Ces Français venus d’ailleurs

D’Aimé Césaire à Gaston Monnerville en passant par les chanteurs yéyé de Salut les copains, l’exposition raconte les parcours de femmes et d’hommes qui, bien que  venus d’ailleurs, ont joué un rôle dans notre pays depuis plus de deux cents ans. Photo : Inès Figuigui/EPJT.

Une exposition itinérante propose une nouvelle approche de l’histoire de France  Elle rend hommage aux hommes et aux femmes issus de l’immigration ou des outre-mer qui ont marqué l’histoire moderne française. Elle a fait escale à Tours en décembre dernier.

Par Inès Figuigui

Notre histoire a souvent oublié ces Français nés dans des contrées lointaines et qui pourtant l’ont marquée. On connaît bien les noms de Marie Curie, Joséphine Baker, Pablo Picasso… Mais qui se souvient de Severiano de Heredia, né à Cuba et qui fut ministre des Travaux public en 1887, de Do Hûu Vi, tué en 1916 dans la Somme après une brillante carrière militaire, de Paulette Nardal, première étudiante noire à la Sorbonne et qui figure parmi les fondateurs de La Revue du monde noir, comme Léopold Sedhar Sengor et Aimé Césaire… C’est cette histoire que veut mettre en lumière l’exposition Portraits de France.

À l’origine de cette initiative, un discours d’Emmanuel Macron en août 2019, lors des commémorations du 75e anniversaire du débarquement de Provence. Le président appelait les maires à faire « vivre par le nom de nos rues et de nos places la mémoire des combattants africains » en témoignage de la gratitude de la France. En résonance avec les jeunes des quartiers populaires et des régions ultramarines, 318 noms sont alors répertoriés.

En mars 2021, le recueil est confié à la ministre déléguée chargée de la Ville, Nadia Hai. En décembre, à l’occasion du festival Plumes d’Afrique, l’exposition Portraits de France est présentée au public pour la première fois au musée de l’homme à Paris. Elle a été conçue par le muséum national d’histoire naturelle et le Groupe de recherche de l’Association pour la connaissance de l’histoire de l’Afrique coloniale (Achac). Elle est ensuite proposée dans les musées et les établissements scolaires.

A Tours, c’est à l’hôtel de ville que l’exposition est accueillie. Grace Neloum Djimadoum, organisatrice des évènements culturels de la mairie de Tours, renseigne les visiteurs. A un couple de personnes âgées, qui s’interroge sur la durée, elle indique que l’expo restera au moins trois semaines  « N’hésitez pas à repasser. Je vous donne la brochure de l’évènement. » Différentes brochures sont en effet éditées pour tous les publics. Dont une pour les scolaires.

Source : brochure de l’exposition. Réalisé par Ines Figuigui/EPJT

Parmi les personnalités exposées, on découvre la danseuse Isadora Duncan. Née à San Francisco en 1877, elle s’initie très jeune à la danse et devient membre de la compagnie théâtrale d’Augustin Daly, à New York. En 1899, elle s’installe en France. Ses danses, inédites et chargées d’émotions séduisent le public de la Belle Époque. Elle crée la danse moderne européenne.

Thomas Alexandre Dumas, père de l’écrivain Alexandre Dumas, est né à Haïti d’un noble normand et d’une esclave affranchie. Venu en France avec son père, il est nommé, en 1792, officier dans l’unité des
« hussards noirs » et devient le premier général afro-antillais de l’armée française.

Zeiza Gisèle Élise Taïeb, née à la Goulette en Tunisie, elle devient avocate en 1948 après ses études à Tunis et à Paris. Connue pour avoir défendu des militants nationalistes du Front de libération nationale (FLN) algérien, elle a été l’avocate de la militante Djamila Boupacha en 1960. Elle signe le manifeste des 343
en 1971, affirmant avoir déjà avorté et réclamant ce droit pour toutes… Elle n’est autre que Gisèle Halimi.

Chacun vient chercher sa propre histoire

« L’exposition est impressionnante. C’est une excellente idée. Mais elle mérite un complément. On pourrait en faire une deuxième, ce serait formidable. Il manque des femmes », confie avec enthousiasme Muguette De l’Hommeau, une octogénaire aux cheveux poivre et sel. « C’est important de montrer cela dans le contexte actuel et tous les débats en ce moment sur l’immigration », ajoute cette ancienne enseignante.

Chacun vient chercher sa propre histoire. Antoine Bucher, 83 ans, ancien combattant voit surtout dans ce voyage historique, « un moyen de rendre hommage à ceux qui ont servi la France » . Il insiste sur Joséphine Baker, « héroïne de la résistance ». Ancien officier de la police nationale du général De Gaulle, il s’est déplacé pour voir un panneau sur la Libération de Paris. Sur la photographie, un gardien de la paix porte un galon rouge. « Cela signifie qu’il est stagiaire. J’ai moi-même créé des insignes pour les policiers, voici le mien. » L’ancien militaire à l’allure soignée montre l’insigne accroché à son manteau. .  

Source : brochure de l’exposition. Réalisé par Ines Figuigui/EPJT

Tous les visages sont le symbole d’une volonté d’intégrer des personnes issues de l’immigration et des outre-mers à l’histoire française. Portraits de France a ainsi vocation à donner des ressources aux élus pour renommer progressivement des rues, des places, etc., avec les noms de ces oubliés de la République. L’objectif est de fonder une nouvelle mémoire dans l’espace public.

Sur un panneau, on retrouve une coupure de L’Humanité qui critique l’instrumentalisation coloniale de la victoire de Ahmed Boughéra El Ouafi à l’épreuve de marathon des jeux Olympiques d’Amsterdam, le 5 août 1928 : « Enfin une victoire française ! C’est – ô ironie ! – celle de l’Arabe El Ouafi dans le marathon. » Des propos qui ne sont pas sans rappeler certaines remarques sur l’équipe de France de foot ou sur nos athlètes issus de l’immigration et des outre-mer. Il reste du chemin à parcourir.

Inès Figuigui

@figgiines
22 ans.
Étudiante en journalisme à l’EPJT.
Passionnée par les sujets de société et politiques.
Aspire à devenir journaliste d’investigation en presse écrite.