A Saint-Cyr-sur-Loire, les petites pastèques, boudées par la grande distribution, finissent sur les étals de cette épicerie.
L’épicerie NOUS Anti-Gaspi rachète de produits destinés à être jetés à des industriels et des producteurs. Elle les revend à des prix bas à une clientèle de plus en plus touchée par l’inflation sur les produits alimentaires.
Par Marie-Camille Chauvet (texte, photos et multimédias)
En retrait, au fond d’un parking de Saint-Cyr- sur-Loire, une enseigne intrigue. Avec son logo méconnu qui semble presque avoir été fait main, elle ne ressemble à aucune autre grande surface de la zone commerciale. À l’intérieur, les étals regorgent de fruits abîmés, de produits en vrac, parfois proches de la date limite de consommation. Et les prix sont souvent réduits.
Seule une dizaine d’acheteurs déambule dans les 350 mètres carrés du magasin, alors que les supermarchés du coin attirent de nombreux clients. « Être en face d’enseignes comme Lidl permet de ramener du monde qui ne serait pas venu sinon », estime cependant Christophe Skierski, le directeur des lieux.
L’épicerie NOUS Anti-Gaspi de l’agglomération tourangelle a ouvert ses portes en 2021. Les cinq salariés ont observé une hausse constante de la clientèle. Certains sont même des fidèles. C’est le cas de Anne C. « Je viens avant d’aller faire mes courses à Auchan. J’arrive sans idée précise, juste pour voir ce qui est intéressant au niveau des prix. »
L’enseigne propose pourtant une variété de produits censée couvrir les besoins des consommateurs. Ce sont des invendus des entreprises de la grande distribution qui achètent massivement aux industries pour éviter la pénalité financière en cas de rupture de stock. Les aliments frais sont revendus à la chaîne NOUS Anti-Gaspi pour des raisons d’image : des fruits, des légumes et des œufs de petits calibres, de la viande et du poisson mal découpés.
Certains approchent aussi la date limite de consommation. Les enseignes de grande distribution préfèrent alors s’en séparer. Des produits d’épicerie ayant dépassé la date d’utilisation optimale sont vendus, comme cette sauce tomate Carrefour trouvée en rayon, périmée depuis quelques jours.
Situé dans une zone commerciale, le magasin est difficilement accessible pour les étudiants.
L’inflation sur les produits alimentaires a explosé, atteignant 9,7 % sur un an en septembre 2023. Dans le même temps, 10 millions de tonnes de nourriture finissent à la poubelle, ce qui représente 16 milliards d’euros, selon le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.
Les épiceries antigaspillage se posent en alternative pour certains ménages qui cherchent à consommer des produits de qualité à des prix abordables. Mais la négociation avec les grandes entreprises est parfois rude, et l’épicerie est contrainte d’acheter des stocks de produits pour avoir accès à d’autres.
Cela se matérialise sur les étals, où le mélange est hétéroclite parmi les plus de 900 références. Entre un paquet de M&M’s et une boîte de Ferrero, les gâteaux Bonneterre et Bjorg tentent de faire bonne figure. Le responsable du magasin le reconnaît d’ailleurs : « Les industriels font pression pour obtenir les prix les plus bas depuis l’inflation. Sur certains produits, il nous est impossible de faire moins qu’eux. »
Outre les négociations avec les industriels, Christophe Skierski essaye de travailler avec des partenaires locaux. Au rayon alcool, on retrouve des bouteilles issues de la production régionale : « Je travaille avec des micro-brasseurs qui ont lancé leurs premières cuvées en faisant de mauvais calculs, et qui se retrouvent avec trop de stocks à écouler. » De nombreux fruits et légumes viennent du chantier d’insertion Les quatre saisons d’Atouts, situés à Mettray (37).
Le responsable insiste : « Nous ne sommes pas seulement des destockeurs, nous essayons aussi d’introduire de la qualité dans nos rayons. » C’est ce que Dominique C vient chercher : « Pour les produits de qualité, je viens ici, et je fais le reste de mes courses au Leclerc. » Quant à l’objectif de base, il semble rempli, car « même pour les produits en date courte, en proposant des paniers Too Good Too Go ou en les étiquetant, on ne jette quasiment rien », conclut Christophe Skierski d’un air satisfait.