rôle d’intermédiaire entre industriels, grossistes, grande distribution et associations. « Grâce à nous, les hypermarchés donnent davantage chaque jour car nous les formons aux règles du don », explique Clément Carreau.
Quand le gaspillage alimentaire devient un business. Infographie : Maël Prévost/EPJT
Au-delà de la lutte contre le gaspillage alimentaire, beaucoup souhaitent un changement plus en profondeur du système de consommation. Pour Laurence Gouthière, de l’Ademe, « tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut réduire le gaspillage. Mais c’est toujours la faute de l’autre. Dans un magasin, il y a 200 références de yaourts : personne n’a besoin d’avoir autant de choix ».
Il faut noter que les consommateurs contribuent grandement au gaspillage alimentaire : 33 % des pertes sont dues à la restauration collective et commerciale ou à la consommation à domicile. Ces chiffres de l’Ademe font des consommateurs les premiers gaspilleurs de la chaîne alimentaire. Parmi eux, les foyers jouent un rôle prépondérant.
En 2019, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et l’ONG britannique Wrap ont publié un rapport sur l’indice du gaspillage alimentaire. Cinquante-quatre pays ont été analysés. La notion de gaspillage renvoie, dans cette étude, aux aliments perdus ou jetés une fois commercialisés.
Bilan : pour 121 kilos de denrées gaspillées chaque année par habitant du monde, 74 kilos le sont par les ménages. En moyenne, en France, une personne jetterait 85 kilos de déchets alimentaires par an.
Si les consommateurs sont acteurs du gaspillage alimentaire, ils peuvent aussi le combattre. Graziella Melchior, la députée Renaissance, suggère même d’orienter les travaux du gouvernement vers les particuliers : « Est-ce que c’est en cherchant les mauvais élèves que l’on va lutter efficacement contre le gaspillage alimentaire ? Moi, je préfère que l’argent que l’on peut mettre dans les contrôles soit plutôt mis dans une bonne campagne de communication. Il faut expliquer aux gens pourquoi on peut encore manger des produits qui ont dépassé la date de durabilité minimale. On aura mieux rempli notre objectif. »
Tous les acteurs de la chaîne alimentaire participent au gaspillage alimentaire, du producteur aux consommateurs.
Source : Ademe. Infographie : Maël Prevost/EPJT
Les collectivités territoriales peuvent aussi avoir un rôle à jouer. À Rennes, par exemple, la municipalité a installé des bacs à compost collectifs et distribuera, d’ici 2024, un bio-seau à chaque foyer. C’est d’ailleurs une idée qui tend à se généraliser : comme prévu par la loi Agec et la réglementation européenne, les Français devront pouvoir trier les biodéchets à compter de 2024. L’idée est d’inciter les habitants à trier davantage et de leur faire prendre conscience qu’une part importante de leurs poubelles est remplie par des aliments.
La métropole de Bordeaux s’engage aussi à sensibiliser contre le gaspillage alimentaire. Cela se passe dès le plus jeune âge, dans les écoles élémentaires. Table de tri, pesée des déchets, menus végétariens. Autant de mesures mises en place dans les cantines de la ville. On s’aperçoit que dans les écoles test, la production de déchets a diminué entre 15 et 30 %. Le gaspillage alimentaire aussi. Ainsi, la municipalité espère faire évoluer les comportements.
Au-delà de ces initiatives locales, un changement global des mentalités semble se dessiner. Jusqu’où sommes-nous prêts à aller ?
Eva Pressiat
@evaprsst
21 ans.
Journaliste en formation à l’EPJT.
Passée par Midi Libre, Radio Aviva et Le Télégramme.
Soleil, partage et RnB sont ses maîtres-mot.
Passionnée par les sujets politiques, numériques et par la société dans son ensemble.
Réalise sa 2e année en apprentissage à France 3 Brive
Aspire à devenir rédactrice télé.
Maël Prévost
@MaelPrevost
22 ans.
Journaliste en formation à l’EPJT, en spécialité radio.
Passion air marin et beurre salé.
Passé par Le Télégramme, Le Mensuel de Rennes, Ouest France, France Inter et France Bleu BZH.
À l’aise dans le studio de Radio Campus les vendredis matins mais impatient de retrouver le terrain.
Intéressé par la politique, les sujets sociétaux et l’écologie.