Épilogue
Retrouvera-t-on un jour le canal sous l’autoroute qui sépare la ville de Tours de celle de Saint-Pierre-des-Corps ? Photo Laure Colmant
La métropole réduit progressivement la place dévolue aux véhicules en supprimant prochainement, par exemple, 600 places de stationnement. L’annonce en a été faite le 4 avril 2024, avec le dévoilement du plan d’apaisement 2024-2025 de la métropole et de la ville de Tours.
Dès 2025, Tours devient un « territoire de vigilance », ce qui devrait couvrir la ville-centre et une ou plusieurs communes alentour. L’accès des véhicules les plus vieux et les plus polluants sera interdit. En réalité, sur la base des véhicules immatriculés au sein de la métropole, cela ne concernerait que 1 % du parc automobile.
Toutefois, la transition vers les véhicules électriques ou la réduction de la place de l’automobile fait craindre à beaucoup une baisse contrainte de la mobilité. Le mouvement des « gilets jaunes » (et celui des « bonnets rouges » en Bretagne avant lui) a, en effet, été déclenché par l’augmentation annoncée de la taxe carbone sur les carburants.
Mais la métropole ne se repose pas sur une simple conversion des automobilistes à la voiture électrique. Elle mise, nous l’avons vu, sur d’autres moyens de transport. Docteure en urbanisme, Marie Huygue est catégorique : « C’est difficile à faire entendre, mais nous n’arriveront pas à trouver un mode aussi simple et confortable que la voiture. »
La municipalité tourangelle, étiquetée écologiste, souhaite favoriser la pratique du vélo, mode de déplacement doux. Des itinéraires cyclables et aménagés vont structurer le territoire, pour les cyclistes du quotidien, plus seulement pour les cyclotouristes de la Loire à Vélo.
La deuxième ligne de tramway entre La Riche et Chambray-lès-Tours devrait voir le jour en 2028, avant une hypothétique troisième ligne qui pourrait relier un jour Saint-Pierre-des-Corps au nord de l’agglomération. De nouvelles lignes de bus à haut niveau de service sont programmées. Bientôt le service express métropolitain régional devrait permettre de relier efficacement de nombreuses communes périurbaines et rurales au cœur de la métropole par les voies ferrées.
L’avenir des transports dans la métropole de Tours en quelques exemples
On parle alors volontiers d’intermodalité : rendre efficaces et désirables des voyages utilisant plusieurs modes de transport. Pour atteindre un niveau d’efficacité qui se rapproche de l’automobile, même sans prévoir exactement son trajet, il faut alors un réseau suffisamment ample spatialement mais aussi dans les horaires. Il faut qu’il soit suffisamment rapide, que les transports en commun soient cadencés et que les changements de mode soient le plus fluide possible.
« On ne peut plus compter sur un seul mode miraculeux »
Marie Huygue, urbaniste
Chercheur spécialiste des transports, Aurélien Bigo en est convaincu : investir dans les modes de transport alternatif ne sert à rien si aucune limite n’est opposée à la voiture individuelle, à l’avion et aux poids lourds. Il faudrait aussi, selon lui, parvenir à modérer la demande de transport. Or, le Syndicat des mobilités de Touraine s’attend à une augmentation du trafic dans la métropole, l’arrivée de nouveaux habitants se faisant plutôt dans les communes périphériques.
Nicolas Oppenchaim, sociologue spécialiste des mobilités dans les quartiers populaires, tempère : « Nous donnons presque trop d’importance à la mobilité. Celle-ci aurait tendance à remplacer l’aménagement des territoires. » Réduire la fréquence et le nombre des déplacements passerait par un maillage plus fin du territoire en termes de services de proximité afin de ne pas se reposer sur la capacité à se déplacer.
Un paradigme qui n’est pas d’actualité du côté des décideurs : les mobilités sont au cœur de la stratégie et de l’aménagement des territoires aujourd’hui en France. Dans la métropole de Tours, le futur projet de réaménagement de la gare de Saint Pierre-des-Corps illustre parfaitement cette problématique.
À l’horizon 2050, 14 hectares de friches SNCF seront réhabilités. Encore à l’étape des pré-études, le projet mêle redynamisation de l’est de Tours Métropole et mise en cohérence des réseaux de mobilité avec une résurgence du train. Photo : Zacharie Gaborit / EPJT
Pour les usagers, Saint-Pierre-des-Corps est surtout connu pour être la gare TGV de l’agglomération de Tours depuis 1990. Mais, au-delà des lignes voyageurs, l’abandon progressif des services postaux et du fret laissent des infrastructures vieillissantes sur ce « muscle ferroviaire ».
C’est un immense site minéral et ocre. Le « muscle ferroviaire » de Saint-Pierre s’étend sur 4 kilomètres et atteint parfois une largeur de 400 mètres. Ce sont donc 7 hectares, presque 10 terrains de football.
Pourtant, les collectivités locales et la SNCF considèrent aujourd’hui cette zone comme une véritable porte d’entrée sur le territoire et misent sur l’augmentation du trafic ferroviaire. Après la crise sanitaire, le flux de voyageurs a retrouvé son niveau de 2019, avec 3,8 millions en 2022.
La SNCF projette jusqu’à 10 millions de voyageurs par an à Saint-Pierre-des-Corps en 2050. À titre de comparaison, la gare de Nantes accueillait 15 millions de voyageurs en 2022 et la fréquentation des grandes gares parisiennes se chiffre en centaines de millions.
L’objectif, d’une part, est de remplacer les ateliers au centre de « l’îlot ferroviaire », au milieu des voies, par un quartier d’affaires. D’autre part, il est prévu d’apaiser et de dynamiser les différents quartiers au sud du site et leurs zones d’activité.
La SNCF a déjà lancé plusieurs pré-études sur l’évolution du site dont elle est propriétaire. Vidéo : Maël Prévost, Zacharie Gaborit / EPJT
Côté mobilité, le futur échangeur autoroutier sur l’A10 au niveau de Rochepinard va irriguer ces zones proches du Cher, accompagné d’un nouveau parvis au sud de la gare. L’actuelle entrée nord sera, elle, repensée pour l’usage du vélo, des transports en commun et, plus globalement, pour l’intermodalité.
Un « en même temps » qui ferait la part belle au développement des mobilités alternatives ou douces voulu par la métropole. Côté sud sera améliorée la connexion entre l’autoroute, un centre commercial adapté à la voiture et un accès rapide à la capitale par le TGV.
À l’horizon 2050, c’est un projet titanesque qui se dessine à l’échelle de la métropole. Il montre à quel point la mobilité et l’accessibilité sont des piliers de l’urbanisme et de l’aménagement des territoires.