Corentin Sellier sous le maillot de l’équipe de France de hockey sur gazon aux Championnats du monde des moins de 21 ans, en Inde, en 2021. Photo : hockey India
En 2010, lorsqu’il début le hockey sur gazon, Corentin Sellier est loin d’imaginer disputer un jour, les jeux Olympiques. Mais quatorze ans plus tard, aux portes de cet évènement planétaire, il s’interroge sur l’orientation à donner à sa carrière.
Par David Allias
Deuxième meilleur buteur du championnat de France l’an passé, il est l’un des meilleurs atouts offensifs de son club, le Cercle athlétique de Montrouge (double champion de France en titre), à seulement 22 ans. Mais le jeune attaquant, également étudiant à l’Edhec, ne peut vivre décemment de son sport malgré les sacrifices consentis tout au long de l’année. Tel est le destin d’un joueur de hockey sur gazon dans un pays où les retombées économiques et la popularité sont faibles.
Dans l’Hexagone, il est pour l’heure quasi impossible de vivre de ce sport. « Notre ligue est attractive, mais la vie, notamment à Paris, est trop chère. Beaucoup de clubs s’endettent pour attirer des joueurs étrangers alors qu’ils n’ont pas les moyens de les payer », se désespère Aymeric Bergamo, entraîneur et directeur sportif du CAM. S’ajoutent à cela les difficultés de la fédération à se développer et à attirer les sponsors. Ce qui rend compliquée l’évolution des joueurs dans le championnat de France.
Un retour sur investissement trop faible
Pourtant, Corentin Sellier n’est pas le plus à plaindre. Depuis un an, un mécène finance son matériel. C’est le seul joueur du CAM dans cette situation. Mais sans prime de match régulière ni salaire fixe, impossible de prendre son indépendance. À 22 ans, le jeune-homme vit toujours chez sa mère, à Montrouge. Une situation dont il s’accommode pour l’instant mais qui le fait s’interroger sur la suite de sa carrière. Car en refusant d’aller voir ailleurs, il compromet ses chances de devenir « bien plus qu’un top joueur français » comme le lui souhaite son entraîneur. »
Mais en a-t-il réellement envie ? Dans un sport qui ne compte que 17 300 licenciés en France, le retour sur investissement est faible et le quotidien, épuisant. Douze entraînements par semaine et à peine deux semaines de vacances par an, sans oublier les études de finance que Corentin Sellier poursuit sur la plateforme en ligne de l’Edhec.
Réalisé par David Allias / EPJT
Un rythme effréné qui motive, mais fatigue. « Je partage mes semaines entre Lille, où je m’entraîne avec l’Équipe de France, et Montrouge où je retrouve mon club. C’est à la fois excitant, et épuisant. Malgré les médecins et les psychologues, les semaines sont éprouvantes physiquement et mentalement. En France, j’ai l’impression que les sportifs n’ont pas le droit de se plaindre. On a fait le choix de faire du sport, mais on reste humain avant tout. »
Tout serait peut-être plus facile en Allemagne, en Belgique, ou aux Pays-Bas. Les ligues y sont professionnelles et les joueurs y touchent un salaire décent. Corentin Sellier cite l’Inde où le hockey sur gazon est, derrière le cricket, une véritable religion : « Il y avait plus de 80 000 personnes à la cérémonie d’ouverture, des championnats du monde en 2021. C’était fou. » Mais sans même parler de l’Inde, les Pays- Bas, la Belgique et l’Allemagne assurent à leurs joueurs de quoi vivre de leur passion.
C’est d’ailleurs outre-Rhin qu’évolue la copine de Corentin Sellier, Sonja Zimmerman, capitaine de la sélection allemande de hockey sur gazon. Ce sont des données que le jeune hockeyeur connaît. Toutefois, il souhaite continuer à progresser en France pour s’y imposer comme une « référence ».
Réalisé par David Allias / EPJT
Comme lui, ils sont des milliers d’autres sportifs de haut-niveau qui ont dû batailler au quotidien pour s’imposer dans leur sport et exister aux yeux de leur fédération dans l’espoir de décrocher un ticket pour les jeux Olympiques de Paris 2024. Et si pour les sportifs, le jeu en vaut largement la chandelle, pour certains observateurs, il faudra tout de même que la « ville lumière » braque ses projecteurs sur les maux du sport français.
David Allias
22 ans.
Étudiant en journalisme à l’EPJT.
Passé par RFI, Yumé Production et La Nouvelle République
Passionné de géopolitique du sport en Afrique et de sociologie
Aimerait devenir journaliste radio pour un service des sports ou un service société.