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Colorier c'est soigner

Les séances de dessin sont des moments calmes pendant lesquels les personnes peuvent se concentrer sur autre chose que leur routine. Photo EPJT

Au sein de l’Ehpad Henri-Dunant de Tours, Nathalie organise l’accueil de jour des personnes atteintes d’Alzheimer. Elle propose des activités qui stimulent la mémoire des malades.

Par Jeanne HELOUIS et Lena PLUMER-CHABOT

Grand sourire, air avenant et cheveux courts bouclés, Nathalie Charrier accueille les visiteurs et les résidents dans la « boîte ». C’est comme cela que ses collègues appellent la salle dans laquelle elle organise l’accueil de jour de personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer, qui « détruit les cellules du cerveau ». Elle ne peut prendre en charge les personnes lorsque la maladie a fait trop de ravages : l’accueil de jour sert essentiellement de « passerelle » entre le domicile et l’unité de résidence Alzheimer.

« La boîte » a la taille d’un studio spacieux : il y a une cuisine, une terrasse, les murs sont décorés d’arbres de papier sur lesquels bourgeonnent de petites fleurs découpées, que Nathalie Charrier présente fièrement.

Une grande table couverte de coloriages, crayons, puzzles et autres jeux occupe le centre de la pièce. La large baie vitrée baigne la salle de lumière naturelle. Ce dont profitent les nombreuses plantes vertes disposées devant. « Je vais les planter dans le jardin avec un résident », explique l’ancienne assistante de soins en gérontologie.

Son rôle est similaire à celui d’un aide-soignant. Depuis qu’elle a obtenu son diplôme universitaire d’aide médico-psychologique (AMP), elle a arrêté d’enchaîner les soins des patients. Aujourd’hui, son métier consiste à prendre le temps d’écouter et d’accompagner les personnes âgées, au gré de leurs envies.

Trois personnes sont autour de la table : Rolande et Marie Paulette, qui colorie méticuleusement leur feuille, et Milorad. Les premières sont résidentes de l’Ehpad et viennent renforcer les rangs de l’atelier de jour. Le troisième, ancien avocat d’origine serbe, habite chez lui et vient profiter des animations. La boîte est en effet ouverte aux deux publics.

S’il n’y a que trois personnes ce lundi après-midi, c’est que l’accueil de jour est destiné à des petits comités. Nathalie considère qu’il est préférable de petits groupes : il suffit qu’un résident, dans un mauvais jour, perturbe la séance pour qu’elle ne puisse pas faire ce qu’elle avait prévu. Lorsque cela arrive, elle improvise. Même si elle prévoit des activités, elle fait en général « au jour le jour », en fonction des souhaits des résidents.

Il arrive parfois qu’elle ait peu de participants. Mais elle a une parade : « Quand un résident est seul avec moi, je mets des carnets, des coloriages, des jeux sur un chariot et je vais me promener dans les étages. Les gens viennent voir, s’intéressent et ça crée une dynamique de groupe, c’est très stimulant. »

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Marie-Paulette colorie sa feuille avec application.

Lena Plumer-Chabot/EPJT

L’autonomie malgré la maladie

Tout est fait pour mettre le résident à l’aise : le cadre est paisible, confortable, sans stimuli extérieurs. Le but est d’améliorer les fonctions cognitives du patient, mais aussi d’affecter positivement son humeur et ses troubles du comportement. L’autonomie, les liens et les échanges sociaux sont préservés le plus longtemps possible. Ces ateliers permettent aussi de soulager les aidants, ces personnes qui vivent avec le malade au quotidien en leur accordant un moment de répit.

Une belle complicité s’est créée entre Nathalie et Marie-Paulette qui vient de fêter ses 98 ans. « J’adore venir ici, c’est calme et notre animatrice est exceptionnelle ! » Nathalie développe des subterfuges : faire exprès de faire tomber des objets pour les inciter à les ramasser, laisser la table en désordre pour qu’ils la rangent. Le but ? Multiplier les gestes de tous les jours pour insuffler des repères et rendre les résidents actifs.

Milorad est très expressif, il parle beaucoup, fait de grands gestes sans être tout le temps compris. Arrivé en France après la guerre en Yougoslavie, il a perdu son français à cause de la maladie. Nathalie Charrier. a décidé d’apprendre quelques mots de serbe pour faciliter la communication.

Nathalie Charrier est une adapte de « l’humanitude », une approche des soins introduite dans les années quatre-vingt-dix. Elle est fondée sur sur l’adaptation du soignant au patient. Ce dernier doit toujours être considéré comme une personne. « Même s’il ne leur reste qu’un dernier geste qu’ils peuvent effectuer seuls, se brosser les cheveux par exemple, je ferai en sorte qu’ils puissent le faire ».