homoparentalité
Et ailleurs, c'est mieux ?Photo Justine Cantrel/EPJT
Au Québec, le combat n’est pas terminé. Depuis 2002, dans la Belle Province, la loi permet aux couples homosexuels d’adopter un enfant. Si d’un point de vue législatif le Québec est considérablement en avance sur la France, l’acceptation de la société n’est pas encore totale..
Par Lina Bensenouci, Justine Cantrel, Iris Chartreau, Célia Mascré, Camille Sellier
« C’était une grande victoire », ajoute la mère de famille, qui a participé à ce combat législatif. À l’origine de sa lutte, son désir d’enfant avec sa compagne Nicole. « À l’époque, nous pensions qu’il était très facile de fonder une famille car en tant que Québécoise, nous n’avions jamais connu la discrimination », affirme-t-elle.
Mais lors de leur premier rendez-vous dans une clinique de fertilité (clinique qui offre des services pour aider les parents à concevoir des enfants), les deux femmes déchantent vite. Seules les personnes mariées sont acceptées. Nous sommes au milieu des années quatre-vingt-dix et au Québec, le mariage est encore réservé aux couples hétérosexuels. Mona Greenbaum reprend : « La deuxième mauvaise surprise a été d’apprendre que Nicole ne serait pas reconnue comme deuxième parent. »
Mona Greenbaum, présidente de la Coalition des familles LGBT au Québec, a participé au « combat législatif » pour autoriser l’union civile aux homosexuels dans la province canadienne. Photo : Camile Sellier/EPJT
L’idée germe alors de créer un groupe afin de pouvoir aider les autres couples lesbiens qui souhaitent fonder une famille. « Mais je ne pensais absolument pas créer un organisme communautaire qui deviendrait par la suite mon travail à plein temps. » Biochimiste de formation, Mona Greenbaum est à l’époque directrice d’un laboratoire de recherche scientifique à l’hôpital de Montréal.
En 1998, elle reçoit un don de sperme d’une clinique de fertilité de San Francisco. L’insémination artificielle réussie, elle tombe enceinte. Six semaines après la naissance de Léo, leur premier enfant, elle crée avec Nicole, l’Association des mères lesbiennes (AML). « Nous voulions que nos enfants aient leurs deux parents légalement reconnus et surtout qu’ils bénéficient des mêmes protections que les autres », poursuit-elle. Soutenue par des syndicats et des organismes de la société civile, la mère de famille participe aux commissions parlementaires. La bataille juridique va durer cinq ans.
Sensibilisation à l’homophobie
Au fil des années, l’Association des mères lesbiennes gagne en visibilité et devient un groupe de défense. En 2014, elle est rebaptisée Coalition des familles LGBT. L’association, qui compte aujourd’hui 2 400 membres, est considérée comme la plus importante des associations de familles LGBT au Québec. « Avant que je tombe enceinte, nous nous interrogions beaucoup sur la vie future de nos enfants dans une société où certains préjugés persistent. C’était notre seule réticence. Quelle sera la vie d’un enfant qui doit dire “j’ai deux mamans ?” », se questionne Mona Greenbaum.
Au Québec, même si les démarches pour devenir parents sont simplifiées depuis quatorze ans, l’acceptation de la société n’est pas encore totale. C’est pour cela que l’association s’est engagée à éradiquer l’homophobie dans les écoles. « Nos enfants n’ont jamais été des cibles dans le milieu scolaire, mais ils sont plus sensibles aux propos homophobes, cela les touche. Eux n’ont jamais subi de harcèlement, ce n’est pas le cas de tous les enfants. C’est donc nécessaire que les professeurs soient outillés pour répondre à des gestes ou à des propos homophobes. »
Quelque 39 % des élèves des écoles secondaires du Québec ont vécu un épisode d’homophobie en tant que victime, selon une étude de Line Chamberland pour Le Fonds de recherche sur la société et la culture. Et 69 % des élèves LGBT seraient victime d’homophobie. « Même si les écoles sont de plus en plus réceptives à la sensibilisation, il existe toujours des réticences », souligne Jeanne Lagabrielle, membre de la Coalition des familles LGBT.
La jeune femme d’origine française a formé environ 2 000 intervenants scolaires pour sensibiliser les élèves à la question de l’homophobie : « On parle de diversité familiale, des mythes autour de l’homoparentalité et des outils concrets pour lutter contre l’homophobie. »
« Au Québec, il n’y a pas plus ni moins d’homophobie qu’en France. Mais la manière d’exprimer son désaccord n’est pas la même. Les gens gardent pour eux leur opinion. »
Jeanne Lagabrielle
Cette enseignante a quitté la France pour s’installer au Québec avec sa conjointe, il y a sept ans. « Nous sommes parties car, à l’époque, la PMA c’était un vrai parcours du combattant. Nous voulions que notre enfant vive avec la reconnaissance légale des deux mères, explique-t-elle. Au Québec, il n’y a ni plus ni moins d’homophobie qu’en France. Mais la manière d’exprimer son désaccord n’est pas la même. Les gens gardent pour eux leur opinion. »
Pour Jeanne Lagabrielle, l’appui légal fait toute la différence : « La loi oblige les écoles à présenter la diversité familiale. Toutes les formes de famille doivent être représentées, c’est très important pour l’acceptation sociale. » La famille envisage un retour en Europe mais refuse de se réinstaller en France. « En tant qu’adulte, je peux supporter les remarques, mais je ne veux pas que nos enfants soient dans une atmosphère pesante et sur laquelle on pourrait difficilement agir, argumente-t-elle. Le pays n’est pas encore assez avancé sur cette question. »