D’une bombe de peinture

DACRUZ fait jaillir l’âme du 19e

Le quartier de l’Ourcq fourmille de fresques et de graffitis, une particularité qui a depuis longtemps séduit les habitants. Photo : Jules Bourbotte/EPJT.

Dans le 19e arrondissement de Paris, le graffeur et peintre mural, DaCruz, a laissé sa marque. Plus que de simples fresques, ses œuvres font partie intégrante de l’identité de certains quartiers. Ses influences  graphiques, principalement sud-américaines portent ses valeurs personnelles et sociales.

Par Jules Bourbotte

A Paris, le 25 novembre 2023, se tenaient des portes ouvertes un peu spéciales, une ouverture sur le monde caché de l’artiste graffeur DaCruz. Plus habitué à inviter son public à découvrir ses œuvres en extérieur, le propriétaire des lieux a mis un point d’honneur à accueillir tous ceux qui sont venus. Une fois à l’intérieur, les visiteurs étaient épiés par des dizaines d’yeux enveloppés de couleurs vives et de visages aux traits anguleux.

Cet univers visuel, les habitants du 19e le connaissent bien. Autour du canal de l’Ourcq, les fresques de l’artiste sont nombreuses. Impossible de rater sur les murs, les armoires électriques ou les piliers des ponts les grands visages aux traits carrés et aux grands yeux, indissociables des créations de l’artiste.

Originaire du 19e arrondissement de Paris, DaCruz grandit dans le quartier de l’Ourcq. Issu d’un milieu populaire, il s’attache, à travers son œuvre, à perpétuer les valeurs et l’atmosphère qu’insuffle le 19e à ses habitants. En pleine métamorphose dans les années quatre-vingt, le 19e arrondissement est devenu peu à peu un arrondissement plus vivant où les industries ont de moins en moins leur place.

« L’école de la rue »

DaCruz va mettre, dans un premier temps au marqueur, son art à profit pour transformer son environnement. Dès cette période de « formation sur le tas, à l’école de la rue » comme il dit, il apprend l’importance de la transmission des valeurs. « Le graff est issu du mouvement hip-hop au même titre que le rap que tout le monde connaît bien sûr, mais aussi du breakdance. Ce sont des valeurs d’unité, de partage et d’inclusion qui sont transmises par le mouvement. »

Comme la majorité des artistes de sa génération, DaCruz a commencé à diffuser ses œuvres dans la rue et illégalement. La fougue de la jeunesse lui fait adorer l’adrénaline et le côté sauvage de l’exercice. Pour autant, selon lui, le graff doit avoir une visée, un but artistique. « Recouvrir les murs, je n’y vois pas beaucoup d’intérêt. Bien sur on peut trouver matière à analyser tout ce que l’on trouve. Dans le graff on voit bien ceux qui travaillent un style et s’expriment. »

Le tournant pour DaCruz, vient de son engagement politique et social. Il crée des évènements culturels autour de son art comme le festival Ourcq Living Colors ce qui l’inscrit définitivement dans le paysage du graff parisien. Le public, désormais familier avec ses créations est unanime : à Ourcq, l’âme du quartier est insufflée dans les créations de l’artiste qui font intégralement partie de l’identité du canal.

Autour du canal de l’Ourcq, s’organisent des visites du quartier dont la thématique est le street art. Ici, un parcours non exhaustif, des œuvres de DaCruz. Réalisation : Jules Bourbotte/EPJT.

L’inspiration, l’artiste la puise dans ses voyages. Chaque culture qu’il a rencontrée se retrouve dans ce qu’il produit aujourd’hui. « C’est cliché, mais mes voyages sont des échanges. Quand je vais chercher au Brésil ou au Pérou des inspirations que je ramène en France, j’invite en retour ceux avec qui j’ai échangé à venir découvrir notre culture. Cette réciprocité est la clé dans le fait de se réinventer et de chercher de nouvelles inspirations. » Or pour pouvoir voyager et exporter ses œuvres, l’artiste doit se financer.

Quand on lui pose la question d’une marchandisation du street-art, DaCruz se montre réaliste mais fidèle à lui même. « Vendre ses œuvres est parfaitement normal. Il ne faut pas s’en cacher bien que le graff par essence soit marginal et hors des hôtels de vente », précise-t-il en ajoutant : « Je ne regrette pas du tout que le street-art s’installe dans des galeries si plus de gens peuvent le découvrir. Le problème avec la marchandisation, c’est que cela crée des tendances. La tendance, ce n’est pas bon, cela standardise les créations. Les artistes se conforment à un style et la nouveauté, sans être encouragée, en est ternie. »

Pour l’artiste, tout ceci fait écho à un « mal de l’époque ». Le numérique a paradoxalement appauvrit peu à peu nos références, tout le monde étant stimulé par des contenus similaires, nos inspirations s’uniformisent.
DaCruz est catégorique sur son futur : son art continuera de s’exporter pour être sans arrêt réinventé. Il restera réaliste dans son approche et continuera d’intégrer les messages et valeurs qui lui tiennent à cœur. 

Jules Bourbotte

@jules_brbt,
21 ans.
Etudiant en journalisme à l’EPJT.
Passé par La Voix du Nord et Le Courrier Picard.
Se destine au journalisme socio-culturel