Souâd Ayada

Attachée à la République

Souâd Ayada ne regrette pas son expérience à la tête du Conseil supérieur des programmes. Elle estime en être ressortie bien plus riche pour accomplir son travail à l’inspection générale. Photo : Kelvin Jinlack/EPJT

Philosophe de formation, Souâd Ayada n’a pas fait l’unanimité à son arrivée à la tête du conseil supérieur des programmes (CSP). Pour autant, elle n’a jamais dérogé ni à ses principes ni à ce à quoi elle croit.

Par Kelvin Jinlack et Anne-France Marchand

A près de multiples contacts, Souâd Ayada a accepté de nous rencontrer dans une brasserie à Paris. Souriante, sobrement vêtue d’une robe grise, elle pèse ses mots avant finalement de se laisser aller et de s’exprimer sans langue de bois.

Celle qui a dirigé le [simple_tooltip content=’Le CSP est chargé d’élaborer les programmes scolaires enseignés aux élèves français’]Conseil supérieur des programmes[/simple_tooltip] (CSP) de 2017 à 2022 est aujourd’hui revenue dans le monde de l’inspection générale. Jugée conservatrice et traditionaliste, elle s’insurge contre une vision de l’école défendue par certains chercheurs.

C’est le cas de Denis Paget, qu’elle a côtoyé pendant un an au CSP. Lui regrette que l’école ne soit pas suffisamment égalitaire : « Nous ne laissons aucune latitude aux enseignants pour choisir les œuvres qui sont adaptées à leurs élèves. Lire La Princesse de Clèves ou Madame de Lafayette dans une classe de première en sciences et technologies industrielles, ce n’est même pas possible ! C’est une langue qui est trop loin d’eux. Tout le monde n’est pas obligé de savoir lire la langue du XVIIe siècle. »

Ce à quoi elle répond : « Les jeunes petits Arabes comme moi n’auraient pas le droit de lire Molière, d’apprendre le grec et le latin ? »

Denis Paget s’est beaucoup opposé à Souâd Ayada pendant leur mandat au CSP. Photo : Kelvin Jinlack/EPJT

Elle donne l’impression d’être discrète, presque timide, pourtant elle n’a pas sa langue dans sa poche : « Je dis toujours ce que je pense. Je n’ai pas peur de déplaire. » Pour preuve, deux à trois vives tensions ont animé le conseil au début de sa présidence.

Ses positions ont fait émerger des critiques sur sa vision conservatrice et traditionaliste, lorsqu’elle est devenue un personnage public en 2017. Elle cite avec respect Hannah Arendt, philosophe de la gauche américaine, pour se défendre face à ces critiques. « Dans ses travaux sur la culture, nous comprenons bien que c’est parce qu’elle est conservatrice qu’elle est progressiste. On ne peut donc pas me faire passer pour quelqu’un d’extrême droite. »

Souâd Ayada avoue qu’elle ne réitérerait pas l’expérience à la présidence du CSP. Photo : Kelvin Jinlack/EPJT

Souâd Ayada naît au Maroc et arrive en France à l’âge de 4 ans. Elle suit des études de philosophie à l’Université de Lille et obtient, par la suite, la maîtrise, le Capes et l’agrégation en philosophie. Pendant huit ans, elle enseigne dans différentes académies avant d’être détachée au sein du corps des inspecteurs pédagogiques régionaux.

En 2011, elle est nommée inspectrice générale. En 2017, le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, lui propose le poste de présidente du CSP, qu’elle accepte. Elle est la troisième personne à présider le conseil. « J’étais en phase avec la vision de la politique éducative du ministre », explique Souâd Ayada. Les programmes scolaires représentaient, pour elle, l’outil idéal de transmission des savoirs et savoir-faire.

« Les programmes sont, à la fois, ce qui est le plus politique puisqu’ils caractérisent ce qu’on souhaite pour la communauté et, en même temps, ce qui est libéré de toutes adhésions partisanes ou idéologiques », souligne-t-elle.

« Je défie qui que ce soit de savoir si je suis de gauche ou de droite. »

Souâd Ayada

Lors de son arrivée au CSP en 2017, les membres voient une rupture dans le fonctionnement et la gouvernance du conseil. Sylvie Plane, vice-présidente du CSP de 2014 à 2018, considère que Souâd Ayada était beaucoup plus sensible aux recommandations du ministre. Elle donnait moins d’autonomie dans le fonctionnement du CSP. Des propos contestés par la principale intéressée : « Le CSP travaillait en toute indépendance. Je n’ai jamais eu de discussion avec Jean-Michel Blanquer pendant lesquelles il me demandait d’orienter les choses de telle ou telle manière, jamais ! »

Et les critiques sur son positionnement politique ? « Je défie qui que ce soit de savoir si je suis de gauche ou de droite. Tout ce que je suis, c’est attachée à la République, je suis animée par un idéal républicain, assurément. »

Après une courte expérience infructueuse à la tête de l’Institut français d’islamologie, Souâd Ayada est retournée à l’inspection générale en septembre 2022. Elle y retrouve ce qui lui a manqué au CSP, à savoir la présence dans les établissements scolaires. Et un retour à l’anonymat pour celle qui n’apprécie guère l’exposition médiatique.

Kelvin Jinlack

@kelvin.Jlk
22 ans.
Journaliste en formation à l’EPJT.
Passé par
France Bleu, La Nouvelle République et Le Progrès.
Toujours souriant, passionné par les sujets sociétaux, environnementaux et le sport.
Aspire à devenir journaliste rédacteur-reporter.

Anne-France Marchand

@af_marchand
23 ans.
Journaliste en formation à l’EPJT.
Passée par Ouest-France
, La Nouvelle République et Puissance Télévision.
Intéressée par les sujets société, environnement et sport.
Se destine à la télévision mais n’écarte pas la presse écrite et web.