Détection à haut risque

Photo : Thomas Dupleix/EPJT

Détecteur de métaux, pelles et pioches constituent l’équipement de tout prospecteur qui se respecte. Mais attention, la pratique de la détection est encadrée par une loi stricte. Il est interdit de chercher des objets archéologiques. Les passionnés fouillent en essayant de rester dans les clous.

Par Thomas Dupleix, Adrien Petiteau et Romain Pichon

Pour beaucoup, la détection est une passion. Stéphane Courjaud a trouvé un vieux détecteur dans le grenier de son père quand il était petit. Son amour pour la prospection ne l’a pas quitté depuis. En 2015, cet artisan-menuisier a fondé l’association de détectoristes Cré vin diou poêlage de loisir, près de Parthenay (79). Féru d’histoire depuis tout petit, Stéphane Courjaud est fier d’avoir rassemblé une vingtaine de passionnés.

Mais avec la loi du 7 juillet 2016, la pratique de la prospection est devenue compliquée. Tous les objets datant d’avant 1950 sont considérés comme archéologiques. Or, chercher un objet archéologique est illégal. Alors mieux vaut ne rien trouver. L’anecdote vient de Gilles Cavaillé, rédacteur en chef de la revue Monnaies et Détections. « Un ensemble de plats en argent de toute beauté a été découvert. Que croyez-vous qu’a fait le prospecteur ? Il l’a déterré et l’a enfoui chez lui au bulldozer, à 3 mètres de profondeur. »

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Dans cette atmosphère tendue, les prospecteurs « sont considérés comme des pilleurs et se tirent dans les pattes sur des rumeurs », explique Stéphane Courjaud. Il en a fait l’amère expérience. L’association ne plaisait pas à certaines personnes. « Des prospecteurs ont raconté qu’on allait sur des sites de fouilles archéologiques. J’ai dû dissoudre l’association l’année dernière », déplore-t-il.

Passion interdite

L’archéologue Eric Champault ne fait pas de concessions. « Les prospecteurs sont des hors-la-loi, ni plus ni moins. Ceux qui se lancent dans la chasse aux trésors sont motivés par l’appât du gain et non par l’histoire des objets trouvés. » Installé à Orléans, au siège du service régional de l’archéologie (SRA), Eric Champault est aussi référent d’eBay France. Depuis 2013, il lutte activement contre le pillage archéologique.

« J’ai le droit de vie ou de mort sur n’importe quelle annonce d’objet archéologique »

Éric Champault,
archéologue à Orléans

Eric Champault explique le durcissement de la loi par une augmentation des pillages et des fouilles clandestines ces dernières années. Photo Thomas Dupleix/EPJT

Dans le monde de la détection, il existe aussi les prospecteurs professionnels. Cédric Pailler tient une boutique près de Parthenay. Il vend des détecteurs et tient à mettre en garde les acheteurs sur la législation. Lui aussi est un passionné de la trouvaille. Il a déterré sa première pièce à 7 ans. « Je suis toujours un gamin, s’exclame-t-il. Chaque fois que je trouve quelque chose, c’est pour moi un trésor. »

Prospecteur gadget

Personnage haut en couleurs, cet ancien militaire de 43 ans donne le ton d’entrée de jeu. « Faites attention à ne pas vous écouiller (sic) ! ». Dans une pâture du lieu-dit de Fresnes (79), il enjambe la clôture. Pas question de chercher des bijoux de familles, mais une pièce de débroussailleuse. Elle appartient à un agriculteur de Gourgé (79) qui lui a demandé de la retrouver.

La recherche ne s’annonce pas simple. Une petite pièce de métal de quelques centimètres de long, enfouie dans un champ de plusieurs hectares couvert d’un brouillard léger. Bottes chaussées, gants enfilés, sacoche en bandoulière et détecteur en main, Cédric se lance. Allumage. Et déjà le premier bip. Le son est bref, régulier, l’objet est donc à la fois petit et rond. Rond comme une pièce de monnaie. « Probablement un denier en cuivre qui n’a pas bien vécu. Il est lisse et inexploitable », explique Cédric. Une savonnette, comme on dit dans le jargon de la détection.

Après une heure de fausses pistes autour d’un point d’eau, la pièce agricole est retrouvée au pied de la clôture. La recherche d’objets perdus prend fin ici. Mais la détection se poursuit. « L’instant plaisir », reconnaît Cédric, sourire en coin. Sentiment largement partagé par Alain Cloarec, le « Zizou de la détection », dixit Cédric qui collabore avec lui. « Ça fait rêver et ça fait du bien, affirme Alain. Il ne faut pas nous enlever ça. »

Dans l’imaginaire collectif, les chasseurs de trésors, armés de leurs détecteurs de métaux, trouvent monts et merveilles. La plupart des trouvailles sont cependant beaucoup moins nobles. De la ferraille en pagaille et des déchets plus problématiques dans un pâturage de moutons. « L’aluminium, c’est une énorme saloperie », peste Cédric.

Beaucoup de prospecteurs se chargent de retirer les métaux des sols. Mais certains abusent de cette vitrine écolo. « On ne fait pas de la détection pour faire de la dépollution », lance l’ex-militaire. Cédric Pailler avoue que « le petit frisson », c’est de trouver un objet un peu ancien. Là, par contre, les limites de la pratique sont atteintes.

Cédric Pailler prospecte l’hiver dans les champs car les parcelles sont meubles et donc plus facile à détecter. Photo Thomas Dupleix/EPJT

L’archéologue Eric Champault indique que la majorité des détectoristes cachent les objets de valeurs qu’ils trouvent. « J’ai retrouvé toute sorte d’objets datant de l’âge du bronze jusqu’aux guerres mondiales. Lors des perquisitions, les autorités découvrent des bracelets, des amphores, des poteries, des monnaies en or, des cartouches et même des bagues des Jeunesses hitlériennes. »

Deux mondes se font donc face. Les archéologues dénoncent des pillages qui constituent un manque à gagner pour la science. Les prospecteurs dénoncent, eux, un système trop strict qui entraîne une grande perte pour le patrimoine. Ces amoureux de l’histoire semblent irréconciliables.