Brasseurs d’idées
Photo : N. P.-S./EPJT
Lieu de résidence, espace de coworking, scène culturelle et fabrique de l’information, telles sont les différentes facettes de Place to B, un lieu qui vivra bientôt au rythme de la conférence de Paris sur le climat. En attendant, les organisateurs préparent l’événement dans une démarche participative. Rencontre avec les membres du réseau, début mai à Paris.
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Par Nathalie Picard-Simonet
Place to B alive ! Just to B there ! » Juchée sur une chaise, Anaïs, étudiante dynamique, lance des slogans à la cantonade. Autour d’elle, une quarantaine de personnes sont attablées dans un coin du Belushi’s, un bar situé à quelques pas de la gare du Nord de Paris. Elles sont réunies pour faire avancer leur projet : Place to B, comme l’expression anglaise qui désigne un lieu à ne pas rater. Car, dans quelques mois, l’endroit où il faudra être, ce sera ici, au Belushi’s. Du 30 novembre au 11 décembre prochain, le bar vivra au rythme de la Cop 21, la conférence des parties sur les changements climatiques organisée par l’ONU. Il se transformera en espace de coworking, plateau télé et studio radio pour journalistes, illustrateurs ou humoristes. Tous ceux qui veulent parler autrement du climat seront les bienvenus.
Fabriquer un récit différent sur le changement climatique, c’est la clé de voute du projet lancé par Anne-Sophie Novel, blogueuse et journaliste. En jean et tee-shirt blanc, la jeune femme lance la rencontre. Si de nombreux participants se connaissent déjà, il y a aussi de nouvelles têtes. C’est pour elles qu’elle présente une nouvelle fois son initiative : « L’idée a germé il y a six ans, lors de la Cop 15 de Copenhague. Là-bas, j’ai rejoint un réseau international de blogueurs. Un café privatisé nous permettait de nous connecter à Internet, de travailler ou de boire un verre. Cette expérience m’a beaucoup marquée. J’ai rencontré des personnalités que j’admire, raconte simplement la journaliste. Alors pourquoi ne pas profiter de la COP 21 pour créer une dynamique similaire à Paris ? »
L’idée lancée, une équipe de 12 personnes s’est progressivement constituée. Place to B est devenu le nom officiel du projet. Au-delà du jeu de mots, la lettre B renvoie aux manifestations citoyennes lors du sommet de Copenhague. Un message en lettres noires sur fond jaune était inscrit sur les pancartes :
« Il n’y a pas de planète B. » B, c’est aussi Le Bourget, site qui accueillera la COP 21, le RER B, les blogueurs ou le bottom-up, processus de coconstruction cher aux organisateurs.
Raconter le climat
Car l’idée, c’est bien de partir de la base et d’associer un maximum de citoyens à la dynamique. Impliquer la société civile dans ce projet et, plus globalement, dans le changement climatique. Anne-Sophie Novel s’interroge : « Pourquoi la pire des catastrophes annoncées ne mobilise-t-elle pas les foules ? L’information, telle qu’elle est traitée aujourd’hui dans les médias, suffit-elle pour répondre aux enjeux ? Les médias doivent parler différemment du changement climatique : produire un discours réaliste mais aussi porteur d’espoir, montrer que des solutions existent pour donner envie d’agir. »
Dans la fabrique de l’information imaginée par les organisateurs, des compétences en journalisme, en illustration ou en datavisualisation vont se croiser pour donner naissance à de nouvelles formes de récit. Créer un référentiel de solutions inspiré d’un livre de recettes, traiter l’avancée des négociations à la manière des commentateurs sportifs, réaliser une cartographie des alternatives existant à travers le monde, réfléchir à la sémantique et inventer de nouveaux mots… Déjà, de nombreuses idées émergent. Le projet suscite l’enthousiasme. À ce stade, difficile de savoir ce qui va ressortir de cette émulation, mais l’expérimentation est en marche.
Réseaux en partage
Les propositions émanent de la communauté Place to B, 250 personnes réunies sur un groupe privé. Ce soir-là, au Belushi’s, 40 membres sont en train de plancher. Sur les tables, papiers et crayons côtoient des pintes de bière. On discute, on s’amuse et on travaille. L’objectif, c’est d’avancer sur le remplissage des lieux d’ici la fin du mois de juillet. Les 600 lits du St Christopher’s Inn, l’auberge de jeunesse jouxtant le bar, sont réservés pour la Cop 21. Un challenge pour les organisateurs.
Photo : N. S.-P./EPJT
Un bras dans le plâtre, Joanne Schanté, l’aubergiste, y met toute son énergie : « Nous souhaitons accueillir des personnes d’origines géographiques variées, qui vont contribuer à la fabrique d’un récit différent. Des profils originaux, comme des youtubers ou des blogueurs, nous intéressent. Nous avons besoin d’activer tous nos réseaux pour remplir l’auberge. »
Une fois les équipes constituées, trois défis sont successivement lancés : partager ses réseaux et ses contacts, trouver des slogans et rédiger des tweets. Entre deux bouchées de frites, les idées fusent. Réunie autour d’une grande table en bois massif, l’équipe des « saltimbanques » est en plein remue-méninges. Anaïs l’étudiante, Frédéric le journaliste, Natacha la graphiste,
Raphaël le musicien… Ils viennent d’horizons différents mais partagent un intérêt commun : participer à ce projet porteur de sens. Et pour motiver et souder les troupes, à chaque défi, un pichet de bière est mis en jeu. Quand Place to B se transforme en un « Place to bière ! » joyeusement lancé dans la mêlée.